Suicide de patients : « mieux vaut prévenir que mourir »*

Paris, le lundi 12 septembre 2022 – A partir d’une analyse de cas, la HAS émet des recommandations pour mieux prévenir le suicide de patients lors de leur prise en charge.

Une résidente de 95 ans d’un Ehpad évoque son envie de se suicider, mais le médecin du SAMU refuse de l’hospitaliser et prescrit un sédatif. Le lendemain, la patiente est retrouvée morte : elle s’est défenestrée du 2ème étage. Un drame, relatée par la Haute Autorité de Santé (HAS) dans son rapport sur les suicides de patients, qui illustre les différentes failles dans la prise en charge qui peuvent permettre le passage à l’acte.

Dans son analyse publiée jeudi dernier, la HAS s’appuie sur 795 cas de suicides et tentatives de suicides en milieu hospitalier ou médico-social (ce qui inclut les Ehpad) signalés entre mars 2017 et juin 2021 pour émettre quelques recommandations.

53 % des suicides de patients se font par pendaison


Sans surprise, parmi les 795 cas de passage à l’acte analysés par la HAS, une grande part concerne les services de psychiatrie, où 451 suicides et tentative de suicides ont été recensés, soit 57 % des dossiers analysés. Ces faits ont été signalés dans le cadre du dispositif national de déclaration des évènements indésirables graves en associations aux soins (EIGS) et ne représentent donc pas la totalité des tentatives de suicide de patients.

Comme leur nom l’indique, ces évènements graves ont des conséquences très sérieuses : dans deux tiers des cas analysés, le patient est décédé. Comme dans la population générale, le risque que la tentative de suicide aboutisse au décès augmente nettement avec l’âge. Par ailleurs, 41 % des cas de suicides et de tentatives de suicide concernent des patients de plus de 60 ans.

Parmi les causes facilitant le suicide des patients, la HAS insiste notamment sur le manque de sécurisation de l’environnement et de vigilance du personnel soignant. Ainsi, alors que 53 % des suicides se font par pendaison ou auto-strangulation, la HAS appelle les établissements de santé à contrôler l’accès à des points de fixation.

Mais le rapport évoque également des méthodes de suicide plus inattendus, comme ce patient admis en hôpital psychiatrique s’étant donné la mort par arme à feu, après que l’équipe soignante n’a pas jugé nécessaire de contrôler ses bagages à l’entrée de l’établissement.

Un risque de suicide souvent mal identifié


La HAS appelle à mieux former les soignants, notamment ceux qui ne sont pas spécialisés en psychiatrie, à l’identification des risques d’autolyse. Les auteurs du rapport s’étonnent ainsi de plusieurs cas où aucun facteur de risque n’avait été identifié. Le suicide d’un patient mélancolique et suicidaire a ainsi été considérée comme inattendu par les psychiatres qui le prenaient en charge.

Idem pour le cas d’un homme paraplégique souffrant d’un cancer et risquant l’amputation et dont les envies suicidaires n’avaient suscité l’inquiétude d’aucun médecin. Dans de nombreuses déclarations, les soignants se réfugient derrière l’idée de « raptus suicidaire » sans chercher les causes du passage à l’acte. Ils semblent par ailleurs encore nombreux à penser que parler de suicide avec un patient peut l’inciter à se donner la mort.

Parmi ses autres préconisations, la HAS incite à développer une culture de la sécurité au sein des hôpitaux, via la mise en place de protocoles de prévention dans chaque établissement. Les experts préconisent également de créer un plan de prévention du suicide personnalisé pour chaque patient, en fonction de ses antécédents et de son diagnostic.

Enfin, la HAS rappelle qu’il ne faut pas négliger la sortie d’hospitalisation d’un patient ayant réalisé une tentative de suicide et préconise l’utilisation du système VigilanS, un dispositif de surveillance et de maintien du contact avec le patient.

*Cette formulation inattendue est utilisée par la HAS elle-même

Quentin Haroche

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Vos réactions (1)

  • Sécuritaire

    Le 19 septembre 2022

    Culture de la sécurité, protocoles.
    Contrôler: l’accès aux points de fixations, des bagages à l’entrée. La différence éthique entre hôpital et prison s’estompe.
    La HAS fait preuve d’autorité. On n’aurait pas voulu l’en voir dépourvue.
    Fut un temps où le rôle du soignant était de rendre à son patient le goût de vivre. Pour ce faire, il n’hésitait pas à interroger la nature du monde.

    Dr Y. Hatchuel

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