Vers des perspectives de modélisation en psychiatrie
Si les objets fractals tels que le célèbre ensemble de
Mandelbrot[1] passent pour les structures
mathématiques les plus complexes (comportant en tout point une
architecture déployée en sous-structures gigognes, vers
l’infiniment petit), on estime que le cerveau humain représente de
même, du point de vue matériel comme informationnel, la structure «
la plus sophistiquée » de l’univers connu. De ce constat, le
British Journal of Psychiatry tire une conséquence évidente
: vu sa complexité, comment cet organe pourrait-il échapper à des
dysfonctionnements, autrement dit comment concevoir un monde sans
l’existence concomitante de maladies mentales qui semblent
constituer la rançon obligée de cette complexité ?
Commentant des travaux de LL Gollo et coll.[2], les
auteurs rappellent la richesse de l’ensemble des interconnexions
neuronales formant une sorte de superstructure ou d’organe virtuel,
le connectome[3] dont l’étude débouche sur une nouvelle
approche en psychiatrie, liée à l’apport des neurosciences «
computationnelles »[4]. Si cette prodigieuse
diversité cérébrale offre d’énormes avantages adaptatifs pour
l’individu et pour l’espèce, il est évident que la moindre erreur
de câblage, structurelle ou fonctionnelle, c’est-à-dire dans le «
hard » ou dans le « soft » (pour reprendre la vision
informatique d’une dualité entre la structure matérielle et le
fonctionnement logiciel qui n’est pas sans rappeler la dualité
philosophique ou religieuse entre le corps et l’âme) risque d’avoir
des conséquences cliniques importantes.
Cap sur le connectome !
S’appuyant sur des modèles mathématiques pour évaluer l’effet
de modifications aléatoires du connectome, les chercheurs observent
que même de petites variations dans sa structure ou son
fonctionnement peuvent dégrader très rapidement la connectivité
physiologique du cerveau, en particulier dans les lobes frontaux
qui se révèlent particulièrement sensibles à toute altération du
connectome. Dans les modèles cérébraux subissant les modifications
les plus importantes, on constate que les connexions les plus
profondes sont aussi les plus résistantes.
En extrapolant ces modèles mathématiques, la « psychiatrie
computationnelle »[4] suggère que si nous sommes
globalement similaires quant à notre connectome, des variations
modestes peuvent déclencher des effets dévastateurs. En
particulier, certains modèles (de connectomes altérés) présentent
des analogies significatives avec les changements cérébraux et les
réductions de matière grise observées dans la schizophrénie. Pour
l’éditorialiste de Nature Neurosciences[5], ces
travaux novateurs constituent ainsi des perspectives prometteuses
pour contribuer à mieux comprendre certaines situations
neuropsychiatriques.
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