Simplifier la pratique avancée : pas si simple

Paris, le mercredi 25 janvier 2023 – L’IGAS et l’IGESR ont rendu un rapport sur les possibilités d’évolution de la pratique avancée infirmière.

IPA (pratique avancée), IADE (anesthésie), IPDE (puériculture), IBODE (bloc opératoire), IDEL : la pratique infirmière croule désormais sous les sigles, les modes d’exercice et les formations différentes. A coté des trois spécialités infirmières qui existent depuis des décennies que sont les IPDE, les IADE et les IBODE, se sont donc rajoutés depuis 2018 les IPA, complexifiant sensiblement l’affaire.

Un an après avoir déjà rendu un rapport préconisant de simplifier et de promouvoir l’activité des IPA, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), en collaboration avec l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), a publié ce mardi un nouveau rapport sur la question sobrement intitulé « concertation sur la pratique avancée infirmière ».

« L’attente principale dans la concertation visait à imaginer une refonte du cadre juridique de la pratique avancée infirmière susceptible de reconnaitre en pratique avancée l’exercice des IADE et potentiellement des autres spécialités infirmières » explique le rapport. « Convertir » toutes les infirmières spécialisées en IPA, voila qui a le mérite de la simplicité…en apparence seulement car cela implique d’aligner leurs statuts, leurs formations et leurs rémunérations.

C’est pourquoi les auteurs du rapport annoncent tout de suite la couleur : « le scénario retenu est celui du maintien des trois diplômes d’Etat des spécialités (IPDE, IADE, IBODE) et des instituts de formation dans leurs caractéristiques particulières ». L’intégration dans la PA ne se fera que progressivement et chacun reste pour l’instant dans son couloir.

IPA : améliorer l’attractivité économique

Chaque catégorie d’infirmières fait donc l’objet de recommandations distinctes. Pour les IPA, l’IGAS poursuit dans la lancée de son rapport de janvier 2022 et recommande de permettre l’accès direct des patients et d’ouvrir aux IPA le droit à la primo-prescription. Des propositions reprises dans la proposition de loi Rist actuellement examinée par le Parlement, mais vivement combattue par les syndicats de médecins libéraux. Dans le contexte tendu actuel, la recommandation des agents de l’IGAS d’une « reprise des discussions entre IPA et médecins sur l’accès direct » apparait ainsi comme un vœu pieux.

Au-delà de la question des compétences, l’IGAS appelle à revoir la formation des IPA mais surtout leur rémunération, afin d’améliorer l’attractivité et ce alors que le nombre d’infirmières inscrites en master de pratique avancée en 2022 était en baisse par rapport à 2021. Le rapport déplore « un modèle économique qui reste introuvable tant en libéral qu’en établissement », alors que seulement 37 % des IPA exerçant en libéral le font de manière exclusive.

S’agissant des IADE, l’IGAS n’a pas renoncé à sa volonté, déjà affiché dans le rapport de 2022, de les intégrer à la PA, mais reconnait que cela devra passer par un « toilettage du décret de formation pour pouvoir rentrer un peu plus dans les cases de la PA ». Rappelons que, contrairement aux IPA, les IADE ne suivent pas de formation universitaire, mais le rapport de l’IGAS ne préconise pas pour autant d’intégrer les écoles paramédicales à l’université. Là encore, la question de la reprise de ces recommandations dans la loi Rist demeure : lors des débats en commission à l’Assemblée Nationale, les amendements prévoyant d’intégrer les IADE à la PA ont été rejetés.

Convaincre les médecins : pas une mince affaire

Pour les IPDE en revanche, le chemin vers une intégration à la PA est encore long et devra passer par une réforme d’ampleur de leur formation, selon les agents de l’IGAS. Il faudra ainsi porter leur formation à deux ans, pour qu’elles atteignent le grade de Master. L’élaboration d’une nomenclature spécifique pour les IPDE devra également être mise en chantier.

Enfin, s’agissant des IBODE, l’IGAS ne peut que constater que l’interminable débats sur leurs compétences exclusives, qui donnent lieu depuis plusieurs années à des mesures transitoires du gouvernement (qui, pour ne rien arranger, sont parfois annulées en justice) bloque « toute réflexion immédiate sur la pratique avancée des IBODE ».

L’intégration des IBODE, IPDE et IADE à la PA est notamment freinée par la nécessité de trouver un accord entre les infirmières de chaque spécialité et les médecins avec lesquels ils travaillent. Or, si les pédiatres sont plutôt ouverts à l’idée de voir les compétences des IPDE s’élargir, les anesthésistes-réanimateurs (pour les IADE) et les chirurgiens (IBODE) sont plus circonspects.

La question du partage des compétences est décidément bien difficile à trancher, surtout qu’elle ne manque pas de réveiller des réflexes corporatistes.

Quentin Haroche

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions (1)

  • Les IADE sont de fait des IPA

    Le 25 janvier 2023

    La pratique avancée infirmière à son début s'est calquée sur ce que pouvaient et savaient faire en autonomie les infirmiers anesthésistes aux USA. Ils ont été les premiers à être reconnus comme tel et la question s'est ensuite posée sur la possibilité d'étendre ce principe à d'autres pratiques infirmières. La pratique avancée s'est ensuite largement développée d'abord dans la sphère anglo-saxonne, et finalement plus globalement récemment. Les infirmières praticiennes au Royaume-Uni exercent depuis plusieurs décennies avec satisfaction. Les IADE en France qui à l'origine, après la 2ème guerre, exerçaient comme anesthésistes ont continué à exercer, même quand bien plus tard la spécialité médicale s'est développée. Elles ont ensuite intégré la catégorie des infirmières spécialisées pour ne pas être placées dans un statut de techniciens comme le souhaitait le gouvernement dans les années 1972. Depuis cette spécialité s'est maintenue avec une mise à jour et une amélioration de la formation continue. Depuis 10 ans cette spécialité (la seule) dont les écoles sont adossées à des Universités obtiennent le grade Master, elles ont donc un niveau universitaire reconnu. Leur degré d'autonomie est demeuré, même s'il est facilement nié par les médecins anesthésistes par peur d'une concurrence qu'il n'y a pas par réglementation. Leur niveau de formation et de connaissance tant en physiologie, pharmacologie, anesthésie, est largement au niveau de celui des IPA, voire même plus avancé.

    Pascal Rod IADE

Réagir à cet article