RGO asymptomatique : le traitement par IPP serait sans intérêt chez l’asthmatique

Les relations entre asthme et reflux gastro-œsophagien (RGO) sont complexes : 

- un RGO serait présent chez 32 à 84 % des asthmatiques (dans la moitié des cas sans symptômes) ;
- les signes des deux affections peuvent s’intriquer et rendre le diagnostic de l’une ou l’autre pathologie plus délicat ;
- le reflux acide peut provoquer une bronchoconstriction ;
- à l’inverse une bronchosconstriction pourrait favoriser un reflux en augmentant la pression intra-abdominale ce qui contribue à diminuer la continence du « sphincter » œsophagien inférieur. 
- certains traitements de l’asthme pourraient favoriser le RGO.  

Ceci a conduit à recommander de rechercher (et de traiter) un RGO asymptomatique chez les sujets souffrant d’un asthme mal contrôlé (surtout s’il est à prédominance nocturne). Cependant, la pertinence de ces guidelines n’a pas été validée par un essai contrôlé de grande ampleur.

C’est pourquoi un groupe multicentrique américain a entrepris une vaste étude randomisée en double aveugle.

Quatre cent douze patients souffrant d’un asthme mal contrôlé par un traitement par corticoïdes inhalés et n’ayant pas ou peu de symptômes cliniques de RGO ont été randomisés entre un traitement par 40 mg d’ésoméprazole deux fois par jour et un placebo durant 24 semaines. Chez tous ces malades une pH mètrie ambulatoire a été pratiquée pour vérifier la présence ou l’absence de reflux. La maladie asthmatique a été suivie par un carnet de surveillance quotidien (avec mesure matinale du peak flow), une spirométrie toutes les 4 semaines et des interrogatoires répétés. 

Le critère principal de jugement était la fréquence des épisodes de mauvais contrôle de l’asthme défini par une diminution de 30 % ou plus du peak flow expiratoire deux jours de suite ou la nécessité d’une consultation en urgence ou celle d’un traitement par prednisone orale. 

Aucun effet sur la maladie asthmatique…

L’IPP n’a eu aucune influence significative sur ce critère : 2,3 épisodes par personne-année sous placebo contre 2,5 sous ésoméprazole. Aucun effet n’a non plus été constaté sur les critères secondaires de jugement qui comportaient notamment, les résultats des spiromètries, l’étude de réactivité bronchique, des scores de symptômes, les épisodes de réveil nocturne et l’évaluation de la qualité de vie.

…même s’il existe un RGO asymptomatique

De plus, alors que la pH métrie ambulatoire avait mis en évidence un RGO chez 40 % de ces sujets asymptomatiques (ou quasi-asymptomatiques), il est apparu que l’asthme des patients ayant effectivement un RGO ne bénéficiait pas non plus de la prescription de l’IPP. Cette absence d’efficacité de l’IPP était constatée quels que soient l’IMC, l’âge, le sexe, l’ethnie, les antécédents de tabagisme, l’utilisation de bêta-agonistes, l’existence d’une sinusite ou d’une rhinite.  Le traitement a par ailleurs été très bien toléré.

Les auteurs concluent que chez l’asthmatique, le traitement systématique d’un éventuel RGO asymptomatique n’a aucune efficacité sur l’évolution de la maladie respiratoire et ceci qu’il existe ou non un reflux infra-clinique. Pour eux, la recherche d’un reflux par pHmétrie chez un sujet asthmatique asymptomatique n’a donc pas d’intérêt, tout au moins pour la prise en charge de la pathologie bronchique.

Qu’en est-il chez les asthmatiques ayant un RGO symptomatique ?  Pour les auteurs, bien que leur étude n’ait pas inclus de tels patients, il est probable que le traitement de la pathologie digestive n’a que peu d’influence sur l’asthme et sa prescription ne doit donc pas être influencée par les signes respiratoires. Cette opinion sera sans nul doute contestée, ne serait ce que par les promoteurs d’essais ayant montré un effet favorable des IPP chez certains asthmatiques ayant un reflux symptomatique. 

L’éditorialiste du New England Journal of Medicine préconise quant à lui la mise en œuvre d’un nouvel essai randomisé chez des asthmatiques ayant un RGO documenté (acide ou non acide) comportant notamment un bras traitement médical et un bras traitement chirurgical qui, selon lui, permettrait de trancher la question (2).  

Dr Nicolas Chabert

Références
1) The American Lung Association Asthma Clinical Research Centers. : Efficacy of esomeprazole for treatment of poorly controlled asthma. N Engl J Med 2009; 360: 1487-1499.
2) Asano K et coll.: Silent acid reflux and asthma control. N Engl J Med 2009; 360: 1551-1553.

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