
La coqueluche a sévi pendant des siècles au travers d’épidémies lourdes de conséquences en termes de morbi mortalité à l’échelon mondial. La haute contagiosité de cette pathologie respiratoire favorisait sa propagation rapide avec une prédilection pour les nourrissons et les enfants, sans épargner pour autant les adultes.
Les débuts de la vaccination anticoquelucheuse
Cette dynamique a été brisée par l’avènement de la vaccination à la fin des années 40, laquelle est rapidement devenue obligatoire dans de nombreux pays. Les vaccins de première génération, « à germes entiers », consistent en une suspension de bactéries Bordetella pertussis, à la fois détoxifiées et tuées par la chaleur. Ce vaccin cellulaire a été rapidement couplé à des anatoxines diphtériques et tétaniques pour devenir le vaccin DTC qui largement contribué à la prévention de ces maladies infectieuses et a été adopté dans le cadre de grands programmes nationaux de vaccination en milieu scolaire, à des dates variables selon les pays.
Suite à cela, la morbi mortalité imputable à la coqueluche a progressivement diminué, au fur et à mesure que les programmes de vaccination prenaient de plus en plus d’importance, l’apogée étant atteinte au début des années 80. Ce succès indéniable s’est cependant heurté aux évènements indésirables associés aux vaccins cellulaires, la crainte l’emportant sur la confiance sous l’effet d’articles de presse ou d’émissions télévisées souvent lapidaires et inquiétants.
De quoi affoler les populations à un moment où la méfiance vis-à-vis des vaccins allait crescendo. C’est ainsi qu’au Royaume-Uni le vaccin contre la coqueluche a été totalement rejeté, cependant que le doute s’installait aux Etats-Unis et que le Japon le suspendait en 1975. La couverture vaccinale mondiale a alors chuté et des cas de coqueluche dont certains mortels n’ont pas tardé à survenir.
L’avènement du vaccin acellulaire dans les pays favorisés
L’effet réactogène indéniable, quoique modeste, du vaccin cellulaire anticoquelucheux a conduit au développement de vaccins de deuxième génération, dits acellulaires car composés exclusivement d’antigènes bactériens purifiés, lesquels ont fait preuve d’une acceptabilité supérieure sans perdre pour autant en efficacité, celle-ci étant estimée à 80 % après administration de deux doses.
A la fin des années 90 la plupart des pays favorisés (à l’exception de la Pologne) ont adopté le vaccin acellulaire contre la coqueluche combiné aux vaccins antitétanique et antidiphtérique, au détriment du vaccin cellulaire qui a conservé sa place dans les pays à revenu faible ou intermédiaire en raison de son coût. L’OMS ne déconseille nullement cette stratégie qui lui apparaît dénuée de risque chez l’enfant de moins de 7 ans, que ce soit lors d’une primovaccination ou d’un rappel. Les politiques vaccinales sont de fait loin d’être homogènes et l’on est bien loin d’un consensus universel.
La coqueluche, le retour
Ces péripéties ont permis de rétablir une couverture vaccinale plus large, mais depuis une vingtaine d’années, force est de reconnaître que les cas de coqueluche sont en augmentation constante en Europe et dans d’autres régions du monde. Les enfants, les adolescents et même les adultes sont touchés, ce qui amène à s’interroger sur les mécanismes de cette résurgence d’une maladie qui semblait devoir être rayée de la carte. Il est vrai que les réseaux de surveillance sont peu actifs voire inexistants dans de nombreux pays, mais l’immunité de groupe à long terme est-elle assurée par les stratégies vaccinales actuelles ? Les vaccins acellulaires sont certes efficaces, mais pendant combien de temps ?
Il semble bien que la réponse immunitaire soit d’une durée relativement brève, ce qui amène d’ailleurs à multiplier les rappels chez le nourrisson et le jeune enfant. Il se pourrait que la réponse immunitaire induite par les vaccins cellulaires de première génération soit plus durable, au prix d’une acceptabilité un peu moindre. La baisse de l’immunité de groupe à long terme et la résurgence de la coqueluche trouveraient là une explication au moins partielle, même s’il en existe d’autres.
La sélection de souches bactériennes plus virulentes sous l’effet de la vaccination en est une, au même titre qu’une possible transmission de la maladie par des porteurs asymptomatiques, tout autant que l’amélioration des moyens de surveillance et des méthodes diagnostiques, au moins dans les pays favorisés. Les mouvements antivaccins qui se sont emballés lors de la pandémie de Covid-19 mais qui lui préexistaient, pourraient également contribuer à une situation pour le moins confuse qui incite à ne pas baisser la garde face à une maladie infectieuse qui reste solidement implantée dans certaines régions du globe. Ces mouvements figurent, selon l’OMS, parmi les dix grands facteurs susceptibles de compromettre le plus la lutte contre les maladies infectieuses à l’échelon mondial…
Dr Philippe Tellier