
Le choc septique (ou sepsis des anglo-saxons) est une entité clinique en fait mal définie qui associe une défaillance multiviscérale et une infection grave. On estime que cette défaillance viscérale est due (ou est entretenue) par une réaction pro-inflammatoire et procoagulante de l’organisme face à l’infection. L’étude de la physiopathologie du choc septique a mis en évidence le rôle favorable qu’aurait au cours du sepsis la protéine endogène C activée qui inhibe la thrombose et l'inflammation et stimule la fibrinolyse. Ces travaux ont conduit à synthétiser par génie génétique une protéine humaine C activée recombinante (drotrécogine alpha activée ou DrotAA) et à la tester dans le choc septique. En 2001, l’essai PROWESS a montré que dans les sepsis graves avec un score APACHE (Acute Physiology and Chronic Health Evaluation) supérieur ou égal à 25 ou une défaillance multi-organique associé au sepsis, la protéine C activée recombinante diminuait la mortalité à 28 jours de 30,8 % à 24,7 % (1). Cette étude pivot a conduit à l’autorisation de mise sur le marché de cette molécule dans plus de 50 pays dont les Etats-Unis et la France.
Il restait cependant à mieux préciser les indications de ce médicament dans les chocs moins graves ou dans des populations particulières.
En 2005, un vaste essai randomisé, conduit chez des
patients ayant un score APACHE inférieur à 25 concluait, de façon
relativement surprenante, à l’inefficacité du DrotAA dans les
sepsis moins graves avec même une augmentation de la mortalité par
hémorragies chez les sujets ayant été opérés récemment
(2).
Une mortalité identique sous traitement actif et sous placebo
Les résultats d’un essai de phase III conduit chez l’enfant qui viennent d’être publiés sont également décevants (3). Dans RESOLVE (pour REsearching severe Sepsis and Organ dysfunction in children : a gLobal perspectiVE) 477 enfants de moins de 17 ans atteints de sepsis avec défaillance cardiovasculaire et respiratoire ont été randomisés en double aveugle entre un traitement par DrotAA à la dose habituelle de 24 microgrammes/kg/h durant 96 heures et un placebo. Le critère principal de jugement était un indice composite le CTCOFR (Composite Time to Complete Organ Failure Resolution) qui schématiquement était déterminé par le dernier jour au cours duquel l’enfant nécessitait une perfusion d’agents vasoactifs, une ventilation assistée ou une épuration extra-rénale.
Sur ce critère aucune différence significative n’a été constatée entre les deux groupes (p=0,72). Sur un critère « secondaire », mais plus classique et plus discriminant, la mortalité à 4 semaines, les résultats ont été également équivalents entre les deux groupes (17,5 % de décès avec le placebo et 17,2 % avec le DrotAA ; p=0,93).
En terme d’effets secondaires et notamment d’hémorragies, si le DrotAA n’a pas entraîné d’augmentation significative (6,8 % de saignements graves sous placebo contre 6,7 % sous traitement actif), les hémorragies touchant le système nerveux central ont été plus fréquentes sous DrotAA que sous placebo (4,6 % contre 2,1 % ; p=0,13) et ceci tout particulièrement chez les enfants de moins de 60 jours ou de moins de 4 kg.
Comment ces résultats divergents entre l’adulte et l’enfant peuvent-ils être expliqués ? On peut évoquer l’importance numérique des purpuras fulminans liés à une infection à méningocoques dans l’étude RESOLVE et peut-être des doses insuffisantes de DrotAA chez l’enfant. Quoi qu’il en soit, la protéine C activé ne semble pas avoir d’indications « en routine » dans les sepsis de l’enfant.
Ces résultats négatifs, joints à ceux de l’étude d’Abraham de 2005, conduiront peut-être à une réévaluation générale des indications du DrotAA dans le choc septique grave de l’adulte.
Dr Anastasia Roublev