
Le cancer de la vessie, qui occupe la deuxième place parmi les
cancers relevant de l’urologie, est d’un pronostic réservé quand il
infiltre la tunique musculaire vésicale, ce qui est le cas pour 20
% des patients. Le taux de survie à 5 ans, tout au moins celui en
rapport avec la maladie est inférieur à 70 % et le traitement
optimal de cette tumeur maligne repose sur une approche
multidisciplinaire. La cystectomie radicale avec curage
ganglionnaire en constitue la pierre angulaire, mais dans tous les
cas, il importe aussi de préserver au mieux la qualité de vie. Chez
le patient âgé dont l’espérance de vie est limitée, on peut opter
pour des alternatives à la cystectomie, qu’il s’agisse de la
résection transuréthrale (RTU) de la tumeur quand elle est possible
ou encore de la radiothérapie couplée à la chimiothérapie. Toutes
les options sont possibles en fonction de l’état général du
patient, de son âge physiologique ou encore de ses comorbidités.
Les progrès de l’anesthésie et des techniques chirurgicales rendent
également possible une cystectomie radicale au prix de risques
raisonnables. *
Une petite étude rétrospective ouverte a inclus 143 patients
tous octogénaires atteints d’un cancer non invasif de la vessie qui
a été traité par cystectomie radicale (n=51) ou RTU (n=92). Les
résultats de ces interventions et leur impact sur la qualité de vie
ont été évalués sur le long terme (en moyenne : 14 mois ; extrêmes
: 0-100 mois). La comparaison intergroupe a reposé sur des analyses
multivariées du type modèle des risques proportionnels de Cox et
divers tests statistiques selon la nature des variables
(Wilcoxon test, Mann-Whitney ou Fisher). La
qualité de vie, pour sa part, a été évaluée à l’aide d’un outil
oncologique spécifique, en l’occurrence le questionnaire FACT-G
(Functional Assessment of Cancer Therapy-General).
Avantages à la cystectomie radicale
La durée médiane de la survie globale a été de 12 mois en cas de cystectomie radicale, versus 7 mois en cas de RTU. Deux facteurs indépendants ont été significativement associés à une diminution de la survie spécifique : des taux plasmatiques d’hémoglobine préopératoires bas et la réalisation d’une RTU (RTU : p = 0,019, Hb : p = 0,008) et il en a été de même pour la survie globale (RTU : p = 0,026, Hb : p = 0,013). La qualité de vie basale s’est avérée médiocre dans l’ensemble de la cohorte. Elle était identique dans les deux groupes avant l’intervention. En cas de cystectomie radicale, elle s’est davantage améliorée, soit un score total au FACT-G en hausse de 22,9 % (variation médiane), versus seulement + 2,3% en cas de RTU (p < 0,0001).Cette étude monocentrique ouverte suggère que, chez l’octogénaire, la cystectomie radicale et la RTU sont toutes deux envisageables face à un cancer de la vessie non invasif. Il semble que la solution radicale améliore à la fois le pronostic vital et la qualité de vie, mais il ne s’agit que d’une hypothèse, compte tenu de la méthodologie utilisée. Un essai randomisé multicentrique serait le bienvenu pour étayer cette hypothèse et optimiser la prise en charge de patients âgés souvent dans un état critique.
Dr Philippe Tellier