
Alors qu’aux stades précoces, le mélanome malin peut être guéri par l’exérèse chirurgicale, le pronostic est beaucoup plus péjoratif en présence de métastases avec une survie à 5 ans inférieure à 10 %.
Les possibilités thérapeutiques sont limitées. Parmi les agents proposés, l’interleukine 2 est associée à un taux de réponse globale de 13 à 16 %, 6 % des patients pouvant obtenir une réponse complète durable. La vaccination par le peptide gp100 :200-217(210M), conduit, quant à elle, à l’apparition dans la circulation d’un grand nombre de cellules T capables de reconnaître et de tuer les cellules de mélanome in vitro. Ceci laisse à penser que l’activation des cellules T par une cytokine, telle que l’interleukine 2 pourrait agir en synergie avec le vaccin. Un premier essai de phase 2 sur 31 malades a d’ailleurs montré que la vaccination suivie par l’administration de hautes doses d’interleukine 2 conduisait à un taux de réponses de 42 %, ce qui est bien plus important que ce qui est observé avec la cytokine seule. Ces différentes constatations ont incité une équipe américaine à entreprendre un essai randomisé de phase 3 pour comparer les effets de l’administration d’interleukine 2 seule ou associée au vaccin.
Médiane de survie : 17,8 mois contre 11,1
Cent quatre vingt cinq patients recrutés dans 21 centres ont été inclus dans cette étude entre le 6 juin 2000 et le 6 novembre 2007 sur les critères suivants : mélanome cutané de stade IV ou de stade III localement avancé, absence de métastases cérébrales, expression d’HLA*A0201 (nécessaire à la présentation du peptide vaccinal aux cellules T), état général suffisamment satisfaisant pour recevoir des doses élevées d’interleukine 2 (absence d’affections cardiaques, pulmonaires ou rénales majeures).
Ils ont été randomisés en deux groupes : les uns (n = 94) ont reçu seulement de l’interleukine 2 (720 000 UI par kilo de poids corporel en bolus IV toutes les 8 heures avec un maximum de 12 doses par cycle, un cycle toutes les 3 semaines), les autres (n = 91) le vaccin gp100 :200-217(210M) en sous cutané un jour avant le début de l’administration d’interleukine 2 lors de chaque cycle. La réponse clinique était le critère principal de jugement, la toxicité et la survie sans progression les critères secondaires.
Les caractéristiques des patients des deux groupes étaient comparables, ceux du groupe vaccin étant toutefois un peu plus jeunes. Ils ont reçu globalement la même quantité d’interleukine par cycle. Chaque malade a eu 1 à 10 cycles d’interleukine 2 en fonction de la réponse clinique et de la tolérance et il y a eu au total 244 cycles dans le groupe interleukine seule et 286 dans le groupe vaccin-interleukine.
Le taux de réponse clinique évalué en aveugle par l’imagerie a été significativement meilleur dans le groupe ayant reçu le vaccin (16 % vs 6 % p = 0,03) et la survie sans progression a été plus longue (2,2 mois, IC 95 % 1,7 à 3,9, vs 1,6 mois, IC 95 % 1,5 à 1,8 ; p = 0,008). La médiane de survie globale a été également plus importante dans le groupe vaccination-interleukine 2 : 17,8 mois (IC 95 % 11,9 à 25,8) vs 11,1 mois (IC 95 % 8,7 à 16,3 ; p = 0,06). La médiane de suivi pour les survivants est de 41,5 mois.
Les effets secondaires ont été ceux attendus avec de hautes doses d’interleukine 2 avec toutefois davantage d’arythmies, d’anomalies biologiques et de complications neurologiques dans le groupe vaccin, sans doute du fait du plus grand nombre de cycles reçus. A nombre de cycles égal, seules les arythmies sont plus fréquentes dans le groupe vaccin.
Les résultats de cette étude montrent donc qu’il est possible de potentialiser l’effet d’un traitement par cytokine à l’aide d’un vaccin et mettent ainsi en exergue l’intérêt des associations d’agents immunologiques dans le traitement des cancers métastasés.
Dr Marie-Line Barbet