On regroupe sous le terme de syndrome hyper-éosinophilique (SHE) un ensemble de pathologies caractérisées par une élévation persistante du nombre d’éosinophiles dans le sang sans cause connue (notamment parasitaire), et s’accompagnant d’atteintes multi-organiques (respiratoires, cardiaques, gastro-intestinales, musculo-squelettiques, neurologiques ou cutanées).
Les mécanismes pouvant donner naissance à ce syndrome orphelin sont loin d’être tous élucidés. En dehors des cas associés au gène de fusion FIP1L1-FDGFRA qui relèvent d’un traitement par imatinib, le traitement du SHE repose sur la corticothérapie au long cours. Cette prise en charge, qui n’est cependant pas toujours efficace, requiert souvent des doses élevées de corticoïdes non dénuées de risque.
Le rôle de l’interleukine-5 dans la maturation, la différenciation, la mobilisation et l’activation des éosinophiles ayant été mis en évidence par de nombreux travaux, l’inhibition de cette cytokine a paru une piste thérapeutique intéressante. Des essais préliminaires ayant montré qu’un anticorps monoclonal humanisé dirigé contre l’interleukine-5, le mépolizumab permettait d’obtenir une baisse durable du taux des éosinophiles, une étude multicentrique randomisée en double aveugle a été entreprise.
Une coopération internationale indispensable
Pour être admis dans l’essai, les patients devaient être négatifs pour le gène de fusion FIP1L1-FDGFRA et nécessiter une posologie de prednisone comprise entre 20 et 60 mg par jour pour maintenir un état clinique stable et un taux d’éosinophiles inférieur à 1000/microlitre. Quatre- vingt-cinq patients répondant à ces critères ont été randomisés entre une perfusion mensuelle de mépolizumab et une perfusion de placebo. L’essai a duré 36 semaines. Le critère principal de jugement était la possibilité de ramener la dose de prednisone en dessous de 10 mg/jour pendant au moins 8 semaines consécutives.
Cet objectif a été atteint chez 84 % des patients du groupe traitement actif contre 43 % dans le groupe placebo (p<0,001). De plus une éosinophilie inférieure à 600/microlitre a été obtenue de façon durable (au moins 8 semaines consécutives) chez 95 % des sujets recevant du mépolizumab contre 45 % des patients sous placebo (p<0,001). Un échec thérapeutique (aggravation clinique requérant la mise en route d’un nouveau traitement ou des posologies de prednisone supérieures à 60 mg/j) est survenu dans 21 % des cas sous mépolizumab et chez 69 % des patients du groupe placebo.
Sept malades du groupe mépolizumab et 5 du groupe placebo ont souffert d’effets secondaires graves mais aucun n’a été rapporté par les investigateurs au traitement reçu (y compris un décès par trouble du rythme ventriculaire survenu dans le groupe traitement actif).
L’inhibition de l’interleukine-5 par le mépolizumab est donc efficace dans certains cas de SHE pour lesquels l’imatinib n’est pas indiqué.
Il reste bien sûr de nombreuses questions à résoudre pour préciser les indications et les modalités pratiques de cette biothérapie. L’étude ouverte qui succède à cet essai randomisé permettra sans doute de répondre à certaines de ces interrogations.
Des investigations complémentaires seront cependant indispensables pour tenter de distinguer a priori les répondeurs au mépolizumab et pour évaluer son intérêt éventuel en première intention dans les SHE. Enfin, les indications du mépolizumab dans d’autres pathologies associées à une hyper-éosinophilie comme le syndrome de Churg-Strauss mériteraient d’être explorées.
Dr Céline Dupin