Transferts de compétence : des représentants des médecins exhortent les sénateurs à abandonner des mesures « délétères » prévues dans le PLFSS

Paris, le jeudi 4 novembre 2021 – Le Sénat examine à son tour à partir d’aujourd’hui le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2022. On le sait, ce texte comporte plusieurs dispositions visant à accroitre les transferts de compétence vers les orthoptistes, les kinésithérapeutes ou encore les infirmiers. De nombreux représentants des médecins manifestent leur opposition frontale depuis l’introduction de ces mesures (souvent par amendements). Ils se sont notamment récemment adressés aux sénateurs pour les exhorter à renoncer à des projets qu’ils qualifient de dangereux pour la prise en charge des patients. Une lettre ouverte a ainsi été écrite par MG France, tandis que les Conseils nationaux professionnels de médecine physique et réadaptation, d’ophtalmologie et d’orl ont interpellé dans un communiqué publié hier les sénateurs et avant qu’une missive ne soit envoyée par les syndicats signataire de la convention et par l’Ordre à la présidente de la commission des affaires sociales du Sénat, Catherine Deroche.

Absence de concertation

Ces différents textes portent les mêmes inquiétudes. D’abord, ils s’émeuvent du manque de concertation avec les premiers intéressés. Les Conseils nationaux professionnels de médecine physique et réadaptation, d’ophtalmologie et d’orl disent ainsi qu’ils « refusent qu’un bouleversement de cette importance soit imposé sans concertation préalable entre les parties prenantes, sans prendre l’avis de l’Académie Nationale de Médecine, du Conseil National de l’Ordre des Médecins et sans évaluation par la HAS ».

Perte de chance

Autre point de convergence : le rappel de la mission première de diagnostic des médecins, qui paraît totalement oubliée par les expérimentations de transferts de compétence proposées. Dans leur lettre à Catherine Deroche, citée par le Quotidien du médecin, les syndicats et l’Ordre disent ainsi redouter une médecine « déconnectée de tout diagnostic médical et de toute stratégie thérapeutique globale ». La crainte d’une perte de chance associée à cette évolution est clairement exprimée. L’autre conséquence néfaste mise en avant est le risque d’une désaffection pour de nombreuses spécialités.

Zizanie

Ces médecins ne manquent pas par ailleurs de reprocher une certaine hypocrisie au gouvernement qui met en avant les déserts médicaux pour justifier les mesures qu’il défend. Les représentants des ophtalmologistes, des ORL et des spécialistes de médecine physique et de rééducation se moquent ainsi de « l’alibi avancé par le ministère d’un accès aux soins facilité dans les déserts médicaux, chacun sachant qu’orthoptistes, orthophonistes et kinésithérapeutes n’y sont pas mieux représentés que les professions médicales. Il faut un plan coordonné médecins-paramédicaux ambitieux pour y faire face » martèlent-ils. Peu rassurés par les prétendus “gardes fous” aménagés par les parlementaires (« En quoi l’appartenance du professionnel de santé à une CPTS résout-elle la question de la perte de chance du patient », écrivent l’Ordre et les syndicats), ces médecins déplorent encore des mesures qui font fi du parcours de soins et de la coordination avec les professionnels paramédicaux. « Cette réforme (…) sème la zizanie et casse le lien entre des médecins et des paramédicaux qui travaillaient jusque-là en harmonie dans l’intérêt des patients et qui seront demain mis en compétition, voire en conflit » écrivent les Conseils nationaux professionnels de médecine physique et réadaptation, d’ophtalmologie et d’orl qui s’inquiètent encore de la question de la responsabilité légale des paramédicaux.

De l’autre côté du miroir

Cette sollicitude affichée vis-à-vis des infirmières, orthoptistes et kinésithérapeutes pourraient ne pas complètement convaincre ces derniers. A la différence des médecins, beaucoup dans leurs rangs se félicitent en effet de voir certaines de leurs revendications prendre corps, même s’ils s’interrogent quant aux répercussions financières.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (6)

  • Trop tard

    Le 05 novembre 2021

    Il fallait réagir avant. La casse du système de santé n'est pas en cours, elle est faite.
    Les patients, les plus concernés, ont mangé leur pain blanc.
    Mais ils seront toujours pris en charge : Après les IPA, kinés, orthoptistes, il y aura les aides soignants et les agents de service. C'est à dire les " professionnels de santé " !

    Dr Claude Salmon

  • Le gouvernement patine...

    Le 07 novembre 2021

    La terrible descente aux enfers des Hôpitaux est un sujet autrement important que des délégations fictives...car les orthoptistes et autre paramédicaux spécialisés ne se trouvent en effet pas dans les déserts médicaux...et ne vont pas s'y installer pour autant, leurs problèmes étant les mêmes que celle des médecins qui ne peuvent pas s'installer "n'importe où", loin des écoles et des possibilités de travail pour le conjoint.

    Notre système de santé a besoin d'une transfusion urgente : de bon sens et de mesures réellement destinées à le remettre sur des rails corrects.

    Dr Astrid Wilk

  • J'ai honte

    Le 07 novembre 2021

    Je suis honteux de l'attitude de certains médecins face à la reconnaissance de compétences de paramédicaux qui pourront faire certains actes qui étaient jusqu'à présent "la propriété exclusive des médecins".
    Ils ont la compétence nécessaire pour cette délégation et partout on se plaint de la pénurie de médecins, des déserts médicaux, des délais d'attente....
    Je suis un médecin retraité et j'ai honte de voir la profession abandonner tout honneur !

    Dr François Wolff

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