
La thérapie cellulaire des infarctus du myocarde (IDM) est une véritable quête du Graal dans laquelle se sont lancées depuis 2001 quelques équipes de pointe. Le principe en est simple en apparence. Il s’agit d’injecter par voie intra-coronaire dans la zone infarcie des cellules progénitrices dérivées de la moelle osseuse (CM pour cellules médullaires).
Plusieurs études pilotes de taille limitée ont démontré la faisabilité et l’innocuité de cette technique avec cependant des résultats divergents.
La publication de 3 essais randomisés dans le même numéro du New England Journal of Medicine constitue un événement qui marquera sans doute l’histoire de la cardiologie.
Une augmentation significative de la fraction d’éjection
L’étude la plus importante (REPAIR-AMI) est un essai germano-suisse randomisé (1) qui a inclus, entre J + 3 et J + 7, 204 patients victimes d'un infarctus du myocarde à la phase aiguë re-perfusés avec succès. Les malades du groupe traitement actif recevaient par voie intra-coronaire environ 2,4 x 108 CM.
Jugé sur l’évolution de la fraction d’éjection ventriculaire
gauche (FEVG) à l’angiographie au 4ème mois, le traitement s’est
révélé efficace avec une amélioration significativement supérieure
dans le groupe CM : augmentation moyenne [± écart-type], 5,5 ± 7,3
% contre 3,0 ± 6,5 % ; p = 0,01).
L’amélioration a été particulièrement marquée chez les patients les
plus sévèrement atteints (+ 5 % d’augmentation de la FEVG chez les
malades ayant une FEVG initiale inférieure à la valeur médiane de
48,9 %). De façon relativement inattendue, un bénéfice significatif
de l’injection de CM n’a été constaté que chez les sujets traités
après J + 4.
Ce travail qui n’était pas dimensionné pour mettre en évidence un avantage en terme de mortalité a toutefois retrouvé (à un an) une réduction significative de la survenue des événements défavorables (décès, récidive d'infarctus et procédure de revascularisation) regroupés dans un indice composite avec 23 cas dans le groupe CM contre 40 dans le groupe placebo (p = 0,01).
Comme dans les études précédentes aucune complication (tout au moins à moyen terme) n’a été rapportée à la procédure.
Un effet bénéfique au stade des séquelles
Dans une seconde étude (TOPCARE-CHD), conduite à Baden (Allemagne), 75 malades victimes depuis au moins 3 mois auparavant d'un infarctus du myocarde (6 ans avant en moyenne), ont reçu, au niveau du tronc coronaire irrigant le territoire ventriculaire gauche le plus dyskinétique, soit une perfusion de cellules progénitrices mononuclées provenant du sang circulant (CS), soit une perfusion de CM, soit n'ont reçu aucune perfusion cellulaire (2). Après trois mois, les témoins ont été randomisés entre un traitement par CS ou CM, et les patients qui avaient reçu des CS ou des CM lors de la phase initiale ont reçu des CM ou des CS.
Là encore une amélioration significative de la FEVG en angiographie a été constatée dans le groupe CM (+2,9 % contre – 0,4 % avec les CS et -1,2 % sans injection ; p<0,001). L’accroissement de la FEVG correspondait à une amélioration de la contractilité régionale dans la zone vascularisée par l’artère ayant été utilisée pour l’injection.
La dernière étude (ASTAMI) conduite en Norvège n’a concerné que
100 malades dont 50 traités par injection intracoronaire d’environ
7 x 107 CM entre le 4ème et le 7ème jour suivant une
revascularisation myocardique pour IDM antérieur et 50 ont servi de
témoins (3).
Dans cet essai, aucun effet significatif n’a été mis en évidence
sur la FEVG mesurée par tomographie d'émission monophotonique au
6ème mois. Cependant une diminution de la taille de l’infarctus et
une amélioration de la cinétique régionale ont été constatées en
IRM chez les patients traités.
Au total, les résultats de REPAIR-AMI et de TOPCARE-CHD (qui ne
sont pas réellement démentis par ceux d’ASTAMI qui manquait de
puissance statistique et qui utilisait des doses inférieures de
CM), démontrent que l’injection de cellules médullaires
progénitrices améliore significativement (mais modestement) la FEVG
des patients traités dans les suites immédiates d’un IDM ou
tardivement au stade de séquelles (4). Cet effet persistant chez
des malades traités plusieurs années après leur IDM va d’ailleurs à
l’encontre de l’hypothèse selon laquelle les CM ne feraient
qu’accélérer un processus de régénération physiologique.
Il faut maintenant, grâce à de nouvelles études randomisées,
déterminer si ce bénéfice sera durable, s’il se traduira comme
semble le montrer REPAIR-AMI par un avantage clinique et si la
répétition des injections permettra d’obtenir un effet cumulatif.
Il restera alors à préciser les indications de cette thérapie
cellulaire qui pourrait concerner un très grand nombre de patients
à la phase aiguë des IDM, mais aussi à distance de l’accident
initial chez des sujets en insuffisance cardiaque…
Des travaux qui pourraient être conduits chez des malades en
attente de greffe et bénéficiant d’une assistance ventriculaire
nous permettront peut-être, grâce à l’examen anatomopathologique du
cœur prélevé, de déterminer quel est le mécanisme exact de l’effet
bénéfique de ces injections (génération de cardiomyocytes,
mobilisation de cellules myocardiques progénitrices ou
néo-vascularisation).
Dr Céline Dupin