
Paris, le lundi 27 mars 2023 — Alors que les éboueurs parisiens entament une quatrième semaine de grève, les débats concernant leurs conditions de travail reviennent sur le devant de la scène politique. Ce métier, particulièrement pénible, présente de nombreux risques pour la santé.
Au cœur des mobilisations contre la réforme des retraites, les éboueurs mettent en avant la pénibilité de leur travail et les nombreuses problématiques entourant les conditions d’exercice de celui-ci. Pour Sophie Prunier-Poulmaire, enseignante à l’université de Paris-Ouest Nanterre-La Défense, « le travail d’éboueur les réunit quasi toutes ».
Depuis le 1er octobre 2017, la loi retient effectivement six facteurs de risques professionnels, aussi appelés « critères de pénibilité », à savoir : les activités exercées en milieu hyperbare (hautes pressions), les températures extrêmes, le bruit, le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes, et le travail répétitif.
Selon l’universitaire, « le métier d’éboueur est emblématique de la pénibilité au travail, et c’est pour cela qu’il cristallise l’intérêt sur le débat des retraites ».
Les ripeurs particulièrement exposés
Les ripeurs, ces personnes qui ramassent les ordures ménagères à l’arrière des camions, font partie des professionnels les plus exposés aux facteurs de pénibilité. Comme l’expliquent les chercheurs Jean-Yves Juban et Isabelle Salmon, de l’Université Grenoble-Alpes dans une tribune publiée sur le site The Conversation, « l’usure physique est très forte dans ce métier extrêmement contraignant ».
Une étude publiée récemment par ces deux spécialistes dans la revue Gérer et Comprendre permet de mieux comprendre la difficulté de ce travail. Lorsque le ripage est réalisé avec deux personnes à l’arrière du camion, les éboueurs réalisent en moyenne 12 000 pas et ramassent 4,7 tonnes de déchets par jour. La différence entre la fréquence cardiaque au travail et au repos, aussi appelé « coût cardiaque », est à 28,8 battements par minute. « Le seuil supérieur, qui caractérise une astreinte physique excessive, est à 30 battements », précisent les chercheurs.
Par ailleurs, de nombreux employeurs, publics comme privés, préfèrent faire appel à un seul ripeur à l’arrière du camion, notamment sous pression de la concurrence. La pénibilité du métier devient alors encore plus importante : 16 600 pas effectués en moyenne et 9,6 tonnes de déchets collectés quotidiennement, pour un coût cardiaque estimé à 38,8 battements par minute…
« Le métier de ripeur est probablement l’un des métiers les plus éprouvants, car il cumule nombre des difficultés contemporaines du travail : contraintes physiques et de temps, interactions avec les usagers, complexité des chaînes de responsabilité en matière de Qualité de vie au travail », expliquent Jean-Yves Juban et Isabelle Salmon.
« Chaque métier de la collecte a ses conséquences »
Même si le ripage est le métier le plus connu du grand public, car le plus visible, les autres professions de la chaîne de collecte des déchets peuvent être aussi très pénibles.
« Chaque métier de la collecte a ses conséquences : les avant-bras pour le tri, le dos pour les conducteurs et les balayeurs, les jambes pour les ripeurs », indique Ali Chaligui, délégué CGT de la collecte des déchets dans le secteur privé.
« Il y a la pénibilité visible, celle que nous sommes capables de voir du métier, comme le port de charges lourdes, la salubrité et les intempéries », explique Souphie Prunier-Pulmaire. « Mais il y a aussi une pénibilité plus subtile : beaucoup d’agents de collecte travaillent la nuit, sous terre ». Des conditions de travail qui, on le sait, peuvent augmenter le risque de mortalité.
En l’état actuel des connaissances, il est néanmoins difficile de mettre en lien le métier d’éboueur et une éventuelle surmortalité. En France, aucune statistique n’établit ce lien, malgré ce que montre un graphique très partagé sur les réseaux sociaux, notamment par le député Antoine Léaument (LFI). Ce graphe, en réalité produit par l'Observatoire belge des inégalités, montre en effet que l’activité d’éboueur présente un très fort risque de surmortalité. Si la profession d’éboueur est a priori relativement similaire des deux côtés des Ardennes, les systèmes de santé restent organisés de manière différente, ce qui ne permet pas de transposer, in extenso, les résultats de l’étude de l’Observatoire belge des inégalités à la situation française.
Raphaël Lichten