
Paris, le jeudi 6 février 2020 – Malgré la mise en évidence
par différents travaux des effets tératogènes certains du valproate
de sodium (Dépakine et ses génériques), ce médicament a longtemps
continué à être prescrit à des femmes en âge de procréer et des
femmes enceintes. Les autorités de régulation, bien qu’alertées des
travaux confirmant l’existence d’un effet tératogène, ont tardé à
mettre en place les dispositifs d’information et de contrôle des
prescriptions, indispensables pour limiter l’exposition des sujets
concernés.
Dramatiquement décalée par rapport aux premiers signaux, la
prise de conscience des responsables a permis une diminution
drastique des traitements initiés et renouvelés chez les femmes
âgées de 15 à 49 ans.
Baisse des prescriptions de 55 % chez les femmes en âge de procréer
L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) rend en
effet publics les résultats de l’étude EPI-PHARE du suivi de
l’exposition au valproate parmi les femmes en âge de procréer et
pendant la grossesse. Cette évaluation repose sur les informations
du Système national des données de santé (SNDS). On constate tout
d’abord que le nombre de femmes en âge de procréer exposées à
l’acide valproïque a diminué de 55 % entre le premier trimestre
2013 et le deuxième trimestre 2019 (passant de 72 925 à 32 736)
alors que les nouvelles conditions de prescriptions et de
délivrance ont été précisées et adoptées en mai 2015. Le recul est
de 60 % pour les patientes atteintes de troubles bipolaires et de
49 % pour celles souffrant d’épilepsie. Un affinement des données
devrait permettre de mieux connaître prochainement les situations
expliquant la persistance de certaines prescriptions en dépit des
recommandations strictes d’éviter le plus possible ces traitements
chez les femmes en âge de procréer.
Les femmes jeunes en âge de procréer moins exposées que des femmes plus âgées mais qui procréent pourtant !
Certains éléments suggèrent que cette tendance pourrait être
confirmée dans l’avenir puisque les initiations de traitement ont
plus fortement diminué (- 69 %) que les renouvellements (- 53 %).
Là encore, la régression est plus importante en ce qui concerne les
troubles bipolaires, face auxquels des alternatives efficaces et
bien tolérées sont probablement plus nombreuses. Cependant, on
observe également parallèlement que si une chute marquée est
constatée après mai 2015, la période récente laisse apparaître une
stagnation. Par ailleurs, les âges auxquels l’initiation d’un
traitement par valproate (au deuxième trimestre 2019) sont les plus
rares sont entre 20 et 24 ans (avec 172 cas) et 25 et 29 ans (197
patientes). Le recours au valproate ne fait que progresser avec
l’âge, ce qui est quelque peu en inadéquation avec le recul
constant de l’âge des femmes lors de la naissance de leur premier
enfant.
Des grossesses plus souvent interrompues
La prescription (même très minoritaire) de valproate à des
femmes en âge de procréer a pour conséquence la persistance de
grossesses exposées au valproate de sodium : 224 femmes enceintes
étaient ainsi concernées en 2018, ce qui correspond à une baisse de
79 %. Là encore, on observe une certaine stagnation depuis 2017,
notamment en ce qui concerne les femmes traitées pour épilepsie,
suggérant que l’on a atteint la proportion très spécifique de
patientes pour lesquelles les alternatives sont particulièrement
complexes à mettre en place, même lors d’une période aussi délicate
que la grossesse. Ainsi, 224 femmes (138 traitées pour épilepsie et
86 pour des troubles bipolaires) dont la grossesse s’est achevée en
2018 ont été exposées à l’acide valproïque. Cependant, l’analyse de
l’évolution de l’issue des grossesses sous valproate de sodium
témoigne une fois encore d’une plus grande prise de conscience des
risques, avec des interruptions de grossesse plus fréquente : ainsi
42 % des grossesses exposées au médicament ont conduit en 2018 à
une interruption de grossesse contre 31 % en 2013 ; tandis que 50 %
ont donné lieu à un accouchement (124 enfants vivants) contre 61 %
cinq ans plus tôt.
Des délivrances même en cas de prescription non conforme
Des femmes enceintes fortement médiquées
Aurélie Haroche