Si l’on veut vivre plus longtemps avec un diabète de type 2…

Les diabétiques de type 2 (DT2) sont à risque accru de complications micro et macro vasculaires, voire de décès prématurés. A l’âge de 50 ans, comparativement à la population sans DT2, la perte d’espérance de vie est d’environ 6 ans. Un meilleur contrôle de la pression artérielle, du taux de cholestérol et de sucre ainsi que du poids corporel est à même de réduire le risque de complications et donc d’améliorer l’espérance de vie des diabétiques. Tenter de mieux quantifier les gains potentiels liés à l’obtention d’une meilleure prise en charge du DT2 est fondamental, tant en pratique quotidienne qu’en matière de santé publique. En Europe, l’étude UKPDS (United Kingdom Prospective Diabetes Study) et les scores de Framingham ont permis d’analyser précisément ce gain théorique mais, à ce jour, des estimations similaires n’ont pas été menées aux USA, dont la population diffère de celle en Europe, tant en matière de démographie qu’en matière de systèmes de santé ou d’environnement.

La finalisation de plusieurs essais cliniques US à long terme, dont l’ essai ACCORD (Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes) et la mise au point récente d’un modèle innovant de simulation de la maladie diabétique appelé BRAVO (Building Relating, Assessing and Validating Outcomes) ont permis de préciser finement les gains d’espérance de vie en cas de contrôle plus satisfaisant, voire optimal, des facteurs de risque majeurs représentés par une hausse de l’hémoglobine A1c (HbA1c), de la pression artérielle systolique (PAS), du taux de cholestérol-lipoprotéine de basse densité (LDL-C) et de l’ indice de masse corporelle (IMC), au sein d’ une population représentative des adultes US atteints de DT2. Le modèle BRAVO, après calibration, permet, en effet, d’appréhender les évolutions de santé à long terme en fonction des variations des différents biomarqueurs analysés. Les participants à cette étude étaient issus du groupe 2015-2016 de la NHANES (National Health and Nutrition Examination Survey) et les taux de mortalité ont été fournis par l’étude du National Death Index. Le travail a porté sur tous les diabétiques de type 2 âgés de 51 à 80 ans, pour lesquels ont été notés de nombreuses caractéristiques démographiques en même temps que les 4 biomarqueurs pré cités (HbA1c, PAS, LDL-C et IMC). Étaient exclus les malades déjà porteurs de maladies cardiovasculaires (MCV). Tous les diabétiques de la cohorte d’analyse ont été classés en fonction des quartiles de distribution de chaque biomarqueur et le gain en espérance de vie a été estimé en cas d’amélioration d’un quartile, alors que les 3 autres biomarqueurs n’étaient pas modifiés. Cette amélioration a été corrélée dans un second temps avec l’âge et le sexe du patient.

Au total 421 diabétiques de type 2, NHANES 2015-2016, ont été inclus dans l’étude. Leur moyenne d’âge (DS) était de 65,6 (8,9) ans ; 46 % sont des femmes. Les valeurs de l’HbA1c, allant de < 6,4 % jusqu’ à > 8,2 %, ont été classées en quartiles la moyenne de chacun étant respectivement de 5,9 %, 6,8 %, 7,7 % et 9,9 %. La PAS considérée de < 122 mm Hg à > 144 mm Hg, a été également répartie en quartiles avec une valeur moyenne s’établissant à 114,1 mm Hg, 128,2 mm Hg, 139,1 et 160,4 mm Hg. Il en a été de même pour le LDL-C, la moyenne de chaque quartile se situant respectivement à 59 mg/dL, 84 mg/dL, 107 mg/dL et, pour le quartile le plus élevé à 146,2 mg/dL. Quant à l’IMC, les valeurs moyennes des 4 quartiles étaient respectivement de 24,3, 28,6, 33,8 et 41,4 kg/m2.

Efficacité supérieure du contrôle de l’HbA1c et du poids

Dans l’hypothèse d’un contrôle glycémique plus satisfaisant sous traitement, toutes choses étant égales par ailleurs, une baisse de l’HbA1c de 9,9 % (4e quartile, le plus élevé) à 7,7 % (3e quartile) a été associée à un gain de 3,4 ans d’espérance de vie. Par contre, une réduction de l’HbA1c de 7,7 % à 6,8 % ne s’est accompagnée que d’un gain minime de 0,5 ans et aucun bénéfice n’a été observé pour une variation de l’HbA1c passant de 6,8 à 5,9 %. Globalement, un contrôle thérapeutique majeur faisant passer ce biomarqueur du quartile le plus élevé à celui le plus bas était accompagné d’un gain de 3,8 ans d’espérance de vie.

Pour l’IMC, le passage d’un chiffre très élevé de 41,4 à des valeurs plus basses sous traitement de réduction pondérale : 24,3, 28,6 ou 33,0 kg/m2 a été associé à un gain moyen calculé de 3,9, 2,9 et 2,0 années de vie gagnées. Concernant la PAS, la réduction tensionnelle de 160,4 mm Hg (4equartile) à 114,1 mm Hg (quartile le plus bas), à 128,2 ou 139,1mm Hg a été associée à un gain respectif de 1,9, 1,5 et 1,1 ans. Quatrième biomarqueur analysé, une baisse du LDL-C de 146,2 mg/dL a été associée, en fonction du quartile inférieur atteint, à un gain d’ espérance de vie respectivement de 0 ,9, 0,7 et 0,5 ans.

A titre indicatif et dans un but de santé publique, l’arrêt d’un tabagisme serait suivi d’un gain de 0,7 années pour les femmes âgées de 50 à 60 ans et de 1,1 ans pour les hommes entre 70 et 80 ans. En intégrant l’ensemble des données, il ressort de ce travail qu’une femme âgée entre 50 et 60 ans, présentant un IMC à 30, avec une PAS de 160 mm Hg et une HbA1c mesurée à 10 % peut espérer un gain de 3 ans en espérance de vie si est atteint l’objectif thérapeutique d’une baisse tensionnelle à 120 mm Hg et un gain de 1,2 ans avec une réduction pondérale et un IMC passant de 30 à 25. Pour un homme entre 50 et 60 ans, dont l’IMC se situe à 35, la PAS à 160 mm Hg, l’HbA1c à 8 % et le LDL-C à 130 mg/dL, le gain est de 0,6 ans quand l’IMC est réduit de 35 à 30. Il serait de 0,6 ans en cas d’âge plus avancé, entre 70 et 80 ans.

Ainsi donc apparaît-il que, dans une perspective de population, c’est un meilleur contrôle de l’HbA1c et du poids qui sont associés aux gains le plus notables en espérance de vie. Au niveau individuel, les résultats sont plus variés, fonction en grande partie des caractéristiques propres. Ils sont, en règle, d’autant plus marqués que l’individu est plus jeune. Il faut rappeler qu’une baisse de l’IMC est associée à un risque moindre d’insuffisance cardiaque, d’angor et de revascularisation coronaire. Concernant l’HbA1c, l’étude souligne l’importance de maintenir un taux entre 7,0 et 8,0 %.

Plusieurs réserves sont à formuler. La cohorte NHANES n’a pas distingué les diabétiques de type 1 de ceux, beaucoup plus nombreux, de type 2. L’essai ACCORD n’a pas intégré les nouvelles modalités thérapeutiques, dont les inhibiteurs du récepteur peptide 1 et du co-transporteur NA- Glucose. Les patients insuffisants cardiaques étaient exclus de l’étude. Des éléments majeurs, tels que la présence d’une insuffisance rénale chronique ou le taux de triglycérides n’ont pas, non plus, étaient intégrés dans l’étude.

En conclusion, ce travail peut être d’une grande aide aux cliniciens pour motiver leurs patients et les aider à atteindre les objectifs thérapeutiques fixés. Il peut, aussi, avoir une utilité en santé publique pour aider à la mise au point de programmes visant à l’amélioration de la prise en charge du diabète.

Dr Pierre Margent

Référence
Kianmmehr H et coll. : Potentiel Gains in Life Expectansy Associated with Achieving Treatment Goals in US Adults with Type 2 Diabetes. JAMA Netw Open. 2022, 5 (4). E : 227 705.

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