
Depuis sa première description clinique (sur son fils) dans le
Lancet par William James West en 1841 (1), de la triade associant
des spasmes infantiles, une hypsarythmie et une interruption voire
une régression du développement psychomoteur, en tant que «syndrome
de West», cette pathologie rare (incidence 2,9/10 000 naissances) a
connu des avancées concernant la nomenclature, l’étiologie, les
facteurs génétiques associés, les variétés cliniques et les
traitements.
La présente revue narrative, à partir de la consultation de
six bases de données, les met en lumière. Si les termes syndrome de
West, spasmes infantiles, spasmes épileptiques et syndrome des
spasmes infantiles (WS, SI, SE et SSI) sont souvent utilisés de
manière interchangeable, ici le terme « SI » désigne le phénomène
critique et le terme « SSI » décrit le spectre de trouble(s)
associé(s) aux SI.
Diversité étiologique et implication génétique
Les étiologies du SSI sont nombreuses, mais dans certains cas,
jusqu’à 35 %, aucune cause n’est déterminée. Certaines étiologies
trouvent leur origine dans la période périnatale, dont
l’encéphalopathie hypoxique-ischémique retrouvée dans 10 % des
cas.
Les accidents vasculaires cérébraux (8 %) et les infections
cérébrales périnatales peuvent également causer des dommages
cérébraux à l’origine d’un SSI. Parmi les pathologies associées, on
liste également des anomalies cérébrales structurelles
(lissencéphalie, dysplasie corticale, polymicrogyrie…), des
syndromes malformatifs complexes (trisomie 21, syndromes de
Pallister-Killian et de Williams), des erreurs innées du
métabolisme (phénylcétonurie), des phacomatoses, la
neurofibromatose de type 1, la sclérose tubéreuse de Bourneville,
le syndrome de Sturge-Weber, l’hypomélanose de Ito.
Elles pourraient relever d’une même pathogénie par
l’implication d’une cascade de gènes/protéines appartenant à des
voies de signalisation intracellulaires communes. Ces anomalies
moléculaires agissent soit directement sur le phénotype cérébral
(malformation) soit par une prédisposition génétique au niveau
cellulaire à un événement vasculaire, infectieux, métabolique,
syndromique ou immunologique.
De larges études utilisant les techniques de génétique
modernes, mettent en évidence l’implication d’un nombre croissant
de gènes, de protéines et de voies de signalisation dans la
pathogenèse du SSI.
Aspects cliniques et électro-encéphalographiques
Le WS représente 90 % des formes de SSI. Il débute
classiquement dans la petite enfance, entre 3 et 7 mois, et associe
des spasmes infantiles (brefs épisodes de flexion brutale du tronc
et du cou et d'adduction des bras survenant en salve), un EEG
intercritique hypsarythmique (association d’ondes lentes et de
pointes multifocales asynchrones de grande amplitude), un retard
psychomoteur ou une régression du développement (des symptômes du
spectre autistique peuvent également se développer).
Au tout début, les spasmes peuvent passer inaperçus. Parfois,
la présentation est atypique, en lien avec l’âge ou l’étiologique
sous-jacente. L’hypsarythmie peut ne s’accompagner que de
manifestations cliniques subtiles à types d’yeux fixes, mouvements
lents anormaux des membres. Parfois il s’agira de spasmes
atoniques, ou de spasme unique.
A l’inverse, les spasmes typiques ne s’accompagnent parfois
pas d’hypsarythmie ou seulement d’une activité focale.
Devant une suspicion de SSI, deux diagnostics différentiels
sont à considérer : les spasmes bénins et l'épilepsie myoclonique
de la petite enfance. L'évaluation diagnostique comporte l’anamnèse
familiale, un examen physique détaillé, y compris cutané, cardiaque
et un fond d'œil. Un enregistrement vidéo-EEG sera complété par une
imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale, anormale dans
plus de la moitié des cas, et enfin, une analyse génétique. La
récurrence des crises est considérée comme un facteur de mauvais
pronostic tout comme l'étiologie, l'âge de début et un traitement
tardif et inapproprié.
A l’inverse, l’absence d’étiologie permettrait une évolution
plus favorable.
Approches thérapeutiques
Un diagnostic précoce et une initiation rapide du traitement
sont indispensables. Le traitement de référence repose sur
l'hormone adrénocorticotrope (ACTH), la vigabatrine (VGB) et les
corticostéroïdes. L'ACTH est utilisée selon des protocoles
variables mais la plupart des études suggèrent l’efficacité de
faibles doses. La pyridoxine, en complément de l'ACTH ou de la
prednisolone, a montré des résultats contradictoires. Le régime
cétogène, bien que contraignant, peut être efficace.
Plusieurs médicaments antiépileptiques ont été proposés, en
monothérapie ou en associations. Parmi eux, certains sont
d'introduction récente dans cette indication, leurs résultats
doivent être confirmés. La VGB est largement utilisée, l’efficacité
clinique et EEG étant meilleure à plus fortes doses. L’association
d'ACTH ou prednisolone et de VGB s'est montrée efficace pour
réduire les SI et améliorer les anomalies EEG dans plusieurs
études, alors que l’effet était plus incertain dans d’autres
essais.
La toxicité rétinienne est l'effet indésirable le plus redouté
de la VGB. Récemment, des anomalies de signal IRM, réversibles et
asymptomatiques ont été décrites chez des patients sous fortes
doses de VGB ou en association avec l’ACTH. D’autres molécules ont
également montré une certaine efficacité (itrazépam, lévétiracétam,
valproate de sodium) et sont parfois utilisées en seconde
intention.
Enfin, des recherches sont en cours pour des thérapies
géniques et ciblées.
En conclusion, le SSI regroupe des pathologies hétérogènes,
complexes, dont les mécanismes pathogéniques sont encore à élucider
plus précisément et la prise en charge thérapeutique précoce à
optimiser.
Dr Isabelle Méresse