SARS-CoV-2 : au banc des accusés, les enfants seraient non coupables

Avec un recul de six mois depuis le début de l’épidémie de COVID-19, il apparaît que les enfants sont non seulement moins fréquemment et moins sévèrement atteints que les adultes (si l’on exclut les rares cas de pseudo-maladies de Kawasaki), mais aussi qu’ils ne jouent pas un rôle important dans la propagation de l’infection. Les preuves les plus convaincantes de la deuxième assertion sont fournies par des enquêtes de « traçage » des sujets-contact [SC] d’enfants infectés.

Les enfants, rarement patients zéro des « clusters » familiaux

Une équipe Suisse (Genève) a pu identifier tous les SC familiaux de 39 des 40 patients de <16 ans (âge médian : 11 ans) atteints d’une COVID-19 avec RT-PCR positive (nasopharynx) entre le 10 mars et le 10 avril 2020. Le nombre total de SC était de 111 et le nombre médian de SC par patient égal à 4. Dans 80 % des cas (31/39 cas), il y avait, au domicile, au moins un adulte atteint de COVID-19, d’une façon probable ou certaine, avant le patient pédiatrique, l’inverse n’étant vrai que dans 8 % des cas (3/39 cas). Ces données sont en faveur d’une transmission d’un SC adulte vers l’enfant dans la grande majorité des cas.

Pour mémoire, les infections pédiatriques ne représentaient que 0,9 % de l’ensemble des COVID-19 confirmées sur la même période, et les 7 enfants hospitalisés au niveau de ce centre n’ont nécessité que 3 jours d’hospitalisation sans passage en USI.

Par ailleurs, deux études chinoises (*) rapportent des résultats similaires chez les enfants atteints de la COVID-19 hospitalisés. Dans l’une d’elles, 65 des 68 enfants admis dans un hôpital pour COVID-19 ont vécu avec un SC familial symptomatique avant eux. Dans l’autre étude, un seul enfant sur les 10 enfants admis dans un hôpital pour COVID-19 pouvait avoir contaminé un adulte à son domicile, d’après la chronologie des symptômes.

A l’école, les contaminations entre enfants semblent exceptionnelles

Dans un cas clinique français (*), un garçon de 9 ans avec des symptômes respiratoires, co-infecté par le SARS-CoV-2, un virus de la grippe A et un picornavirus, a été en contact avec 80 camarades dans les classes de 3 écoles différentes. Dans ce cas précis, il n’y a pas eu de cas secondaire de COVID-19, mais de nombreuses grippes dans ces établissements.

Dans une étude Australienne (*), 9 élèves et 9 membres du personnel de 15 écoles, infectés par le SARS-CoV-2, ont été en contact avec, au total, 735 élèves et 138 membres du personnel n’entrainant que 2 cas secondaires de COVID-19.

Bien que les enfants puissent avoir des charges virales aussi fortes que celles des adultes notamment au niveau du nasopharynx, il semblerait qu’ils soient infectés préférentiellement à la maison et ne contamineraient que très rarement d’autres enfants ou des adultes à l’école. A la différence d’autres virus respiratoires, comme les virus grippaux ou le VRS (Virus Respiratoire Syncytial), l’enfant ne paraît pas être le vecteur principal du SARS-CoV-2, et l’école ne serait pas un lieu de propagation majeur du virus. Ce constat implique la réouverture des écoles, notamment primaires, et des crèches, en septembre 2020.

D’autres arguments sont avancés pour conforter la réouverture des écoles, à savoir ; des modélisations qui démontrent que la distanciation physique et le port du masque facial ont été des mesures plus efficaces que la fermeture des écoles pour freiner la progression de l’épidémie ; la réouverture partielle des écoles dans l’Ouest de l’Europe et au Japon n’a pas entraîné de recrudescence des infections ; et enfin, les « coûts » développementaux, sociaux et sanitaires de la déscolarisation qui surpassent le « risque » de contracter la COVID-19 chez l’enfant.

*Toutes ces études sont référencées dans l’éditorial qui accompagne l’article Lee B. et coll. : COVID-19 transmission and children : the child is not to blame. Pediatrics 2020 ; 146(2) : e2020004879

Dr Jean-Marc Retbi

Référence
Posfay-Barbe KM. et coll. : COVID-19 in children and the dynamics of infection in families. Pediatrics 2020 ; 146(2) : e20201576

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Vos réactions (2)

  • Vous avez dit maillon fort ?

    Le 04 août 2020

    La place de l’enfant dans la chaine de transmission a variée : Le Maillon initialement réputé «faible» sur la base d’analogies qui s’avéreront Inappropriées (Grippes, VRS, 4 Coronaviroses saisonnières automno-hivernales) est t-il vraiment devenu Maillon «FORT» ?
    L’impact de la réponse sur la SCOLARISATION ou sa privation est évident avec ses conséquences DURABLES et TRANSGENERATIONNELLES rappelées par le Dr Retbi. Comme le sont hypothêtiquement aussi celles de la maladie infectieuse voir post-infectieuse.

    1-«Maillon FORT» peu contaminateur mais plutôt infecté par ses proches sur des bases épidémiologiques modestes en effectifs (Munro APS, Faust SN. Children are not COVID-19 super spreaders: time to go back to school . Arch Dis Child. May 5 . 2020 Jul;105(7):618-619) confortées par les données que nous rappelle le Dr Retbi.

    Ces données doivent intégrer la démographie, le niveau socio-économique, la densité de population:

    Somekh E, Gleyzer A, Heller E et coll . The Role of Children in the Dynamics of Intra Family Coronavirus 2019 Spread in Densely Populated Area. Pediatr Infect Dis J. 2020 Aug ;39(8):e202-e204

    Gudbjartsson DF, Helgason A, Jonsson H et coll . Spread of SARS-CoV-2 in the Icelandic Population. N Engl J Med. 2020;382(24):2302-2315

    2-«Maillon FORT» sur la base des données virologiques hospitalières puis viro-sérologiques ambulatoires franciliennes déjà analysées par le Jim (9/6) :

    Deux travaux non encore revus, non encore publiés à ma connaissance.
    L’outil sérologique est le plus aisé : restera t-il le plus pertinent ?

    La part belle, initialement exclusive, alors faite à la réponse HUMORALE plus facile à évaluer mais inconstante et surtout EPHEMERE est actuellement revisitée en pointant le rôle in finé déterminant de son versant CELLULAIRE complémentaire voir exclusif : Jim 23-29-30/7

    Long QX, Tang XJ, Shi QL et coll . Clinical and immunological assessment of asymptomatic SARS-CoV-2 infections . Nat Med. 2020 Jun 18

    3-«Maillon FORT» : Les conséquences cliniques sont nulles ou très modérées, mais les aléas de l’évaluation de l’«anosmie-agueusie» sont évidents en pédiatrie.

    4- Ce «Maillon FORT» peut devenir transitoirement très faible pour des raisons inconnues : Les exceptionnels syndromes inflammatoires multiviscéraux pédiatriques potentiellement léthaux post-infectieux «KAWA-COVID»* ont été régulièrement analysé (Jim 8/7) et complétés
    *4AP-HP & 3CHG 45% Réanimatoires :

    Pouletty M, Borocco C, Ouldali N et coll . Paediatric multisystem inflammatory syndrome temporally associated with SARS-CoV-2 mimicking Kawasaki disease (Kawa-COVID-19): a multicentre cohort. Ann Rheum Dis. 2020 May 12 ;79(8) : 999-1006 N=16 7centres Françiliens 7/4-30/4/2020 : 21jours

    L’ajout d’une 4ième définition, française, aux critères déjà existants ne facilitent pas l’étude mais rappelle que cette situation médiatisée est aussi rare qu’elle peut être anxiogène depuis le 7/4 :
    Un risque < 2 / 10 000 enfants de moins de 15ans en France avec les aléas d’une période difficilement testante – 67% en soins intensifs - Pas de mortalité rapportée / 108 cas «confirmés, probables ou possibles» :

    Belot A, Antona D, Renolleau S et coll . SARS-CoV-2-related paediatric inflammatory multisystem syndrome, an epidemiological study, France, 1 March to 17 May 2020. Euro Surveill. 2020 May 25 ; Jun 4 ; 25(22):2001010

    5-L’ «Age PEDIATRIQUE» n’est pas PAS HOMOGENE dans son «0-18ans» national : Une stratification semblerait souhaitable pour nuancer maillons faibles ou forts :
    •RECEPTIVITE virale : quantitativement, l’expression des récepteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine-2 (ACE2) dans les fosses nasales augmente après 10ans :

    Bunyavanich S, Do A, Vicencio A. Nasal Gene Expression of Angiotensin-Converting Enzyme 2 in Children and Adults . JAMA. 2020 May 20 : e208707

    •Un portage viral dans les formes pauci-symptômatiques qui semble rejoindre celui de l’adulte dés 5 ans : Heald-Sargent T, Muller WJ, Zheng X et coll . Age-Related Differences in Nasopharyngeal Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus 2 (SARS-CoV-2) Levels in Patients With Mild to Moderate Coronavirus Disease 2019 (COVID-19). JAMA Pediatr. 2020 July 30

    •Une excrétion virale aérienne plus prolongée dans les formes symptômatiques que dans les formes asymptômatiques : 17 vs 11jours , atténuées dans les rares formes sévères ou vitales post-infectieuses.
    Probablement plus prolongée dans les selles sans qu’on puisse en appréhender la signification épidémiologique.

    •«KAWA-COVID» : 8-10 Ans dans toutes les études. Reste cependant possible chez les plus jeunes : 32% < 5 ans (Feldstein LR, Rose EB, Horwitz SM et coll . Multisystem Inflammatory Syndrome in U.S. Children and Adolescents . N Engl J Med. 2020 Jun 29 ;10.1056)

    6-Quel sera l’impact des co-infections (virales) automno-hivernales, très SAISONNIERES elles, sur les Maillons forts lors d’une seconde ou troisième mi-temps pédiatrique ?
    •Elles semblent un FACTEUR DE RISQUE d’oxygénorequérence, de ventilation mais aussi de recours aux inotropes :

    Götzinger F, Santiago-García B, Noguera-Julián A et coll on behalf of the ptbnet COVID-19 Study Group. COVID-19 in children and adolescents in Europe : a multinational, multicentre cohort study. Lancet Child Adolesc Health 2020 June 25

    •Elles risquent de rebattre les cartes, de niveler des «acquis» épidémiologiques qui sont peut être … saisonniers.
    •Elles vont troubler les diagnostiques comme chez l’adulte : Majoration prévisible des demandes de PCR naso-pharyngées diagnostiques dans l’attente de tests salivaires validées.
    •Leurs implications VACCINALES : Ne pas négliger les vaccinations "standarts" : Grippe VRS
    •Retrouver … l'Azithromycine dans les infections à VRS mais aussi bactériennes (Mycoplasme)

    Dr JP Bonnet

  • Je ne conteste pas....

    Le 04 août 2020

    ...cet article, non, pas du tout et je suis sérieux! Mais a-t-on comparé le risque d'un contact de 30 min dans telle ou telle circonstance de protections barrières d'un super contaminateur avec celui d'un adulte type professeur au milieu de 50 élèves infectés ou asymptomatiques avec une charge virale faible?
    J'avoue jouer au provocateur! mais entre autre terme, des grand parents pourraient-ils alors garder leurs petits enfants en bas age... pour permettre aux parents d'aller au boulot? Oui? non? ah! le principe de précaution inscrit dans la constitution... mais des rave parties non autorisées de nos pauvres jeunes adultes à la gueule hilare qui revendiquent le droit à "vivre leur vie", dont il faut reconnaitre qu'ils sont tous bourrés et drogués comme des malades, à dévaster des champs de personnes privées qui retrouvent des bris de verre, des seringues et un tas de capotes...Ceux la, il faut les serrer! Mais ils ne sont pas tous comme cela, loin de la! Le problème est multiple et je me suis égaré, désolé.

    Dr Jean-Paul Vasse

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