Syndrome inflammatoire chez l’enfant et SARS-CoV-2 : alerte en Europe

Paris, le mercredi 29 avril 2020 – La société britannique de soins intensifs pédiatriques (PICS) a diffusé dimanche une alerte en lien avec le National Health Service (NHS) concernant une « apparente augmentation » au cours des trois dernières semaines chez des enfants de tout âge « d’état inflammatoire multisystémique nécessitant des soins intensifs ». Ces cas ont été rapportés à Londres et dans l’ensemble du pays. Le lien ou non avec une infection par SARS-CoV-2 n’est pas parfaitement établi. L’alerte de la PICS indique : « On craint l’apparition d’un syndrome inflammatoire lié à SARS-COV-2 ou l’existence d’un autre pathogène infectieux, non encore identifié, associé à ces cas ». De fait, sur la vingtaine de cas décrits (dont la moitié a nécessité des soins intensifs), les enfants n’ont pas tous été testés positifs au SARS-CoV-2.

Orage cytokinique

Outre le rôle à préciser de SARS-CoV-2, les informations des spécialistes britanniques, qui font écho à celles de pédiatres hospitaliers de plusieurs pays d’Europe (dont la France) convergent pour confirmer que les symptômes sont en partie évocateurs d’un syndrome de Kawasaki. « La présentation clinique est pléomorphe et peut en imposer pour une forme incomplète de la maladie de Kawasaki, ce d’autant que certains ont des dilatations coronaires » détaille le Centre de référence malformations cardiaques congénitales complexes Necker à Paris (M3C Necker) qui a également lancé une alerte très récente. « Un nombre croissant d’enfants de tous âges a été hospitalisé dans un contexte d’inflammation multi-systémique associant fréquemment une défaillance circulatoire avec des éléments en faveur d’une myocardite » précise encore le M3C. Les pédiatres signalent également la similitude entre les symptômes rapportés et un choc toxique. Dans les deux cas, « le système immunitaire réagit trop fort (…) C'est ce qu'on appelle l'orage cytokinique, cette même tempête immunitaire que l'on retrouve dans les cas graves du Covid-19 » relève citée par le Parisien le docteur Véronique Hentgen, (centre de référence des maladies auto-inflammatoires de Versailles). Les observations des pédiatres européens indiquent par ailleurs qu’aucun décès n’a été déploré et que l’évolution est toujours rapidement favorable.

Une temporalité qui interroge

L’inquiétude concerne plus certainement la temporalité de ce phénomène par rapport à l’épidémie de Covid-19. « L'épidémie a démarré il y a cinq semaines en Ile-de-France et ces jeunes enfants affluent depuis 15 jours. Il y a eu une hausse depuis vendredi. C'est un phénomène qui nous ennuie » remarque ainsi le docteur Damien Bonnet, chef du service de cardiologie congénitale et pédiatrique de l’hôpital Necker et responsable du M3C, cité par le quotidien le Midi Libre. Les pédiatres européens travaillent aujourd’hui ensemble pour établir un tableau plus clair de la situation. « Il nous paraît d’une importance sanitaire majeure que tous les cas soient recensés même s’ils sont douteux puisque le cadre nosologique est imprécis », insiste ainsi Necker. Des alertes ont en effet été lancées non seulement en Grande-Bretagne et en France (avec entre une quinzaine et une vingtaine de cas recensés principalement en région parisienne) mais aussi en Italie du Nord (où des spécialistes se sont inquiétés d’un nombre anormalement élevé de syndromes de Kawasaki, avec cinq cas à Gènes), en Espagne et en Belgique. Aux Etats-Unis, des pédiatres nord-américains avaient décrit début avril un cas de Kawasaki associé à SARS-CoV-2 concernant un nourrisson de six mois.
Vigilance

Le partage des informations des spécialistes pourrait permettre de répondre aux nombreuses questions encore en suspens. Elles concernent le nombre réel de cas (afin de confirmer l’existence ou non d’une augmentation), le profil des enfants concernés (âge, comorbidités éventuelles) et bien sûr le rôle de SARS-CoV-2, tandis que la progression des formes sévères de Kawasaki pourrait être une conséquence des retards de consultation liés au confinement et à la peur de l’épidémie.

Bien sûr, alors que la réouverture progressive des crèches et des écoles a été confirmée hier, cette information largement relayée par les médias grand public risque de susciter de nouvelles inquiétudes au sein de la population. Le ministre de la Santé a évidemment affirmé sa plus grande vigilance sur le sujet. Cependant, les spécialistes se veulent rassurants, insistants sur la rareté du syndrome de Kawasaki et des formes graves d’infection par SARS-CoV-2 chez l’enfant. Le Pr Jean-Daniel Lelièvre, chef du service d'infectiologie à l'hôpital Henri Mondor (AP-HP), observe ainsi cité dans le Parisien : « Il est normal que chaque spécialité médicale fasse remonter des informations dès qu'il se passe quelque chose à propos du Covid. Des milliers de publications sont faites en médecine sur ce thème. Mais à nos yeux il ne s'agit pas en l'état d'un phénomène inquiétant. Toutes nos données montrent qu'il y a vraiment très peu de cas graves du Covid chez les enfants ». L’appréciation de la situation est la même en Grande-Bretagne où Simon Kenny, responsable des soins dédiés aux enfants et aux adolescents au sein du NHS remarque : « Heureusement, les maladies de type Kawasaki sont très rares, comme le sont actuellement de graves complications chez les enfants liés à Covid-19, mais il est important que les cliniciens soient informés de tout lien potentiel émergeant afin de pouvoir donner aux enfants et aux jeunes les bons soins le plus rapidement possible ».

Aurélie Haroche

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Vos réactions (1)

  • Orage cytokinique / Kawasaki/ Immunoglobulines

    Le 02 mai 2020

    On sait que le syndrome de Kawasaki que l'on classe dans les angéites des vaisseaux de moyens calibre réagit très bien aux immunoglobulines standards et qu'il est préconisé des les utiliser au plus vite dès le diagnostic établi.
    L'orage cytokinique chez l'adulte semble aussi créer, si on entend ce qui en est dit, une angéite des vaisseaux.

    Sachant qu'en Chine le plasma de sang frais de personnes guéries a eu de bons résultats et que tout plasma de personnes ou non ayant été atteintes du Covid contient des IMMUNOGLOBULINES.
    A t on tenté chez l'adulte présentant une forme GRAVE de Covid19 les IMMUNOGLOBULINES.

    Dr Jeanne Guilbaud

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