
Paris, le lundi 20 mars 2023 – Entendus cette semaine par l’arbitre Annick Morel, les syndicats ne cachent pas leur pessimisme sur la teneur du règlement arbitral qui se prépare.
Sur la forme, l’entente ne peut pas être plus cordiale. Reçus tout au long de la semaine par Annick Morel, haute fonctionnaire à la retraite chargée d’établir le règlement arbitral en lieu et place de la convention médicale, tous les syndicats de médecins libéraux ont souligné la qualité de l’écoute de l’ancienne inspectrice générale des affaires sociales (IGAS). « Elle était très à l’écoute » commente le Dr Agnès Giannotti, présidente de MG France, tandis que le Dr Sophie Bauer, présidente du SML, a salué « l’écoute attentive et l’échange apaisé, propre à un débat potentiellement constructif » qui a caractérisé sa rencontre avec Annick Morel, trois semaines après l’échec cuisant des négociations conventionnelles.
Sur le fond, en revanche, les syndicats se montrent beaucoup plus pessimistes sur les conclusions de ce règlement arbitral, estimant que les débats sont téléguidés par la CNAM et le ministère de la Santé et qu’Annick Morel a en réalité peu de marge de manœuvre. « Le règlement arbitral qu’elle va proposer sera en droite ligne de la convention telle qu’on nous l’a proposée, peut-être légèrement allégée, elle n’a strictement aucune liberté, c’est une tartufferie » s’emporte le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML tandis que le Dr Luc Duquesnel, président de la branche généraliste de la CSMF, a « un peu de mal à penser que personne ne soit derrière le dos d’Annick Morel pour lui tenir la main ». Un brin plus optimiste, le Dr Richard Talbot, membre de la FMF, souligne que l’arbitre a rappelé que le règlement arbitral « n’a pas vocation à punir les médecins de ne pas avoir signé la convention, mais bien d’être un texte d’apaisement et de transition ».
Le CET fera-t-il son retour dans le règlement arbitral ?
Tout au long de ces rencontres avec Annick Morel, les syndicats ont tenté de lui exposer leurs visions de la médecine libérale et les raisons pour lesquelles ils ont tous rejeté le projet de convention médicale de la CNAM. Ils sont dans l’ensemble, resté campés sur les positions défendues lors des négociations conventionnelles, des positions souvent dissemblables. Ainsi, pendant que la CSMF demandait la hausse des forfaits et des différentes aides à l’installation promises par la CNAM, le SML au contraire défendait une vision bien plus libérale de la médecine de ville et continuait à exiger la hausse du tarif de la consultation à 50 euros, financée par la suppression de la quasi-totalité des forfaits.
Les syndicats ont en revanche été unanimes sur le rejet du projet de contrat d’engagement territorial (CET) de la CNAM, consistant à promettre aux médecins l’accès à une grille tarifaire plus avantageuse en échange de l’augmentation de l’offre de soins, rejet qui a provoqué celui de la convention. Mais là encore, les syndicats ne se font guère d’illusions et savent que l’engagement territorial fera certainement partie du règlement arbitral proposé par Annick Morel, sous une forme ou une autre. « Je ne pense pas que nous verrons un règlement arbitral avec des revalorisations sans aucun contrat d’engagement territorial, sinon cela serait un constat d’échec monstrueux pour Thomas Fatôme » commente le Dr Luc Duquesnel, qui espère au moins que les objectifs d’engagement seront révisés par Annick Morel afin qu’ils puissent être « atteignables par l’ensemble des libéraux à l’échelle d’un territoire ».
Vers de nouvelles négociations conventionnelles à l’automne
Annick Morel doit désormais recevoir les représentants de la CNAM et des organismes complémentaires. En principe, le règlement arbitral doit être achevé d’ici le 28 mai pour être proposé à l’approbation du ministre et entrer en vigueur fin juin. Mais les choses devraient sans doute aller beaucoup plus vite. « Elle nous a dit qu’elle voulait travailler rapidement et qu’elle nous reverrait pour nous faire part de ses conclusions » explique le Dr Giannotti, tandis que le Dr Talbot estime qu’Annick Morel pourrait « présenter son projet début avril ».
Le règlement arbitral aurait alors valeur de convention pendant cinq ans, avec obligation pour les syndicats et la CNAM de rouvrir des négociations d’ici deux ans. Mais là encore les syndicats veulent aller beaucoup plus vite, MG France évoquant une reprise des négociations conventionnelles dès l’automne prochain.
Aussi redouté et attendu qu’il soit, ce règlement arbitral ne sera donc qu’une étape.
Nicolas Barbet