
Paris, le jeudi 12 janvier 2023 – Moins concernés par les questions d’âge et de durée de cotisation, les médecins peuvent surtout voir dans la réforme des retraites à venir un moyen d’améliorer le niveau de leurs pensions.
Le verdict, annoncé par la Première Ministre Elisabeth Borne, est tombé ce mardi. A compter de 2030, les Français devront travailler jusqu’à 64 ans pour pouvoir partir à la retraite et cotiser pendant 43 ans (ou tenir jusqu’à 67 ans) s’ils veulent bénéficier d’une retraite à taux plein. L’annonce de cette réforme tant attendue a immédiatement soulevé la colère de l’opposition de gauche et d'extrême-droite, ainsi que des syndicats qui menacent d’une mobilisation d’ampleur à compter du 19 janvier prochain. Mais si la réforme est, à en croire les sondages, très impopulaires chez les Français (plus de 70 % d’entre eux la rejettent), elle pourrait faire des heureux chez les médecins.
En effet, si les praticiens sont, en théorie, concernés comme tous les Français par cette hausse de l’âge du départ à la retraite et du nombre d’années de cotisation, ils sont en pratique déjà bien peu à cesser leur activité à 62 ans, notamment en raison d'études très longues. Les PH partent ainsi à la retraite en moyenne à 65,8 ans, les médecins libéraux à 66,3 ans et les PU-PH à 66,7 ans, alors que les Français prennent en moyenne leur retraite à 62,3 ans. « Nous ne sommes pas vraiment concernés par les mesures d’âge du projet de réforme des retraites » reconnait le Dr Rachel Bocher, présidente de l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH).
Un taux de remplacement faible chez les PU-PH
Mais la réforme pourrait être l’occasion de voir aboutir des revendications de longue date des PU-PH. Ces derniers se plaignent notamment que leurs émoluments hospitaliers soient considérés comme une « rémunération accessoire qui n’est donc pas soumise à cotisation et n’ouvre pas droit à une pension de retraite » explique le syndicat des hospitalo-universitaires (SHU). Une anomalie qui conduit à un taux de remplacement particulièrement faible : les PU-PH à la retraite ne touche en moyenne que 33 % de leur dernier salaire, loin des 75 % du salaire des six derniers mois promis habituellement aux fonctionnaires.
Une injustice évoquée lors de la réunion sur les retraites qui s’est tenu jeudi dernier entre le ministre de la Santé François Braun et les syndicats de PH. « Tout le monde a convenu, de façon assez unanime, qu’il y avait un travail à faire pour l’amélioration des retraites des hospitalo-universitaires » s’est réjoui à l’issue de la réunion le Pr Guillaume Captier, président du SHU. D’autres points ont été évoqués lors de cette première réunion, qui en appelle d’autres, comme « l’accompagnement des fins de carrière hospitalière, la retraite progressive ou le cumul emploi-retraites » commente le Dr Bocher.
Grand flou sur le cumul emploi-retraite
Sur la question du cumul emploi-retraites justement, le gouvernement a déjà annoncé vouloir opérer une réforme importante, en permettant qu’à compter du 1er janvier 2023, les cotisations payées par ceux en cumul ouvrent de nouveaux droits, augmentant ainsi leur pension. Difficile de dire comment cette réforme s’articulera avec une autre mesure déjà mise en place dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) : l’exonération de cotisations retraite pour les médecins libéraux en situation de cumul pour l’année 2023. On attend d’ailleurs toujours le décret censé préciser le plafond de revenus permettant de bénéficier de cette exonération.
Les médecins de ville auront cependant obtenu une avancée : contrairement à ce qui était prévu dans le premier projet de réforme de 2019, l’autonomie de leur caisse de retraite n’est plus remise en cause, la Première Ministre ayant annoncé que toutes les professions libérales pourront conserver leurs caisses autonomes.
Finalement, c’est peut-être de manière indirecte que les médecins seront le plus concernés par cette réforme des retraites. En effet, le gouvernement a indiqué que, pour mieux prendre en compte la pénibilité de certains métiers, les professionnels concernés bénéficieront d’une « visite médicale obligatoire et systématique » à 61 ans rendant « possible » un départ à la retraite anticipé, a expliqué le porte-parole du gouvernement Olivier Véran. Des visites qui seront menés en priorité par les médecins du travail et, en raison de la pénurie de ces derniers, subsidiairement par les médecins traitants.
Ce sera peut-être l’occasion pour des praticiens insoumis de plomber la réforme du gouvernement…
Nicolas Barbet