Paris – Trois sociétés savantes publient un guide pour permettre aux hôpitaux et cliniques d’atteindre un taux de 80 % de chirurgie ambulatoire. Un objectif qui n’est pas du goût de tout le monde.
Il y a des objectifs qui sont parfois brandis comme un étendard, sans que l’on sache très bien s’ils correspondent à quelque chose de tangible ou à un but purement politique. L’objectif d’atteindre un taux de 80 % de chirurgie ambulatoire dans les hôpitaux et les cliniques semble faire partie de ces buts à la fois souhaitables et un peu arbitraires. Cet horizon a été fixé pour la première fois par le Haut conseil de la santé publique (HCSP) en 2021. Depuis, les associations et les sociétés savantes de chirurgie mettent les bouchées doubles pour atteindre cet objectif très politique.
La part ambulatoire de l’activité de chirurgie a fortement augmenté en France ces dernières années. Elle est ainsi passé de 38 % en 2010 à 64 % en 2022. Cela reste encore loin cependant de ce fameux objectif de 80 % ou même de l’objectif moins ambitieux de 70 % fixé par le gouvernement, mais qui devait en principe être atteint en 2022. Si les chirurgiens poussent pour atteindre cet objectif, c’est parce que la chirurgie ambulatoire semble à la fois bénéfique aux patients, qui n’ont pas à subir les désagréments d’une nuit à l’hôpital et qui voient certains risques diminuer, mais aussi pour les établissements de santé, qui peuvent ainsi libérer des lits d’hospitalisation pour des patients plus lourds.
La nécessité d’une planification rigoureuse
Pour finalement atteindre cette barre des 80 %, la Société française d’anesthésie et réanimation (SFAR), l’Association française de chirurgie ambulatoire (AFCA) et l’Agence nationale de l’expertise et de la performance sanitaire et médico-sociale (ANAP) ont réuni leurs forces pour rédiger un guide pratique à destination des hôpitaux et cliniques. Publié le 18 septembre dernier, ce guide, sobrement intitulé « 80 % de chirurgie ambulatoire : c’est possible » donne quelques pistes pour pouvoir atteindre cet objectif tant convoité.
En premier lieu, les hôpitaux et cliniques sont invités à tenter d’évaluer leur potentiel ambulatoire. Les auteurs du guide en ont conscience : tous les établissements ne peuvent pas atteindre les fameux 80 %. Tout dépend du type d’activité pratiqué : une clinique d’ophtalmologie spécialisée dans les opérations de la cataracte doit pouvoir approcher les 100 % d’ambulatoire, là où un service d’orthopédie dépassera difficilement les 60 %. Les établissements de santé sont ainsi invités à utiliser Visuchir, un outil statistique développé par l’Assurance Maladie qui leur permet « de regarder ce qu’ils font et de se conditionner par rapport aux taux national » explique le Pr Christophe Hulet, chirurgien orthopédique qui a participé à l’élaboration du rapport.
Pour le reste, le guide élaboré par les sociétés savantes de chirurgie consiste essentiellement à rappeler aux établissements de santé les nécessités d’une planification rigoureuse, pour que le parcours des patients pris en charge en ambulatoire soit le plus fluide possible. Ce parcours de soins doit être élaboré « par consensus entre les équipes médico-chirurgicales » et permettre « d’échelonner l’arrivée des patients, ce qui favorisera un meilleur confort pour eux mais aussi pour l’équipe » développe le Dr Thomas Baugnon, un autre contributeur du guide.
Un objectif qui n’est pas au goût du SNPHARE
Le guide préconise que cette politique ambulatoire soit chapeautée par « quelqu’un de très transversal, comme un chef de bloc ou un gestionnaire de parcours, qui traverse aussi bien le bloc que les unités d’hébergement ». Experte à l’ANAP, le Dr Sophie Di Maria estime que les hôpitaux doivent former leur personnel « aux nouveaux métiers de la coordination du parcours de soin ».
Mais cet objectif de 80 % d’ambulatoire, brandi comme un étendard, n’est pas du goût de tout le monde. Dans un communiqué publié ce vendredi, le syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (SNPHARE) a vivement réagi à la publication de ce guide. Tout en reconnaissant que son contenu est plus nuancé que son titre le laisse penser, le syndicat regrette « l’affichage d’un objectif rendu aussi incantatoire qui tend à faire culpabiliser les médecins et les établissements qui ne l’atteindraient pas ».
Plutôt que le 80 % ambulatoire, le SNPHARE préfère prôner le « 100 % de qualité et de sécurité des soins et 100 % d’humanité des soins ». Sans rejeter l’idée d’une augmentation de la part d’ambulatoire, notamment dans les services réalisant de la chirurgie mineure, le syndicat estime que le plus important est « de définir, pour tous les établissements, pour tous les patients, le parcours de soins optimal ». Il craint que la pression mise sur les établissements de santé pour favoriser l’ambulatoire ne conduise à « forcer la sortie d’un patient alors que son état clinique ou son environnement ne permettent pas un retour à domicile en tout sécurité ».
Le SNPHARE en appelle finalement à la ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq pour arbitrer ce débat épineux. Encore un nouveau dossier complexe sur le bureau de la néo-ministre.