Violences gynécologiques : le CCNE préconise un « consentement revisité »

Paris, le jeudi 30 mars 2023 – Pour rétablir la confiance entre les patientes et les gynécologues, le CCNE estime qu’il faut passer d’un consentement tacite à un consentement expresse.

Le consentement, voilà bien une notion particulièrement difficile à définir et à saisir, que ce soit dans les relations privés, en droit ou en médecine. Ces dernières années, les plaintes de patientes accusant des gynécologues de leur avoir fait subir des examens vaginaux non-consentis se sont ainsi multipliées, remettant en cause une vision peut être un peu trop paternaliste du consentement en médecine. Des complaintes qui sont allés parfois jusqu’à des accusations de viol et qui déstabilisent la relation de confiance entre les patientes et leurs médecins, évidemment nécessaire pour une prise en charge de qualité.

Déjà en janvier dernier, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) s’était penché sur les moyens de rétablir cette relation de confiance et avait préconisé de mieux prendre en compte le consentement des patientes et de procéder à des examens pelviens de manière moins systématique. Ce mercredi, c’est au tour du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), saisi du problème par le gouvernement, de se pencher sur la question du consentement en gynécologie, à travers son avis n°142. Un avis fruit d’une trentaine d’auditions d’experts (médecins, juristes, militantes féministes…) mais qui, comme le rappelle un de ses auteurs la juriste Karine Lefeuvre, n’a pas vocation à remettre en cause la définition juridique du consentement et de trancher la question du « viol gynécologique ». « Notre domaine est et doit rester celui de l’éthique » avance-t-elle.

Des recommandations de bonne conduite plein de bonne intentions

Comme l’explique le Pr Jean-François Delfraissy, président du CCNE, cet avis trace une « ligne de crête » et tente de créer un nouveau cadre satisfaisant à la fois pour les patientes et les médecins. Il faut « éviter que la communauté des soignants gynécologues se trouve montré du doigt en permanence » explique l’immunologue, en référence aux nombreuses accusations portées contre des médecins sur les réseaux sociaux. Ainsi, des propositions mises en avant par certaines militantes féministes ont été écartées par le CCNE : pas d’exigence d’un consentement écrit avant un examen gynécologique, comme c’est le cas dans certains pays anglo-saxons, la pratique étant jugée trop « procédurale » par le CCNE ; pas non plus question de rendre obligatoire la présence d’un tiers lors de certains examens, car cela peut créer une « interférence dans le soins ». Le CCNE ne s’oppose pas non plus à la présence d’étudiants en médecine lors des examens, à condition que les patientes en soient informées préalablement

A la place, les membres du CCNE préconisent de passer d’un « consentement tacite ou présumé, qui n’est plus acceptable » à un « consentement explicite, diversifié et revisité ». C’est donc tout un guide de bonne conduite à destination des gynécologues que les auteurs du rapport ont élaboré. Le médecin doit ainsi délivrer une « information précise, loyale et adaptée » et éviter toute posture « paternaliste ou patriarcale » pour établir « une considération mutuelle, un respect, qui sont les fondements même de la relation » avec la patiente. Le praticien ne doit jamais considérer le « consentement comme acquis » et doit recueillir « l’assentiment de la patiente en plusieurs temps et sous différentes formes ». En aval, les auteurs du rapport estiment nécessaire que le gynécologue procède à un « débriefing » de la consultation avec la patiente.

Le risque que des patientes renoncent aux soins

Au-delà de ses déclarations de bonnes intentions (que certains esprit chagrins pourraient qualifier de mièvres) le CCNE formule quelques recommandations concrètes. Il est ainsi préconisé de modifier le Code de la Santé Publique, pour qu’il soit écrit explicitement qu’un patient peut refuser un examen et non pas seulement un traitement. Il est également demandé au gouvernement de mettre en place les « conditions organisationnelles » permettant de respecter l’avis du CCNE et de faire en sorte que les étudiants en médecine soient mieux formés aux questions de consentement et d’éthique. Le CCNE souhaite également que les patients soient désormais parties prenantes de l’élaboration des recommandations et autres chartes de bonnes conduites des sociétés savantes.

Si les gynécologues ne changent pas leur culture et ne s’adaptent pas à cette nouvelle conception du consentement, le risque est triple selon le CCNE : des patientes vont renoncer aux soins, les soignants vont se détourner de la gynécologie et les pratiques médicales ne seront plus « conformes aux besoins réels des patientes ». Le ministre de la Santé François Braun a d’ores et déjà annoncé que les conclusions du CCNE seront transmises à tous les médecins concernés.

Nicolas Barbet

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