Un plaidoyer pour l’euthanasie

Interview du professeur Jean-Louis Touraine (Faculté de médecine, Université Claude Bernard, Lyon), député du Rhône, président du groupe d'étude sur la fin de vie de l'Assemblée nationale


Chapitres


Professeur de médecine, pionnier du traitement des enfants atteints de déficience immunitaire congénitale, contributeur à la recherche contre le SIDA, auteur de plus de 400 publications scientifiques, rien ne prédisposait le Pr Jean-Louis Touraine à devenir une figure de la lutte pour l’euthanasie.

C’est sa « seconde » vie, d’homme politique (ancien maire adjoint de Lyon et député du Rhône) qui lui aura donné l’occasion de s’exprimer sur cette problématique épineuse.

Réélu parlementaire en juin dernier sous la bannière du nouveau parti présidentiel, il a immédiatement déposé un projet de loi visant à légaliser l'euthanasie dans notre pays et il est aujourd’hui président du groupe d’étude sur la fin de vie à l’Assemblée nationale, qui aboutira, peut-être, à une loi dans les prochains mois.

Alors que demain, le JIM publie une tribune de la présidente de la société française d’accompagnement et de soins palliatifs opposée à l’aide active à mourir et qu’il a donné la parole à ses lecteurs par le biais d’un sondage, marquant une évolution notable et dont les résultats seront commentés dans les prochains jours,  le Pr Touraine nous a livré ses réflexions sur ce qu’il considère être un progrès inéluctable des prochaines années.

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Vos réactions (4)

  • Souffrance psychique et mamelles vides

    Le 26 mai 2018

    Le mal à vivre peut-il justifier le bien-mourrir?

    Dans les pays où l'euthanasie est légalisée, l'expérience montre que l'euthanasie pour tous a mis un coup de tampon final sur le dernier billet de sortie pour un certain nombre de malades psychiatriques et /ou déprimés.
    A plus ou moins long terme la France suivra l'exemple des ses voisins.

    Le législateur est muet sur la définition et la clinique de "souffrance(s) psychique(s)", "douleur morale" qu'il laisse à l'appréciation des praticiens. Ce manque de précisions a manifestement contribué aux dérives, et des patients sont morts qui n'auraient pas dû mourir.
    Quelle séméiologie, quel diagnostic, quel pronostic rendraient éligibles à la fin de vie les malades dont le jugement serait altéré ? Selon les statistiques, ce seraient les femmes et enfants handicapés qui partent en premiers.

    Comment éviter de prendre le chemin des dérives belges et hollandaises où les femmes, pauvres, isolées, dés-socialisées et donc malheureuses représentent 70% du cheptel des euthanasieurs? Pourquoi le législateur fait-il l'impasse sur la caractérisation des maladies psychiques, sur les dépressions, la mélancolie.

    Les maladies psychiatriques sont chroniques et incurables. Où se situent "l'agonie" qui a pudiquement disparu des textes, la fin de vie et et le début de la mort dans effondrement psychique?
    Bientôt, les algorithmes calculeront le prix d'une vie, la rentabilité de l'individu et creuseront des tombes avec le rapport bénéfices-vie /coût-soins.

    La fin de vie est aussi une histoire de gros sous.
    Sauf à avoir des enfants très aidants, soutenants et solidaires, ce qui se raréfie, les vieux parents suivront le sort les femmes. La France, noyée dans sa dette, son PIB et ses dépenses de santé risque, sous la loi du marché, de voir l'Etat providence plongé dans l'Etat désespérance.

    Dr Isabelle Gautier

  • La confusion la plus totale

    Le 27 mai 2018

    Une fois encore, on entend un globiboulga rhétorique, qui amalgame sans la moindre précaution deux situations totalement différentes que sont :
    - "l'aide active à mourir" apportée aux mourants ;
    - l'assistance au suicide de personnes qui ne sont pas condamnées à mourir dans un bref délai.
    Rien ne peut donc être retenu d'une telle "analyse" - aussi verbeuse soit elle.

    Dr Pierre Rimbaud

  • Fin de vie

    Le 28 mai 2018

    Fin de vie.
    La vie a une fin.
    C'est inéluctable.
    Cela peut arriver de différentes façons.
    Il est fréquent que cela survienne inopinément suite aux déficiences définitives des organes vitaux chez quelqu'un en bonne forme, sans souffrir, idéalement dans le sommeil et ce le plus tard possible. Nous n'aborderons cette non problématique que pour la souhaiter à tous.
    Contrairement à l’adage qui énonce que « la mort ne fait souffrir que ceux qui restent », les autres façons de finir de vivre peuvent survenir avec des souffrances physiques et/ou psychologiques  pendant les derniers moments, méritant une prise en charge médicale, puis lorsque la médecine a atteint ses limites, une prise en charge sociétale .
    Au regard de cette incertitude, chacun devrait dès à présent, quel que soit son état de santé, remplir ses directives anticipées afin, si nécessaire, de faire respecter ses volontés.
    La loi Claeys Leonetti.
    Lorsque la fin de la vie a pour origine une maladie incurable, qu’elle est précédée d’une période plus ou moins longue de souffrances, et lorsque ces souffrances deviennent trop intenses, depuis les avancées de la loi Claeys Leonetti, une sédation profonde terminale peut être mise en place.

    Cette sédation profonde terminale consiste, après consultation des soignants, à instituer ou augmenter les doses d’antalgiques afin non seulement d’obtenir une sédation des douleurs mais en plus d’endormir le « patient » avec des hypnotiques ce qui revient à pratiquer une anesthésie jusqu’à ce que la vie cesse.

    La loi Claeys Léonetti permet également, lorsque les traitements ne sont même plus palliatifs, de cesser toute alimentation et hydratation du « patient » jusqu’à ce que la mort survienne. Selon les affirmations de certains spécialistes, cet arrêt des apports n’entraînerait aucune souffrance… Cette période pouvant durer plusieurs semaines !

    Dans les deux situations, la mort survient de manière différée : mais ce n’est pas assimilé à de l’euthanasie ! Alors que ces initiatives sont des actes médicaux qui ont pour finalité, difficilement avouée, de faire arrêter la vie.

    Il faut sortir de ces hypocrisies. Dans ces deux cas l’objectif est que la vie, devenue non supportable, cesse. Le corps médical ayant atteint les limites de ses actions, qui sont de favoriser la vie, doit passer la main, s’effacer devant la volonté du patient et permettre d’avoir recours au suicide non médicalement assisté.

    Suicide civiquement assisté (et non suicide médicalement assisté).

    Dans le problème du choix de la fin de sa vie et la volonté d’y mettre fin il nous faut distinguer parmi les nombreuses situations :

    1/ la personne âgée ne désirant plus vivre, que ce soit en raison de souffrances ou également du non intérêt à poursuivre son existence ; mais qui dispose de ses moyens intellectuels et physiques. Il faut autoriser le suicide et l'assister.
    - Pour l'autoriser, en s’inspirant de ce qui se fait pour le don d'organe de son vivant, il est possible d'imaginer une commission d’experts représentant la société civile. Cette commission après des rencontres répétées avec la personne et un temps de réflexion remet ses conclusions au procureur de la République.
    - Pour l'assistance. En cas d'avis positif cela ouvre la possibilité pour la personne de se procurer la préparation fatale auprès de la pharmacie centrale de… l’hôpital. Cette personne valide est en mesure d'ingérer elle même la boisson létale entourée des proches de son choix(elle peut être assistée si nécessaire par sa personne de confiance, le personnel médical n’a aucun rôle à jouer!).

    2/ la personne qui est dans l'incapacité physique de mettre fin à ses jours (tétraplégique) mais qui possède les facultés intellectuelles pour faire et exprimer ce choix : dans ce cas, une aide à mourir doit pouvoir lui être apportée après mise en œuvre de la procédure décrite précédemment. Son incapacité physique ne lui permettant pas de prendre la potion létale, un proche ou la personne de confiance s’en charge.

    3/ le cas particulier des personnes qui ne sont plus en capacité de communiquer et d’exprimer leur volonté :
    -Le cas des patients qui sont dans le coma, le pronostic de leur éventuelle récupération devrait pouvoir prochainement être amélioré par la toute nouvelle technique de l’IRM quantitative, mettant en évidence les lésions sans espoir de récupération.
    -le cas très particulier des personnes parties en voyage au pays d’Alzheimer (dont aucun n'est revenu à ce jour) qui n'ont pas l'intellect (ni parfois le physique) afin de décider ou de mettre fin à leurs jours?
    Il reste à espérer dans ces cas extrêmes qu’elles aient rédigées leurs directives anticipées et nommé une personne de confiance pour prendre la décision et la faire appliquer.

    Il est à noter que dans cette proposition de suicide assisté, le corps médical dont la mission est la vie n’a plus aucun rôle à jouer.

    Dr Bob des Moutis.
    bdesmoutis@lagoon.nc
    Nouméa. Mai 2018

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