Une piste prometteuse pour la thromboprophylaxie après une fracture : l’aspirine…
Les manifestations thrombo-emboliques veineuses représentent
une complication grave, parfois mortelle, des traumatismes
orthopédiques. Les directives actuelles recommandent l'héparine de
bas poids moléculaire (HBPM) pour la thromboprophylaxie chez les
patients victimes de fractures, mais les preuves de sa supériorité
par rapport à l'aspirine font défaut. Des essais et méta-analyses
suggèrent que l’aspirine peut être une alternative aux HBPM après
une arthroplastie, avec un bon profil de sécurité ; la
thromboprophylaxie par aspirine après prothèse de hanche ou de
genou apparaît dans les recommandations ESA (European Guidelines
on perioperative venous thromboembolism prophylaxis) 2018, en
l’absence de facteur de risque thromboembolique veineux
majeur.
Un nouvel essai pragmatique de non-infériorité (PREVENT CLOT),
multicentrique (21 centres), randomisé, a été mené sur des adultes
ayant présenté une fracture d'un membre traitée chirurgicalement ou
une fracture pelvienne ou acétabulaire. Les antécédents de
thromboembolie veineuse dans les 6 derniers mois, d’anticoagulation
curative à l'admission ou de coagulopathie chronique étaient des
motifs d’exclusion. Les patients ont été randomisés 1:1 pour
recevoir une HBPM (énoxaparine 30 mg deux fois par jour) ou de
l'aspirine (81 mg deux fois par jour) pendant leur séjour à
l'hôpital. Après la sortie, les patients continuaient à recevoir la
thromboprophylaxie qui leur avait été assignée, dont la durée
variait selon le protocole de chaque centre. Le critère de jugement
principal était le décès quelle qu'en soit la cause à 90 jours. Les
critères de jugement secondaires étaient l'embolie pulmonaire non
mortelle, la thrombose veineuse profonde et les complications
hémorragiques. L’analyse primaire a été effectuée en intention de
traiter à l’aide d’estimateurs de Kaplan-Meier. L’analyse
secondaire a permis de préciser les effets du traitement dans la
population per-protocole.
Des résultats « non inférieurs » à ceux de l’HBPM
Au total, entre avril 2017 et août 2021, 12 211 patients
(hommes 62,3 %, âge moyen 44,6 ± 17,8 ans) ont été randomisés pour
recevoir de l'aspirine (n = 6 101) ou une HBPM (n = 6 110). Les
patients ont reçu en moyenne 8,8 ± 10,6 doses de thromboprophylaxie
à l'hôpital (durée moyenne d’hospitalisation 5,3 ± 5,7 jours) ; 91
% d’entre eux sont sortis avec une prescription de
thromboprophylaxie (93,6 % dans le groupe aspirine, 88,8 % dans le
groupe HBPM) pour une durée médiane de 21 jours. Pendant la période
de suivi de 90 jours, 47 patients (0,78 %) dans le groupe aspirine
et 45 patients (0,73 %) dans le groupe HBPM sont décédés
(différence : 0,05 point de pourcentage ; intervalle de confiance
IC à 96,2 % -0,27 à 0,38 ; P < 0,001 pour une marge de
non-infériorité de 0,75 point de pourcentage). Ces résultats
n'étaient pas influencés par l’âge du patient. Une thrombose
veineuse profonde est survenue chez 2,51 % des patients du groupe
aspirine et 1,71 % du groupe HBPM (différence : 0,80 point ; IC à
95 %, 0,28 à 1,31). L'incidence de l'embolie pulmonaire (1,49 %
dans chaque groupe), des complications hémorragiques (13,72 % dans
le groupe aspirine vs 14,27 % dans le groupe HBPM) et d'autres
événements indésirables graves (retard de cicatrisation, infection
du site opératoire) étaient similaires dans les deux groupes.
Malgré certaines limites (les patients éligibles ont pu
recevoir 2 doses d’HBPM avant l’inclusion, durée de
thromboprophylaxie variable, essai ouvert), les résultats de cette
vaste étude semblent significatifs. Chez les patients avec des
fractures des extrémités traitées chirurgicalement ou avec une
fracture pelvienne ou acétabulaire, la thromboprophylaxie avec de
l'aspirine était non inférieure à l'HBPM pour prévenir le décès et
était associée à de faibles incidences de thrombose veineuse
profonde et d'embolie pulmonaire et de mortalité à 90 jours, avec
un bon profil de sécurité. Si l’on ajoute le moindre coût de
l’aspirine et son administration orale facilitant l’observance,
l’aspirine semble être une piste prometteuse dans cette
indication.
Lorsque j'étais en 4ème année (en 1964...) rue de l’École de Médecine, notre professeur de pharmacologie Mme Levy (une prof remarquable) parlant de l'Aspirine, qu'elle appelait "la cortisone du pauvre", terminait son cours par cette prophétie: l'aspirine n'a pas encore dévoilé tous ses secrets...
Dr D Muller
Et prophylaxie au cours de Covid ?
Le 05 février 2023
Bonjour, Vu les accidents thrombo-emboliques fréquents dus au Covid, qui, parmi vous, recommande la prise d'aspirine au cours de la maladie ou bien post vaccination durant la quinzaine de jours critique post-exposition ?
Dr O Morlaz Merci et Ken@vo!
Thromboprophylaxie a l’aspirine
Le 07 février 2023
Il manque une donnée importante à connaître :la thromboprophylaxie par HBPM ou par aspirine a -t'elle été commencée en préopératoire ou pas ? Lorsqu’on sait que 35 % des patients opérés d’une PTH sortent avec une thrombose constituée pendant l’intervention (étude Bimar à Marseille)…