Un petit pas pour le mouton...un grand pas pour l'humanité ?

La thérapie cellulaire de l'insuffisance cardiaque est l'objet de recherches expérimentales et cliniques dans de nombreux centres. L'objectif commun de tous ces travaux est d'améliorer le fonctionnement d'un coeur lésé par une cicatrice d'infarctus par l'injection in situ de cellules susceptibles de remplacer les cardiomyocytes morts. De nombreuses pistes ont été explorées pour définir la cellule de substitution idéale c'est à dire celle qui se développera dans le myocarde malade et permettra un retour à une fonction ventriculaire normale sans multiplication incontrôlée et sans phénomène de rejet.

Les cellules souches médullaires autologues n'ont pas jusqu'ici donné de résultats probants et pourraient même entraîner des calcifications. L'utilisation de cellules musculaires autologues a fait l'objet d'essais cliniques conduits en particulier par l'équipe de Philippe Menasché en France. Mais les cellules greffées ne se substituent pas réellement aux cardiomyocytes et les résultats cliniques observés ne seraient liés qu'à un phénomène de fusion cellulaire.

La même équipe du Pr Menasché a donc décidé d'explorer une voie plus audacieuse, mais peut-être plus prometteuse : l'utilisation de cellules souches embryonnaires provenant d'un animal d'une autre espèce.

Les résultats préliminaires obtenus chez le mouton viennent d'être publiés dans le Lancet.

Les cellules souches embryonnaires de souris ne sont pas rejetées par les moutons

Pour cette expérience, Menasché et coll. ont utilisé une lignée de cellules souches embryonnaires (CSE) murines marquées (pour pouvoir être identifiées après la greffe) et engagées dans la différenciation cardiaque grâce à une culture durant 36 heures dans un milieu contenant notamment de la protéine BMP2 (bone morpho-genetic protein 2).

Dix-huit moutons chez lesquels un infarctus expérimental avait été provoqué ont été inclus dans l'essai. Tous ont été opérés 15 jours après l'infarctus. Neuf ont reçu dans et à la périphérie de la zone infarcie 30 millions de CSE ainsi préparées en 25 injections et 9 (servant de groupe contrôle) des injections de milieu de culture. Tous les animaux ont été sacrifiés au bout d'un mois.

Chez les 9 moutons traités, les CSE (formellement identifiées grâce aux marqueurs biologiques qu'elles portaient) se sont différenciées en cardiomyocytes fonctionnels. Cette colonisation de la zone infarcie s'est traduite par une amélioration de la fraction d'éjection ventriculaire gauche (FEVG) évaluée par l'échographie (amélioration médiane de 6,6 % contre une baisse de 9,9 % dans le groupe contrôle ; p=0,002 pour la comparaison).
En revanche aucune amélioration du remodelage ventriculaire n'a été constatée après cette transplantation de CSE.

Cette première expérience démontre donc que des CSE xénogéniques engagées dans la différenciation cardiaque peuvent se transformer en cardiomyocytes et coloniser la cicatrice d'infarctus d'un animal d'une autre espèce avec des résultats fonctionnels significatifs sans disséminer dans l'organisme du receveur et sans développer de processus tumoral.

La prochaine étape portera sur des tentatives similaires chez le primate (non humain) avec une durée de suivi plus longue.

Ce n'est bien sûr que si ces essais sont concluants qu'un programme équivalent pourra être envisagé chez l'homme.

Dr Anastasia Roublev


Menard C et coll. : « Transplantation of cardiac-committed mouse embryonic stem cells to infarcted sheep myocardium : a preclinical study. » Lancet 2005 ; 366 : 1005-12. © Copyright 2005 http://www.jim.fr

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