
Paris, le mercredi 18 janvier 2023 – Régulièrement, nos lecteurs nous font remarquer que la profession de sage-femme est une profession médicale et non paramédicale, comme nous l’écrivons parfois hâtivement. Si cette erreur doit évidemment être rectifiée, elle s’explique pour notre défense par les ambiguïtés de leur statut. D’autres l’ont constaté avant nous, telles les Inspections générales des affaires sociales (IGAS) et de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) qui dans un rapport publié récemment observaient que dès la formation les sages-femmes sont une profession médicale « à part entière mais entièrement à part ».
L’universitarisation, enfin
La réforme adoptée ce lundi définitivement et à l’unanimité par l’Assemblée nationale souhaite corriger ce décalage. Initiée sous la mandature précédente par Annie Chapelier (députée de 2017 à 2022, d’abord En marche puis Agir ensemble), la loi prévoit l’intégration d’ici 2027 de toutes les écoles de sages-femmes au sein des unités de formation et de recherche (UFR) de médecine et de santé. C’était un point essentiel pour l’Ordre national des sages-femmes qui déplorait en novembre dans un communiqué également signé par plusieurs syndicats et associations d’étudiants : « Si les établissements de formation de sages-femmes sont conventionnés avec leurs universités de rattachement, ils sont (…) agréés et financés par les Régions. Cette situation a de lourdes conséquences sur l’organisation et le financement de la formation. Pour cette rentrée 2022, 872 places en deuxième année de maïeutique sont financées par les régions alors que les capacités d’accueil avaient été fixées à 1068. Ce chiffre est donc loin de l’objectif d’augmenter de 20 % le nombre de professionnels formés » et de répondre aux besoins démographiques. Cette universitarisation doit également permettre une harmonisation de la formation.
Une formation en six ans : un rythme mieux adapté à la réalité
Autre point majeur de ce texte : la durée des études de sages-femmes sera désormais de 6 ans et cette réforme entrera en vigueur pour les étudiants débutant la deuxième année du premier cycle dès la rentrée 2024. Là encore, c’était une revendication forte des représentants des sages-femmes et notamment des étudiants. Pour assurer la formation des sages-femmes en cinq ans, les étudiants étaient en effet soumis à un rythme de travail effréné, devant prendre part à en « moyenne 1100 heures de cours de plus en cinq ans que les dentistes ou les pharmaciens » avait calculé l’Association nationales des étudiants sages-femmes (ANESF).
Cette situation contribue à un important taux de désaffection des jeunes recrues avec 20 % des places en deuxième année des études de maïeutique demeurées vacantes, tandis que celles choisissant de poursuivre le cursus présentent souvent des signes marqués d’épuisement.
Enfin, le texte permet aux sages-femmes titulaires d’un doctorat de pouvoir conjuguer activité clinique et de recherche, ce qui leur était jusqu’alors impossible. Autant d’évolutions qui consacrent de façon claire le caractère médical de la profession.
Cercle vicieux
Cette réforme qualifiée « d’avancée indéniable » par plusieurs élus et par l’ensemble des représentants de la profession et des étudiants sera-t-elle cependant suffisante pour soigner le blues des sages-femmes ? Aujourd’hui, « les radiations des professionnelles en âge d'exercer enregistrées par le Conseil de l'Ordre ont augmenté de 112 % au cours du premier semestre 2022. Ce phénomène contribue à dégrader davantage la qualité et la sécurité des soins mais aussi les conditions d'exercice, conduisant ainsi sages-femmes et étudiants à fuir la profession » signale l’Ordre. Cette situation était également constatée récemment par la présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), le Dr JoëlleBelaisch Allart qui observait : « Les sages-femmes en ont assez de la pénibilité de la salle de naissance, je ne leur jette pas la pierre, c’est un travail pénible, fatigant et pas reconnu ». En libéral, également, l’amertume est forte y compris récemment après la signature d’un avenant par un syndicat minoritaire qui s’il reconnaît de nouvelles « compétences » aux sages-femmes se concentre principalement sur des tâches administratives et non médicales.
La rémunération, le nerf de la guerre
Le rapporteur du texte, Paul Christophe (Horizons) est conscient de ses limites ayant admis lui-même qu’il ne « répond à tous les enjeux ». Malgré les revalorisations récentes, ces enjeux concernent principalement la rémunération. Alors que le salaire de début de carrière varie entre 1 500 et 1950 euros net par mois, une jeune étudiante commentant l’allongement de la durée d’études à six ans se désolait cet automne : « Six ans pour ne pas être reconnue, pas considérée et avoir un salaire de misère, quel intérêt ».
Aurélie Haroche