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Caries dentaires : les tueuses silencieuses. Les enseignements de la cohorte prospective ARIC.

La perte dentaire est le point final des maladies de la cavité buccale, notamment des caries et des affections du parodonte. Ce marqueur clinique de la santé buccale est associé à une augmentation du risque de maladie cardiovasculaire tout autant qu’à une surmortalité, notamment quand une maladie du parodonte est en cause. Les caries dentaires se caractérisent par leur haute prévalence mondiale et, à titre d’exemple, rien qu’aux Etats-Unis, elles concerneraient plus d’un adulte sur cinq. Sur le plan pathogénique, les caries se distinguent des affections du parodonte par l’intervention de bactéries qui vont favoriser une infection dentaire chronique et destructrice jusqu’à atteindre la pulpe dentaire, avec, à ce stade, des symptômes caractéristiques. Certaines de ces bactéries, notammentStreptococcus mutans, sont d’ailleurs retrouvées au sein des valves cardiaques et des plaques d’athérome, ce qui fait planer l’ombre d’un doute sur leur rôle dans la pathogénie de l’athérosclérose. Les maladies du parodonte seraient plus impliquées dans la survenue d’évènements cardiovasculaire majeurs au travers d’une inflammation systémique chronique de bas grade, encore qu’il subsiste encore des incertitudes sur l’amplitude du risque. 

ARIC et sa cohorte dentaire 

L’étude de cohorte prospective dite ARIC (Atherosclerosis Risk in Communities) intervient à point pour répondre aux questions concernant le rôle des caries dentaires. Au passage, elle a déjà suggéré que les soins dentaires réguliers réduisaient de 23 % le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique. Au sein de la cohorte globale d’ARIC (n=11 656), seuls ont été retenus 6 351 participants, ceux qui ont pu bénéficier d’un examen dentaire complet, voire exhaustif entre 1996 et 1998, lequel a permis de détecter et de dénombrer les caries dentaires, tout autant que leur surface en incluant celle des dents manquantes ou obturées. Le suivi a été assuré jusqu’en 2019 et ont été prises des variables relevant de la morbimortalité cardiovasculaire. Les données ont été traitées à l’aide du modèle des risques proportionnels de Cox, en procédant à des ajustements qui ont pris en compte le plus possible de facteurs de confusion potentiels. 

Caries : risque accru d’AVC et surmortalité

L’existence d’au moins une carie dentaire a été associée à un risque accru d'accident vasculaire cérébral (hazard ratio ajusté [HRa], 1,40 [IC 95 %, 1,10-1,79]) et à une surmortalité (HRa, 1,13 [IC à 95 %, 1,01-1,26]). En revanche, aucune relation de ce type n’a impliqué les évènements cardiovasculaires en rapport avec une maladie coronarienne (HRa 1,13 [IC 95 %, 0,93-1,37]). L'association entre les caries dentaires et les AVC ischémiques s’est avérée significativement plus étroite dans la population afro-américaine que dans le sous-groupe des caucasiens (interaction significative p=0,0001). L'augmentation des surfaces dentaires défectueuses qu’elles soient cariées, manquantes ou obturées a été significativement associée à un risque accru d’AVC (HRa, 1,006 [IC 95 %, 1,001-1,011]) et de décès (HRa, 1,003 [IC 95 %, 1,001-1,005]), ce qui n’a pas été le cas des évènements en rapport avec une maladie coronarienne. Le recours régulier aux soins dentaires a réduit d’un facteur cinq le risque de caries dentaires, l’odds ratio correspondant ajusté étant en effet estimé à 0,19 [IC 95 %, 0,16-0,22] ; p<0,001). 

Les caries dentaires semblent être pourvoyeuses d’une surmortalité et d’un risque accru d’AVC, mais le lien de causalité ne peut être établi avec certitude, en dépit de la nature longitudinale de cette étude prospective qui porte sur une cohorte de plus de six mille participants. Il faut démontrer que les soins dentaires réguliers permettent d’annuler ces risques, la diminution du nombre de caries étant nécessaire (mais non suffisante) pour en arriver à cette conclusion. 


References

Sen S, Logue L, Logue M, et al. Dental Caries, Race and Incident Ischemic Stroke, Coronary Heart Disease, and Death. Stroke. 2024 Jan;55(1):40-49. doi: 10.1161/STROKEAHA.123.042528. 


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