Un psychiatre définitivement condamné pour le meurtre commis par un patient
Paris, le jeudi 24 octobre 2019 - La Cour de Cassation a
rejeté le pourvoi du docteur Lekhraj Gujadhur, un psychiatre
condamné en 2018 pour un meurtre commis par un de ses patients
schizophrène.
Un psychiatre peut-il être responsable des actes commis par
ses malades ? Pour la justice, la réponse est oui. Ce mardi, la
Cour de Cassation a rejeté le pourvoi du docteur Lekhraj Gujadhur,
rendant définitive sa condamnation, en 2018, par la cour d’appel de
Grenoble à dix-huit mois de prison avec sursis pour homicide
involontaire. Sa faute ? Avoir, en 2008, à l’hôpital psychiatrique
Saint-Egrève de Grenoble où il exerçait, délivré une permission de
sortie sans surveillance à Jean-Pierre Guillaud, un patient
schizophrène. Le médecin avait signé cette autorisation sans
examiner le malade, alors que celui-ci avait déjà commis plusieurs
agressions violentes par le passé et tenait des propos
inquiétants.
A l'occasion de cette sortie sans surveillance, le patient
s’était échappé de l’hôpital puis rendu en ville. Là, il avait
acheté un couteau avant de poignarder et de tuer Luc Meunier, un
étudiant de 26 ans. L’affaire avait provoqué une vive émotion dans
le pays, le président de la République de l’époque, Nicolas
Sarkozy, ayant lui-même publiquement évoqué le drame pour demander
un renforcement de la sécurité dans les établissements
psychiatriques. Après un long combat judiciaire, la famille de la
victime avait obtenu la condamnation pour homicide involontaire du
médecin, désormais retraité, en première instance en 2016 et en
appel en 2018.
Une première judiciaire
Aujourd’hui, cette condamnation a donc été confirmé par la
Cour de Cassation. Reprenant l’argumentaire de la cour d’appel,
elle a estimé que le médecin « n’avait pas accompli les diligences
normale compte tenu de la nature de ses missions et des moyens dont
il disposait ». Au vu de la gravité de sa faute, le lien de
causalité entre celle-ci et la mort de la victime est donc
suffisant pour retenir sa responsabilité et le condamner pour
homicide involontaire.
C’est la première fois qu’un psychiatre est condamné pour un
fait commis par son patient. Pour Maitre Hervé Gerbi, avocat de la
famille de la victime, cette décision va faire jurisprudence. «
On pose ici les bases de la responsabilité pénale d’un médecin
psychiatre. Ceux-ci doivent prendre en considération la dangerosité
des patients et la sécurité du public ».
Le spectre d’une psychiatre carcérale
Pour les représentants des psychiatres en revanche, cet arrêt
est très inquiétant. Selon eux, cette décision de justice est le
signe d’une société qui refuse la fatalité et qui, à chaque
évènement tragique, recherche un responsable à tout prix. Le
patient ayant été jugé irresponsable et l’hôpital relaxé en
première instance, la justice a donc choisi le psychiatre comme
"bouc émissaire". « La recherche d’un coupable absolument nous
inquiète fortement » résume Marc Bétrémieux, du syndicat des
psychiatres des hôpitaux (SPH).
Cette décision est aussi le signe d’une société qui craint les
malades mentaux. Pourtant, comme le rappelle le docteur Norbert
Skurnik, également syndicaliste, « les schizophrènes ne sont pas
plus meurtriers que les non schizophrènes » et les cas de
malades mentaux qui commettent des crimes sont extrêmement rares.
Ces spécialistes s’insurgent contre le fantasme du risque zéro,
rappelant que la psychiatrie n’est pas un « art divinatoire
» et qu’il est impossible de prévoir le comportement du
patient.
Beaucoup de praticiens s’inquiètent donc aujourd’hui des
conséquences néfastes d’une telle décision judiciaire. Par crainte
d’une condamnation, les psychiatres pourraient en effet avoir
tendance à minimiser les risques en prolongeant et multipliant les
hospitalisations sous contrainte, au détriment de l’objectif de
guérison du patient. Tout cela alors que la psychiatrie française
manque cruellement de moyens et que les psychiatres reconnaissent
qu’ils font parfois sortir des patients plus pour des raisons
budgétaires que médicales.
Avec cette décision de la Cour de Cassation, c’est donc le spectre
d’une psychiatrie carcérale qui ressurgit, une psychiatrie qui
ostracise les malades au lieu de les soigner.
Un mari violent agresse sa femme, qui porte plainte. Il est convoqué 3 mois plus tard par le juge. Entre temps, il y a quelques jours, il a tué sa femme. Question subsidiaire, pensez vous que le juge sera inquiété...? Sans autre commentaire!
Dr Didier Pomares
De la responsabilité
Le 25 octobre 2019
Hôpital : relaxé, faute rejetée sur le praticien ? (principe de la faute détachable du service ?). Praticien : responsable de ? On peut lui reprocher d'avoir signé la sortie sans examen du patient, certes, mais qui est responsable de ce fonctionnement ? Si on ne refuse pas, on passerait notre temps médical à signer et à endosser des responsabilités pénales. OK ,mais payez moi en conséquence, et payez aussi mon assurance RCP !
Dr François Chassaing
Cela me parait normal
Le 28 octobre 2019
Et bien qu’évaluer le degré réel de dangerosité d'un patient ne soit pas facile c'est sûr et pourtant cela doit être fait au maximum de la sécurité du patient et de son entourage. Et la marge d'erreur est entendable ...mais l'évaluer sans l'examiner ?Je ne vois pas qui peut défendre une telle faute professionnelle grave qui est aussi révélatrice d'un laxisme béat qui règne de ci delà ..et oui il n'y a pas que les fantasmes et l'interprétation de ceux ci. Il y aussi le monde quotidien réel à prendre en compte.