
Les anticoagulants oraux directs (AOD) diminuent le risque d'accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique et d'embolie systémique chez les patients atteints d’une fibrillation auriculaire (FA).
Dans les suites d’un tel accident neurologique, quel est le meilleur moment pour les prescrire ? Leur rapport bénéfice/risque est en l’occurrence difficile à apprécier. Les débuter précocement augmente le risque d’hémorragie intracérébrale symptomatique, alors que différer ce traitement expose à une augmentation du risque de récidive précoce de l’AVC. C’est dans les premiers jours après l’AVC que les deux risques précédents culminent. Les quelques essais ou études publiés ont abouti à des résultats contradictoires, du fait de biais de sélection et d’effectifs par trop faibles.
Les recommandations des sociétés savantes et des autorités sanitaires sont variables d’un pays à l’autre, mais elles adoptent volontiers la régle des 1-3-6-12 jours qui suggèrent de débuter les AOD en tenant compte du type d’accident neurologique et de sa sévérité clinique respectivement accident ischémique transitoire (AIT), AVC ischémique mineur, modéré ou encore sévère. Une approche thérapeutique basée sur la stratification des risques en recourant à la neuro-imagerie serait sans doute préférable à cette prise en charge thérapeutique pour le moins empirique.
Un essai randomisé nommé ELAN
Cette stratégie a été adoptée dans l’essai randomisé ouvert appelé ELAN (Early versus Late Initiation of Direct Oral Anticoagulants in Post-ischemic Stroke Patients with Atrial Fibrillation). Son objectif était d’évaluer le rapport bénéfice/risque d’un traitement par les AOD, soit précoce, soit tardif face à un AVC ischémique récent en rapport avec une FA documentée.
Cet essai multicentrique international a fait appel à 103 sites répartis dans 15 pays. Ont été inclus 2013 patients victimes d’un AVC ischémique récent mineur (37 %), AVC modéré (40 %) ou majeur (23 %) ; 1 006 ont été assignés à une anticoagulation précoce et 1 007 à une anticoagulation plus tardive. L’étendue de l’AVC a été évaluée en s’aidant de l’IRM ou du scanner, selon une échelle qualitative adoptée par tous les centres participants.
Dans un groupe précoce (n = 1 006), les AOD ont été administrés dans les 48 heures suivant un AVC mineur ou modéré ou au 6/7e jour après un AVC majeur. Dans l’autre groupe (n=1007), leur administration a été plus tardive (3e ou 4e jour après un AVC mineur, le 6e ou 7e jour après un AVC modéré ou le 12e, 13e ou 14e jour après un AVC majeur).
Le critère de jugement principal combinait les évènement cliniques suivants survenus dans les 30 à 90 jours qui ont suivi l’accident neurologique inaugural : AVC ischémique récurrent, embolie systémique, hémorragie extracrânienne majeure, hémorragie intracrânienne symptomatique ou encore décès vasculaire dans les 30 à 90 jours suivant la randomisation. Les critères secondaires ont inclus les critères précédents considérés individuellement.
Avantage au traitement anticoagulant précoce
Le critère de jugement principal a concerné 29 participants (2,9 %) du groupe traité précocement par les AOD, versus 41 (4,1 %) dans l’autre groupe (soit une différence de risque de -1,18 points de pourcentage ; intervalle de confiance à 95 % IC 95 %, -2,84 à 0,47) à 30 jours. Une récidive d’AVC est survenue chez 14 participants (1,4 %) du premier groupe et 25 de l’autre groupe, ce qui conduit à un odds ratio (OR) de 0,57 (IC 95 %, 0,29- 1,07) à 30 jours. A 90 jours, l’OR correspondant a été estimé à 0,60 (IC 95 %, 0,33-1,06). Une hémorragie intracrânienne symptomatique est survenue chez 2 participants (0,2 %) de chaque groupe à 30 jours.
Cet essai randomisé ouvert qui porte sur plus de 2 000 patients victimes d’un AVC ischémique récent en rapport avec une FA s’avère plus concluant que les autres. Il plaide en faveur de la prescription précoce d’un AOD guidée par la neuro-imagerie qui permet de classer l’AVC en fonction de sa sévérité. La taille et la localisation de l’infarctus cérébral sont pris en compte et le moment de la prescription de l’anticoagulant dépend de ces critères objectifs.
En suivant le schéma de prescription défini dans l’étude, le rapport bénéfice/risque du traitement anticoagulant précoce semble être favorable en diminuant le risque de récidive embolique (notamment d’AVC), sans majorer pour autant le risque d’hémorragie intracérébrale symptomatique.
Dr Peter Stratford