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Cancer du sein avec extension ganglionnaire : la radiothérapie pourrait durer 3 semaines

On sait le rôle de la radiothérapie dans le cancer du sein, notamment pour la conservation du sein et la prévention des récidives. En effet la radiothérapie associée à une chirurgie localisée fait aussi bien que la mastectomie totale (1). De nombreuses femmes préférant conserver leur sein, les demandes auprès des services de radiothérapie augmentent (2). 

Radiothérapie normofractionnée ou hypofractionnée ? 

Pour les cancers du sein avec extension ganglionnaire, la radiothérapie (RT) normofractionnée (NF) « classique » administre 50 Grays par séance en 5 (voire 6) semaines, ce qui induit de nombreux passages dans les services de radiothérapie. La durée de la séance n’est que de quelques minutes mais de nombreux allers-retours avec le domicile sont nécessaires et tout le monde n’a pas un centre de radiothérapie à côté de son domicile.

Aussi la question de la réduction du nombre de séances ou hypofractionnement (HF) sur 15 fractions (en 3 semaines) est posée depuis longtemps (1,2). Elle est validée en cas d’irradiation mammaire exclusive notamment en cas d’absence d’atteinte ganglionnaire mais pas jusqu’à présent pour les cancers du sein avec extension ganglionnaire. A contrario, des études ont montré que la RT/HF pouvait avoir des effets indésirables moins acceptables pour certaines patientes.

Des équipes françaises ont voulu déterminer si la RT/HF, en réduisant le nombre de séances, était bénéfique aux patientes. En fait, la question était de savoir s’il n’y avait pas davantage d’effets indésirables en irradiant plus par fraction, notamment plus de lymphœdème qui est la complication principale de la radiothérapie, en particulier quand elle fait suite à un curage axillaire. 

Une étude de non-infériorité de phase III, multicentrique (29 centres publics et privés), ouverte et coordonnée par le réseau des centres de lutte contre le cancer UNICANCER avec le soutien de l’INCA, a été menée, qui comparait RT/HF 40 Gy/15 fr (2,67 Gy/fr) versusRT/NF 50 Gy/25 fr (2,0 Gy/fr). Etaient incluses les patientes âgées d’au moins 18 ans, opérées d’un cancer du sein classé T1-3, N0-3, M0 et programmées pour une irradiation soit sein total (sein + chaines ganglionnaires) soit paroi et chaines ganglionnaires (après mastectomie totale).

Le critère d’évaluation principal était le délai de survenue d’un lymphœdème dans la population effectivement traitée, calculé en risque relatif de non infériorité. Les critères de jugement secondaires étaient les taux de survie sans récidive loco-régionale (SSRLR), à distance (SSRD), ainsi que de survie globale (SG). 

Un essai randomisé auprès de plus de 1 200 patientes suivies pendant près de 5 années

Entre septembre 2016 et mars 2020, 1 265 patientes étaient incluses dont 1 221 ont été finalement traitées (per-protocole). Elles étaient randomisées en deux groupes : RT/HF (n = 614 patientes) et RT/NF (n = 607 patientes). L’âge médian était de 58 ans (23-91). Dans la cohorte, il y avait 501 mastectomies totales (45 %) et 921 curages axillaires (82,8 %) avec 12 ganglions retirés en moyenne. 

Avec un suivi médian de 4,8 années, 275 lymphœdèmes étaient observés. La stratégie RT/HF s’est avérée non-inférieure à la stratégie RT/NF en intention de traiter (ITT) pour le risque de lymphœdème (RR 1,02 [IC 90 % 0,83-1,26]), p de non-infériorité < 0,001), et d’effets autres comme radiodermite, fibrose, douleur, fatigue… (RR 1,03 [0,83-1,27]), p de non-infériorité < 0,001).

En ITT toujours, des effets indésirables sérieux étaient notés chez 27 patientes au total (groupe RT/HF = 16 ; groupe RT/NF = 11). Seulement 3 étaient strictement liés à la RT (RT/HF = 1 ; RT/NF = 2). Il n’y avait pas de différence entre les groupes chez les patientes effectivement traitées concernant les taux de SSRLR, SSRD et SG. 

Au total, la radiothérapie hypofractionnée (40 Gy/15 fr) s’est avérée non inférieure à la radiothérapie normofractionnée (50 gy/25 fr) en ce qui concerne le risque de lymphœdème sans être délétère sur la SSRLR, la SSRD et la SG. Ces résultats ont fait l’objet d’une communication orale en séance présidentielle par le docteur Rivera (Institut Gustave-Roussy, Villejuif) au congrès de l’ESMO 2024 qui vient de se tenir à Barcelone.

Ils pourraient conduire à un changement de pratique chez toutes les patientes ayant un cancer du sein avec et sans extension ganglionnaire en passant d’une durée de radiothérapie adjuvante de 5 à 3 semaines. Ces changements sont susceptibles d’améliorer la qualité de vie des patientes, de réduire les coûts de traitement et de dégager du temps pour les équipes soignantes. 


References

  1. Early Breast Cancer Trialists' Collaborative Group (EBCTCG). Radiotherapy to regional nodes in early breast cancer: an individual patient data meta-analysis of 14 324 women in 16 trials. Lancet. 2023 Nov 25;402(10416):1991-2003. doi: 10.1016/S0140-6736(23)01082-6.
  2. Hennequin C, Belkacémi Y, Bourgier C, et al. Radiotherapy of breast cancer. Cancer Radiother. 2022 Feb-Apr;26(1-2):221-230. doi: 10.1016/j.canrad.2021.11.013.
  3. Abstract 231O - Locoregional hypo vs normofractionated RT in early breast cancer: 5 years results of the HypoG-01 phase III UNICANCER trial, présenté en Symposium Présidentiel par le docteur S. Rivera (Villejuif, France), ESMO Congress 2024, Barcelone, 13-17 septembre.

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