
Paris, le jeudi 24 novembre 2022 – Ces dernières semaines ont
été publiées plusieurs enquêtes épidémiologiques qui montrent
comment la France se situe parmi les plus mauvais élèves européens
en matière de mortalité maternelle et infantile. Ainsi, la récente
comparaison de huit pays européens de l’International Network of
Obstetric Survey Systems (INOSS) publiée dans le BMJ signale
que la mortalité maternelle, jusqu’à 42 jours après la fin de la
grossesse, varie de 2,7 pour 100 000 naissances vivantes en Norvège
à 9,6 pour 100 000 au Royaume-Uni, tandis qu’elle est de 8 pour 100
000 en France.
Concernant la mortinatalié, les données d’Europeristat (qui
concernent 28 pays) ont révélé le 15 novembre que la France affiche
un taux de 3,6 enfants mort-nés à partir de 24 semaines
d’aménorrhée pour 1 000 naissances en 2019, contre un taux médian
européen de 2,5 mort-nés pour 1 000 naissances.
Des internes, mais pas de médecins
Pour les observateurs, ces tristes résultats sont sans
surprise et s’expliqueraient notamment par la pénurie de plus en
plus aiguë de personnels et notamment de gynécologues
obstétriciens. Ainsi, ce 18 novembre, le Collège national des
gynécologues obstétriciens français (CNGOF) publiait une synthèse
alarmante. L’un de ses enseignements les plus marquants est la mise
en évidence que l’augmentation des places d’internat, souvent mise
en avant par les pouvoirs publics pour prouver leur action et leur
engagement, est très loin de suffire.
En effet, le CNGOF relève : « Le nombre d’internes formés
chaque année a fortement augmenté depuis le début des années 2000
». Cependant, cette donnée globale ne permet nullement de
présumer une augmentation du nombre de praticiens. De fait, d’une
part « La répartition territoriale est très inégale et ne
correspond pas de façon évidente aux besoins de la population et
aux capacités de formation ».
Surtout, « Seulement 50 % des internes formés à la
gynécologie-obstétrique souhaitent poursuivre et poursuivent
effectivement une activité de garde. L’arrêt de la participation à
la permanence des soins survient à peine quelques années après
l’internat. Une part importante des jeunes
gynécologues-obstétriciens n’est pas satisfaite de l’environnement
hospitalier public ou privé et renonce à toute activité
hospitalière pour une activité exclusive de consultations en
cabinet. La majorité des jeunes praticiens s’oriente vers une
activité à temps partiel. Les gardes présentent un défaut majeur
d’attractivité : la contrainte de permanence des soins est de moins
en moins acceptée par les plus jeunes, notamment pour les
week-ends. La rémunération actuelle semble tout à fait insuffisante
pour maintenir l’attractivité. La qualité de vie au travail est un
élément majeur dans le choix d’exercice ».
Désertification des petites structures
Ainsi, la désertification (pour reprendre le terme d’une
alerte qui vient d’être lancée par le Syndicat national des
gynécologues et obstétriciens de France, Syngof, le Syndicat
national des pédiatres des établissements hospitaliers, SNPEH et le
Syndicat national des praticiens hospitaliers
anesthésistes-réanimateurs élargi aux autres spécialités, Snphare)
est particulièrement remarquable dans les petites structures.
« Une enquête nationale menée par la commission a permis
d’observer des tensions démographiques (nombre de praticiens
insuffisants, nombre de gardes trop élevé, recours régulier à
l’intérim) pour 91 % des maternités de moins de 1000 naissances, 48
% des maternités de 1000 à 2000 naissances et 8 % pour celles
assurant plus de 2000 naissances » écrit le CNGOF.
Cercle vicieux
Face à cette situation et alors que le patron du SYNGOF, le Pr
Bertrand de Rochambeau considère que « l’Etat regarde le bateau
couler », plusieurs recommandations urgentes sont formulées par
les spécialistes du secteur. Elles concernent la revalorisation des
salaires, mais aussi un « dimensionnement progressif des équipes
de façon à garantir un maximum de 5 gardes par mois » préconise
le CNGOF. Du côté des trois syndicats, on presse le gouvernement
d’accélérer la refonte du décret de périnatalité de 1998, pour
qu’une réponse soit apportée à ce cercle vicieux : « « moins de
professionnels – moins de sécurité et moins de sécurité – moins de
professionnels », ce qui engendre « davantage de risques,
d’accidents, voire de décès évitables ».
A.H.