Sexualité des handicapés : le CCNE mal à l’aise

Paris, le vendredi 8 octobre 2021 – Interrogé sur les moyens d’améliorer la vie sexuelle des handicapés, le Comité Consultatif National d’Éthique a apporté une réponse ambiguë, signe d’un certain malaise sur la question.

Les handicapés ont-ils un droit opposable à la sexualité ? C’est en résumé la question qui était posée au Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE) par la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées Sophie Cluzel. En février 2020, cette dernière avait saisi le CCNE d’une réflexion éthique sur « l’accès à la vie affective et sexuelle et l’assistance sexuelle des personnes handicapés ». Se disant favorable à la création d’un service d’assistants sexuels pour les personnes handicapés, comme par exemple en Allemagne ou en Suisse, la secrétaire d’État avait alors rappelé que de nombreuses personnes handicapées « sont condamnés à vivre dans une abstinence sexuelle non choisie ».

Le CCNE opposé à l’assistance sexuelle

Crise sanitaire oblige, la réponse du CCNE s’est fait attendre et n’a été finalement été publiée que mercredi dernier. Le malaise des membres du Comité sur cette question se ressent tout au long du texte. « L’accès à la sexualité pose la question éthique de l’articulation entre le droit pour les personnes handicapées à accéder à une vie intime et la préservation du principe de non-marchandisation du corps-humain » résume le CCNE.

Les auteurs de la réponse du Comité tentent de dessiner une distinction subtile entre l’accompagnement affectif et sexuel, qui est envisageable et l’assistance sexuelle, qui doit rester interdite selon eux. En effet, les membres du Comité rappellent que l’assistance sexuelle, c’est-à-dire le fait d’offrir des relations sexuelles à une personne handicapé, s’assimile à de la prostitution et à du proxénétisme, qui sont interdits par le droit pénal français, et qu’il n’est pas opportun de créer une exception basée sur le handicap.

Le CCNE reste donc sur la même position que celle qu’il avait adoptée en 2012, lorsque la même question lui avait été posée : les handicapés ne disposent pas d’un droit opposable à avoir des relations sexuelles que l’État devrait aider à satisfaire. A l’époque, le CCNE avait notamment rappelé que « de nombreuses personnes, hors du handicap, ont des difficultés dans leur vie affective et sexuelle et cela n’ouvre aucun devoir de la part de la société vis-à-vis d’elles ».

Les handicapés rêvent-ils de robots sexuels ?

En revanche, le CCNE est plutôt favorable au développement de l’accompagnement sexuel des handicapés, dès lors que l’accompagnant ne s’engage pas lui-même dans une relation sexuelle avec la personne souffrant de handicap. Les membres du Comité recommandent donc que les handicapés, notamment ceux vivant dans des établissements spécialisés, puissent avoir accès à un « accompagnement aux gestes du corps et de l’intimité » (qui restent à définir). Le CCNE préconise notamment que des professionnels soient spécifiquement formés à cette mission d’accompagnement sexuel.

Face à ce dilemme entre droit à la sexualité des handicapés et interdiction de la prostitution, la solution ne serait-elle pas de se tourner vers les robots sexuels ? Encore hypothétique, la création de « sexbots », des androïdes anthropomorphiques programmés pour donner du plaisir aux humains, pourrait permettre aux handicapés d’accéder à la sexualité. Mais le CCNE n’est visiblement pas fan de science-fiction. Il se dit ainsi défavorable à « l’utilisation de robots sexuels, parce qu’ils véhiculent la plupart du temps des représentations sexistes et peuvent aggraver l’isolement social ».

Le débat sur ces ébats est donc loin d’être clos.

Nicolas Barbet

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Vos réactions (2)

  • Discrimination positive

    Le 08 octobre 2021

    S'il s'agit d'améliorer la vie sexuelle, pourquoi faudrait-il réserver cette assistance aux handicapés ?
    Les difficultés liées à la sexualité sont très diverses et très répandues (pour ne pas dire universelles). Elles sont la cause de bien des malheurs et de bien des problèmes sociaux, souvent graves. Y remédier serait certainement nécessaire, mais voilà un bien vaste projet !

    Dr PIerre Rimbaud

  • Se former pour mieux comprendre les difficultés des personnes handicapés

    Le 09 octobre 2021

    Le meilleur moyen de lever le tabou de la sexualité des personnes en situation de handicap, c’est avant tout de se renseigner sur les différents types de handicaps, sur les différents types de difficultés physiques et sociales auxquelles sont confrontés ces personnes et sur les moyens qui existent actuellement pour contourner ces difficultés.

    Des sites comme celui-ci donnent des informations utiles : https://sexoblogue.fr/cours-de-sexologie/les-dysfonctions-sexuelles/handicaps-et-sexualite

    Dr Arnaud Zeler

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