Séropositif : le statut d’intermittent est bien à proscrire

Peu après l’avènement des multithérapies anti-rétrovirales (HAART), il est apparu que, contrairement à ce que l’on aurait pu espérer, la disparition de la charge virale dans le sang n’était pas synonyme de guérison et que l’arrêt des HAART, même après une longue période de charge virale nulle conduisait le plus souvent à une reprise évolutive de la maladie.

Malgré cette constatation, en faveur de l’existence de réservoirs viraux inaccessibles aux traitements actuels, l’arrêt programmé des HAART a longtemps été proposé par certaines équipes comme une stratégie alternative au traitement très prolongé (si ce n’est à vie). Ce type de protocole aurait en effet comme avantage théorique de diminuer les effets secondaires des HAART, de faire baisser le coût de la prise en charge et de façon plus aléatoire de réduire le risque d’apparition de souches multirésistantes.

Si plusieurs essais thérapeutiques de petite taille ont tenté d’évaluer les effets de ces deux stratégies (en se basant sur des critères de jugement indirects), seul un essai de grande ampleur pouvait résoudre cette question capitale.

C’était l’objectif de l’étude internationale SMART (pour Strategies for Management of Antiretroviral Therapy). Entre janvier 2002 et janvier 2006, 5 472 sujets de plus de 13 ans HIV positifs et ayant (spontanément ou après traitement par HAART) un taux de CD4+ supérieur à 350/mm3 ont été randomisés entre un traitement continu par HAART et un traitement intermittent. Dans le groupe « intermittent » le traitement par HAART était interrompu dès que les CD4+ dépassaient 350/mm3 et était repris dès qu’ils descendaient au dessous de 250/mm3. Durant les périodes de traitement, celui-ci était modulé pour obtenir la baisse de la charge virale la plus importante.

Une réduction significative de la mortalité sous traitement continu

Jugé sur des critères « durs », la mortalité globale et l’apparition d’infections opportunistes, l’option continue s’est avérée nettement supérieure au traitement intermittent ce qui a d’ailleurs conduit à une interruption prématurée de l’essai le 10 janvier dernier.

Quarante-sept malades du groupe continu contre 120 du groupe intermittent sont décédés ou ont présenté une infection opportuniste sur une période moyenne de suivi de 16 mois. Ceci représente un risque multiplié par 2,6 dans le groupe intermittent (intervalle de confiance à 95 % [IC95] entre 1,9 et 3,7 ; p<0,001). Lorsque seule la mortalité était considérée la différence restait statistiquement significative (30 décès contre 55 ; p=0,007) ce qui signifie que le risque n’était pas limité à des infections opportunistes facilement maîtrisables.

La morbidité cardiovasculaire est plus élevée sous traitement discontinu

Restait à analyser les résultats de ces deux stratégies sur les morbidités cardiaque, rénale ou hépatique, pour lesquelles on pouvait espérer que la stratégie intermittente serait favorable compte tenu notamment de l’augmentation du risque cardiovasculaire attribué aux HAART.

Contre toute attente il n’en a rien été. Les malades du groupe traitement continu ont présenté 39 événements cardiaques, hépatiques ou rénales majeurs contre 65 dans le groupe intermittent (risque augmenté de 70 % avec le traitement discontinu, IC 95 entre 10 et 150 % ; p=0,009).

Une analyse de différents sous groupe de patients, en fonction notamment de leur taux initial de CD4+, du taux le plus faible qu’ils avaient atteints, de leur charge virale, de la durée préalable de l’HAART, confirme la supériorité du traitement continu pour tous les types de patients.

Il apparaît donc qu’une stratégie de traitement discontinu (tout au moins dans les conditions de cet essai c'est-à-dire avec des seuils de reprise et d’arrêt de l’HAART fixés respectivement à 250 et 350 CD4/ mm3) ne doit pas être proposée aux patients et qu’il faut au contraire tenter de persuader les malades souhaitant interrompre leur traitement de le poursuivre. Rappelons que ceci est souvent difficile en pratique, puisque en Suisse, par exemple, seuls 40 % des sujets du groupe traitement intermittent de l’étude SMART ont repris un traitement continu après l’interruption de l’essai bien qu’un schéma thérapeutique classique ait été conseillé à tous.

Au-delà de cette conclusion capitale en pratique clinique, SMART révèle un fait nouveau : l’excès de morbidité cardiovasculaire, hépatique et rénale observé chez les patients sous traitement n’est pas uniquement lié à des effets secondaires des HAART mais également, et ce façon prépondérante, à la maladie elle-même. Le rôle de l’immunodépression dans la survenue de ces pathologies a priori non opportunistes mériterait des études ultérieures.

Dr Anastasia Roublev

Référence
The Strategies for Management of Antiretroviral Therapy (SMART) Study Group : « CD4+ count-guided interruption of antiretroviral treatment. » N Engl J Med 2006 ; 355 : 2283-96.

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