
S’il est un sujet qui fait couler peu d’encre, c’est bien celui de l’ostéoporose chez les sujets très âgés, en l’occurrence le clan des nonagénaires, voire des centenaires. Pourtant, à cet âge, la déminéralisation osseuse atteint souvent des sommets et la moindre chute peut être à l’origine de fractures plutôt lourdes de conséquences. Il faut souligner que les recommandations dans ce contexte clinique et démographique précis font actuellement défaut, de sorte que le prescripteur se voit contraint de procéder par empirisme pur. En pratique sur le terrain, comment la prise en charge s’effectue-t-elle ?
C’est à cette question que répond une petite étude transversale réalisée à Singapour, dans laquelle ont été inclus des patients nonagénaires admis en milieu hospitalier pour des motifs divers, chez lesquels le diagnostic d’ostéoporose a été posé selon les critères de l’ICD-10. Ont été pris en compte les éléments suivants : données démographiques, degré de vulnérabilité clinique évaluée à l’aide d’échelles spécifiques, comorbidités, recours éventuel aux médicaments anti-ostéoporotiques et, dans le cas de telles prescriptions, degré d’observance et incidence des évènements indésirables.
Essentiellement en cas d’antécédents de fracture
L’âge moyen était estimé à 93,0 ± 2,5 ans. Près de trois sujets sur quatre (71 %) souffraient d’une vulnérabilité patente et un tiers avait un déclin cognitif (34,2 %). Des chutes récurrentes s’étaient produites chez 30 % des participants. Un traitement anti-ostéoporotique avait été entrepris avant même l’hospitalisation dans l’immense majorité des cas (82,5 %), le dénosumab étant le plus prescrit (43,4%), devant l’alendronate (41,4 %). Une analyse multivariée ajustée a révélé que deux variables étaient associées à un moindre recours à ces traitements, à savoir le sexe masculin et le déclin cognitif, les antécédents de fracture ayant l’effet inverse. L’observance thérapeutique s’est avérée décevante, avec un taux d’abandon des traitements de l’ordre de 49,5 % en l’espace de 26,3 ± 22,9 mois.
Cette étude a le mérite de donner une idée de la prise en charge de l’ostéoporose des nonagénaires, en l’absence de recommandations spécifiques. Dans la pratique courante, l’immense majorité de ces derniers bénéficie d’un traitement anti-ostéoporotique, le dénosumab qui est un anticorps monoclonal devançant de peu l’alendronate.
Ce sont les antécédents de fracture qui incitent le plus à prescrire de tels médicaments, alors que ni les chutes itératives ni la vulnérabilité ne semblent influer sur cette décision. Le déclin cognitif et le sexe masculin semblent avoir un effet dissuasif. Ces données valent pour le microcosme de Singapour et il serait intéressant de disposer d’études analogues dans d’autres pays du monde, notamment occidental, l’ostéoporose du sujet très âgé étant un … sujet d’actualité.
Dr Philippe Tellier