Violences gynécologiques : dialogue de sourd entre gynécologues et patientes

Tours, le mardi 6 juin 2023 – Une polémique sur une affiche présentée par un gynécologue illustre la communication difficile entre les gynécologues et les patientes.

Le monde de la gynécologie-obstétrique est depuis plusieurs années dans le viseur des mouvements féministes, qui, dans le sillage de MeToo, accusent certains gynécologues de procéder à des examens gynécologiques de manière brutale sans se soucier du consentement de leurs patientes. Des critiques qui ont pu aller jusqu’à des accusations de viol, à l’encontre notamment du Pr Emile Darai, chef du service de gynécologie à l’hôpital Tenon (mis en examen, il a été suspendu de ses fonctions) ou du Dr Chrysoula Zacharopoulo, secrétaire d’Etat à la Francophonie et gynécologue. 

Malgré les appels récents du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) et du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) à mieux respecter le consentement des patientes, en passant d’un « consentement tacite et présumé à un consentement explicite, diversifié et revisité » (sic), les relations restent très tendues entre les gynécologues et les associations féministes, comme le montre une polémique survenue sur Twitter la semaine dernière.

Le Conseil de l’Ordre présente ses excuses

Tout est parti d’une affiche présente sur le site internet d’un gynécologue exerçant en Indre-et-Loire. L’affiche explique en quoi consiste l’examen clinique complet : « palpation des seins, pose d’un spéculum vaginal pour le frottis, toucher vaginal, éventuellement une échographie avec une sonde vaginale, dans certaines pathologies (cancer pelvien, endométriose) un toucher rectal peut aussi être effectué ». Elle se conclut par cette injonction : « en cas de désaccord, merci de le signaler au secrétariat avant la consultation qui sera possiblement annulée ». 

Sans doute ce gynécologue croyait bien faire en prévenant ses patientes du contenu d’un examen complet. Mais la formulation de sa dernière phrase n’a pas plu aux associations de lutte contre les violences gynécologiques. Son affiche a rapidement circulé sur Twitter, provoquant l’ire des militantes féministes. « Cette note laisse penser aux patientes qu’elles doivent tout accepter du médecin parce que sinon, possiblement, votre rendez-vous est annulé, c’est extrêmement intimidant » estime Sonia Bisch, fondatrice et porte-parole de l’association Stop aux violences obstétricales et gynécologiques (stopVOG). « Ces consignes sont contraires à la loi Kouchner de 2002 sur le consentement libre et éclairé des patientes, qui peut être retiré à tout moment, le consentement ne peut pas être recueilli sous la contrainte, la menace, la pression » ajoute-t-elle. « Sélectionner les patientes sur leur compliance thérapeutique n’est pas déontologique » abonde dans le même sens le Collectif interassociatif autour de la naissance (Ciane).

La polémique a ensuite rebondi lorsque les associations féministes ont accusé le conseil départemental de l’Ordre des médecins d’avoir validé le contenu de cette affiche en août dernier, ce que le gynécologue mis en cause a confirmé. Déjà accusé à plusieurs reprises de ne pas en faire assez pour la lutte contre les violences sexistes, le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) a préféré désamorcer tout de suite la polémique en publiant vendredi dernier un communiqué d’excuse. « Le conseil départemental d’Indre-et-Loire de l’Ordre des médecins présente ses excuses à l’ensemble des patientes qui ont été blessées par le contenu de cette affiche, l’Ordre tient à informer que les médecins n’ont pas à annuler un rendez-vous médical si un patient refuse un des examens médicalement conseillé » peut-on lire dans le communiqué. 

Un simple malentendu selon le CNGOF

S’il a finalement retiré l’affiche polémique de son site internet, le gynécologue, qui préfère garder l’anonymat, estime que son texte a été mal compris. « Ce n’est pas moi qui prends la décision d’annuler ou non une consultation, mais la patiente. Toute femme a la possibilité d’annuler à tout moment une consultation si elle considère que l’examen en lui-même est traumatisant, c’est son choix et pas le mien et je le respecte, toute autre interprétation ne peut être faite que dans l’intention de me nuire » explique le praticien, qui indique avoir porté plainte pour dénonciation calomnieuse. Il rappelle également que la charte de bonne conduite du CNGOF était également disponible sur son site.

Soucieuse de rétablir une relation de confiance entre les gynécologues et les patientes, la présidente du CNGOF, le Dr Joëlle Belaish-Allart, estime également que cette affaire est avant tout un malentendu. « Le message est sûrement mal rédigé puisqu’il peut y avoir plusieurs interprétations » analyse-t-elle. « Il n’est pas dit qu’un examen sera fait systématiquement ou obligatoirement. Si une personne consulte pour un motif où l’examen clinique est utile et recommandé, on peut lui expliquer qu’il s’agira d’une consultation inutile si elle ne souhaite pas être examinée et qu’il vaut peut-être mieux annuler avant » explique la gynécologue, précisant que le CNOGF réfléchit actuellement à une formule générique que les gynécologues pourront utiliser sur leur site internet et ainsi éviter ce genre de malentendu.

Mais le fait qu’une simple formulation maladroite puisse provoquer une telle polémique montre bien que la relation entre les gynécologues et les associations féministes reste très tendue.

Quentin Haroche

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Vos réactions (2)

  • Libérer la parole : chiche ?

    Le 06 juin 2023

    "La libération de la parole" ne saurait être à sens unique, malgré la collaboration de sociétés savantes ou institutions pétries de "Bienveillance", à grand renfort de collaborations puis complicités .
    La raréfaction de l'offre médicale interdit-elle de dire ou écrire : "Mesdames allez-vous faire soigner ailleurs"? : Non . "Collectif interassociatif autour de la naissance" ou pas.

    Vous disposez déja de vos listings et réseaux de praticiens en fonction du "genre" , de la "race" , du coefficient d'écoute.

    Dr JP Bonnet - PH

  • Féminisme dévoyé

    Le 11 juin 2023

    Ces associations n’ont de féministes que l’adjectif. Il s'agit d'un pseudoféminisme dévoyé, pleurnichard et vindicatif, toujours prêt à accuser le « patriarcat hétéronormé » et la « masculinité toxique ».
    Comme dit le Docteur Bonnet, qu'elles aillent donc se faire soigner ailleurs. Voire pas du tout…

    Dr A Krivitzky

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