Recommandations (inadaptées ?) sur le syndrome du bébé secoué : des associations saisissent le Conseil d’Etat
Paris, le lundi 17 février 2020 – Sans occulter la persistance
chez de nombreux professionnels de santé d’une minimisation de
l’ampleur des violences faites aux enfants, le syndrome du bébé
secoué (SBS) est un diagnostic complexe. Des erreurs sont
inévitables, quand des pathologies rares pouvant donner lieu à des
tableaux cliniques proches sont trop rapidement écartées. Chaque
année, des mesures d’éloignement sont ainsi prononcées en raison
d’un diagnostic erroné contre des parents n’ayant jamais
secoué leur enfant: les conséquences sont souvent
dévastatrices.
Refus de discussion de la HAS
Plusieurs centaines de familles, regroupées en particulier au
sein de l’association Adika, considèrent aujourd’hui que le libellé
des recommandations édictées par la Haute autorité de Santé (HAS)
en 2011 sur le SBS favorise les interprétations médicales erronées.
Aussi, après le refus de la HAS de répondre à leur demande de
retrait ou en tout cas de réécriture de ces recommandations,
l’association et son avocat Grégoire Etrillard saisissent
aujourd’hui le Conseil d’État afin d’obtenir l’abrogation du
texte.
Des biais nombreux
Les griefs de ces parents sont multiples. Ils considèrent
d’une manière générale que bien plus que des recommandations
médicales et scientifiques, le document de la HAS est « une
injonction de signalement et un manuel d’expert à destination du
monde judiciaire ». Plus précisément, l’association Adika
déplore dans la construction des recommandations une éviction trop
systématique des données de la littérature contredisant leur
orientation principale. Les familles jugent encore qu’une place
bien trop restreinte est donnée à la recherche des diagnostics
différentiels, relevant, à titre d’exemple, que certaines
étiologies ont été oubliées. Concernant la triade (hématomes
sous-duraux, hémorragies rétiniennes, lésions cérébrales) qui doit
selon la HAS fonder le diagnostic, certains experts mettent par
ailleurs en garde contre le risque d’un raisonnement «
circulaire ». « La triade permet de poser un diagnostic
qui lui-même confirme les symptômes » observait ainsi dans le
Monde en novembre dernier le professeur de médecine légale à
l’Université de Umea (Suède), Anders Eriksson. Enfin, Grégoire
Etrillard note que ces recommandations soulèvent un problème quant
à la nomination des experts. « Si vous demandez une expertise
vous avez un médecin légiste non spécialiste de la neurologie
pédiatrique et qui s’appuie sur les recommandations de la HAS, et
si vous demander une contre-expertise vous allez soit avoir un
autre médecin légiste (qui est) régulièrement un des rédacteurs de
la recommandation de la HAS (…) si bien que vous avez toujours la
même opinion » expliquait-il ce matin sur RTL.
Un cas très complexe pour les magistrats du Conseil
d’Etat
La saisie du Conseil d’Etat promet un travail d’analyse complexe à
ce dernier. Il devra en effet se concentrer non seulement sur la
procédure d’élaboration de ces recommandations pour déterminer si
la HAS a bien suivi les règles d’usage, mais aussi mesurer si le
document de l’instance répond bien à sa mission de guide pratique
pour les professionnels ou outrepasse cet objectif premier. Le
Conseil d’État pourrait également avoir à cœur de répondre à la
délicate question soulevée de la neutralité des experts, qui ne
concerne pas seulement le SBS. Cette analyse s’opérera dans un
contexte délicat où le caractère essentiel de la lutte contre les
violences contre les enfants ne devra pas prendre le pas sur la
quête légitime de recommandations justes, même si dans certains cas
les motivations ne sont probablement pas parfaitement claires (on
ne peut exclure que parmi les familles qui s’affirment accusées à
tort certaines aient réellement secoué leur enfant). Lors de la
conduite de ce travail, le Conseil d’État constatera qu’il existe
bien une controverse dans le corps médical, mais que les arguments
affirmant la légitimité des recommandations de la HAS sont très
solides. A l’étranger, c’est le même flou qui domine, avec des
remises en question de la définition très complexe du SBS dont la
pertinence est parfois discutée.
Le problème n'est pas tant au diagnostic quand la triade est présente ou que l'IRM montre une dilacération de certaines veines cérébrales(affaire de spécialistes). Par contre, l'accusation immédiate de maltraitance avec pour corollaire une quasi mise en examen du parent est actuellement trop systématique et hâtive. Ce type de procédure ne laisse pas le champ libre à l'expression de la parole parentale. Si on accuse quelqu'un d'emblée, il niera et continuera de nier. Il est possible que le secouement soit le fait d'un emportement, d'un énervement passager. Pour autant, cela ne signifie pas que le parent n'aime pas son enfant. Il pourra reconnaître son erreur et tenter de réparer sa faute. Bien sûr, il existe des cas de maltraitance avérée. Bien sûr, il faut continuer a médiatiser la prévention en répétant que le "simple secouement" peut avoir des conséquences gravissimes pour le bébé.