Sexualité et cancer du sein : un sujet encore trop souvent tabou dans le parcours de soins

Paris, le mardi 21 septembre 2021 – Les répercussions du cancer du sein et de sa prise en charge sur la sexualité et la vie intime des femmes ne sont pas si rarement évoquées. En 2018, lors du congrès FOCUS organisé par UNICANCER, les résultats d’enquêtes conduites par M. Naouri-Vischel avaient ainsi été présentés et signalaient que 65 % des patientes en rémission souffraient des conséquences négatives de leur maladie sur leur sexualité. Par ailleurs, alors que le plan cancer compte parmi ses objectifs l’amélioration de la qualité de vie des patients pendant et après leur prise en charge, l’Institut national du cancer (INCA) consacrait en janvier 2021 un petit dossier sur son site aux troubles éprouvés par les femmes atteintes d’un cancer du sein. L’INCA mettait ainsi en avant « une baisse de la libido (…) habituelle pendant et au décours du traitement : plus de 50 % des cas jusqu’à 2 ou 3 ans après la fin du traitement ». « Fatigue, diminution du désir sexuel, douleurs, modification de l’image du corps » et problèmes de « communication au sein du couple » étaient énumérés dans cette mise au point de l’INCA comme les principales difficultés éprouvées par les femmes.

Rendre visibles les ravages intimes et sociaux du cancer

Si on le constate donc, la question de la sexualité des femmes après un cancer du sein n’est nullement un impensé des spécialistes du cancer, le sujet n’en est pas moins rarement évoqué lors du parcours de soins des patientes. C’est un des principaux enseignements de l’enquête conduite par Célia Charpentier et Isabelle Faure-Kandel, évoluant dans le domaine de la communication et de la psychologie et qui ont été personnellement ou dans leur entourage très proche touchées par le cancer du sein. Dans le contexte de la crise sanitaire qui a affecté le suivi des patientes atteintes de cancer du sein (avec par exemple une diminution de 20 % des traitements chirurgicaux entre mars et juin 2020, par rapport à 2019), Célia Charpentier et Isabelle Faure-Kandel ont poursuivi un travail engagé depuis plusieurs années destiné à mieux décrire les répercussions intimes, professionnelles et sociales de cette pathologie. Leurs travaux se fondent notamment sur des enquêtes et le recueil de témoignages de femmes appartenant à des groupes d’échanges sur Facebook. Cette méthodologie introduit à l’évidence un biais dont il faut tenir compte dans l’interprétation des résultats. Une partie des femmes peu familières des réseaux sociaux échappe en effet à leur scope et ainsi notamment soit les personnes très isolées qui ne parviennent pas et ne veulent pas exprimer leur souffrance sur internet ou a contrario celles dont le parcours plus serein n’incite pas à s’épancher.

Seules 15 % des femmes apprécieraient leur vie sexuelle après un cancer du sein

Concernant la sexualité, elles ont pu recueillir les réponses de 250 femmes. Il apparaît une nette dégradation de la satisfaction quant à sa vie sexuelle : 57 % des femmes se déclaraient ainsi satisfaites avant leur maladie, contre 15 % après (on notera que dans les enquêtes générales, autour de 65 % des femmes s’affirment contentes de leur vie intime). Célia Charpentier et Isabelle Faure-Kandel signalent encore que 41 % des femmes indiquent n’avoir aucune vie sexuelle après leur cancer du sein (vs 3 % auparavant). Plus globalement pour une majorité des femmes (53,4 %), la sexualité a connu une évolution. Il peut s’agir d’une dégradation de la qualité des rapports, mais aussi d’une transformation, avec des échanges différents.

Estime de soi : le cercle vicieux

Les femmes interrogées sont par ailleurs 71 % à assurer n’avoir pas du tout été informées des répercussions de leur cancer sur leur sexualité au cours de leur parcours médical, par ailleurs celles qui l’ont été constatent très majoritairement (78 %) que le sujet a été abordé de façon très succincte. Baisse de la libido (74 %), sécheresse vaginale (55 %), image de soi perturbée (65 %) sont les principales raisons mises en avant par les femmes interrogées pour expliquer leurs troubles sexuels. Concernant la diminution de l’estime de soi, elle est tout à la fois une conséquence des traitements chirurgicaux ou médicaux qu’une répercussion de la disparition de la sexualité.  

Et si les sexologues faisaient leur entrée dans les services d’oncologie ?

Pour les responsables de l’enquête, ces résultats signalent sans ambiguïté l’importance de « mettre en place un vrai parcours sexualité pour les malades. À l’heure où le sujet de la sexualité semble être de moins en moins tabou pour les femmes, aussi bien dans leurs conversations que dans les médias, il est étonnant de constater que lorsque la maladie est là, cet aspect pourtant fondamental de l’équilibre est passé sous silence. Les oncologues le disent: ils ne sont pas sexologues. Chacun son métier. Qu’à cela ne tienne, pourquoi ne pas intégrer un(e) sexologue dans le service ? » interrogent-elles.

Aurélie Haroche

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