
Paris, le lundi 20 avril 2015 – Parents refusant de réaliser les vaccinations obligatoires quand bien même cette absence de respect de la loi les empêche de scolariser leurs enfants, discours mettant en doute les vaccinations se banalisant sur internet, voire dans les médias, praticiens affirmant avoir constaté une progression de la défiance des patients vis-à-vis de cette pratique (comme l’a mis en évidence un récent sondage réalisé sur le JIM) : la période semble être difficile pour la progression de la vaccination. D’ailleurs, certains indices paraissent témoigner que le vent de désaffection n’est pas que symbolique et théorique : les "flambées" de rougeole observées dans plusieurs pays occidentaux semblent confirmer le recul.
Pourtant, les chiffres des couvertures vaccinales ne reflètent pas, loin de là, cette fracture redoutée. Nous évoquions déjà vendredi dans ces colonnes comment les derniers chiffres disponibles mettaient en évidence une stabilisation, voire pour certains vaccins, une progression des taux de protection des jeunes enfants. Les chiffres rappelés aujourd’hui par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) à l’occasion du lancement de la semaine européenne de la vaccination le confirment. Ainsi, en 2014, la couverture vaccinale des nourrissons pour l’ensemble des immunisations préconisées (obligatoires ou non) dépasse quasiment systématiquement 90 %. On retiendra notamment que même les vaccins qui ont le plus fortement défrayé la chronique sont aujourd’hui plébiscités : ainsi en 2014, « pour la première fois, plus de 90 % des nourrissons de 6 mois ont reçu au moins une dose de vaccin contre l’hépatite B », se félicite l’INPES. Les résultats ne sont cependant pas que positifs et les lacunes les plus prégnantes concernent la vaccination des adolescents et des adultes.
Seuls 2 % des Français se déclarent hostiles à tous les vaccins
Ce tableau laisse deviner que la défiance vis-à-vis des vaccinations ne connaît peut-être pas l’ampleur redoutée par certains experts qui s’exprimaient sur ce sujet il y a quelques semaines et que le rejet concerne sans doute bien plus fréquemment une immunisation en particulier (le vaccin contre le HPV par exemple) que la vaccination en général. C’est ce qu’enseignent les résultats du baromètre 2014 sur ce sujet dont les résultats sont présentés aujourd’hui par l’INPES. Ainsi, aujourd’hui, 79 % des Français se déclarent parfaitement favorables à la vaccination, soit 18 % de plus qu’en 2010. Par ailleurs, les 21 % de Français qui émettent des réserves n’observent pas un refus total de toutes les vaccinations. Ainsi, seules 2 % des personnes interrogées se montrent opposées à toutes formes d’immunisation préventive.
Un quart des généralistes hésitants ou critiques
On retrouve des proportions similaires chez les médecins, interrogés sur ces questions par des experts de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREE). L’enquête conduite entre avril et juillet 2014 (soit à la même période quasiment que la réalisation du Baromètre santé auprès du grand public) révèle que 97 % des médecins généralistes se déclarent favorables (80 % très favorables et 17 % plutôt favorables) à la vaccination. Chez les praticiens aussi, on constate une progression de l’adhésion, qui ne concernait que 67 % des généralistes en 2010. On observe également que plus de neuf médecins sur dix estiment que leur rôle est d’inciter les patients à se faire vacciner, même lorsqu’ils décèlent des réticences. Favorables aux vaccins, les médecins sont cependant nombreux (53 %) à juger que les informations transmises par les autorités sanitaires sur ces produits sont influencées par l’industrie pharmaceutique et ils sont même 29 % à préférer se forger eux-mêmes leur opinion plutôt que de s’en tenir uniquement aux recommandations officielles. Les auteurs de la DREES voient dans cette rupture entre les généralistes et les pouvoirs publics les conséquences des ratés de la campagne de vaccination contre la grippe A/H1N1.A partir de leurs résultats, les responsables de l’enquête dressent trois profils de praticien : le premier majoritaire regrouperait des praticiens très favorables aux vaccins (76 %), le second rassemblerait des praticiens "modérément confiants" (16 %) et le troisième concernerait des généralistes "peu confiants" (8 %) jugeant tout à fait possible que les vaccins induisent des effets secondaires graves. Forts de cette typologie, qui s’écarte cependant de certains résultats plus optimistes de leur enquête, les experts de la DREES jugent inquiétant qu’un quart des généralistes « soient hésitants, voire très critiques, à l’égard des vaccins ». Cependant, au regard des évolutions récentes de l’opinion et de la couverture vaccinale et des interprétations parfois exagérées de certaines données, on peut se demander si certains phénomènes ne sont pas majorées.
Aurélie Haroche