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Un champignon cutané pourrait favoriser la progression du cancer du sein

Malassezia, un genre de levures lipophiles habituellement présent sur la peau humaine et animale, est bien connu pour être impliqué dans diverses affections cutanées telles que les pellicules, le pityriasis versicolor, la dermatite séborrhéique et certaines formes d'eczéma. Toutefois, des recherches récentes ont mis en lumière un potentiel lien entre Malasseziaet des pathologies plus graves, notamment certains cancers, avec un intérêt particulier pour le cancer du sein. 

Le tissu mammaire étant un environnement riche en lipides, il pourrait être particulièrement vulnérable à la colonisation par des espèces telles que Malassezia globosa, l'une des espèces les plus répandues de ce genre. Des études préliminaires ont suggéré que cette levure pourrait influencer le microenvironnement tumoral en perturbant les voies métaboliques des lipides et en induisant des réponses immunitaires inappropriées.

En interagissant avec le système immunitaire, M. globosa pourrait favoriser le recrutement et la polarisation des macrophages en phénotypes immunosuppressifs, connus sous le nom de TAM(macrophages associés aux tumeurs). Ces TAM créeraient un microenvironnement propice à la croissance et à la progression tumorale tout en atténuant la réponse immunitaire antitumorale.

Un modèle murin de cancer du sein

Pour établir un modèle murin de carcinogenèse mammaire, des chercheurs ont induit un cancer du sein chez les souris, avant d'introduire la colonisation par M. globosa. Les tissus tumoraux ont ensuite été analysés via des techniques telles que l'histologie, l’immunohistochimie et l'immunofluorescence pour identifier les cytokines et les protéines clés comme IL-17A, COX-2 et 5-LOX.

Des tests ELISA ont mesuré les niveaux de cytokines inflammatoires dans les tissus tumoraux, et l’expression des gènes a été évaluée par séquençage de l’ARN pour identifier les gènes surexprimés, tels que celui de la sphingosine kinase 1 (Sphk1). Pour confirmer le rôle de Sphk1 dans la modulation du métabolisme lipidique et de la prolifération cellulaire, une transfection de MCF-7 avec des siRNA ciblant Sphk1 a été réalisée, suivie de l’évaluation des niveaux de lipides intracellulaires.

L'objectif de cette étude était de déterminer le rôle de M. globosa dans la progression du cancer du sein en explorant ses effets sur le métabolisme lipidique et l'activation immunitaire via la voie IL-17A. Plus spécifiquement, les chercheurs souhaitaient comprendre comment la colonisation par cette levure pouvait moduler le comportement des macrophages et favoriser la progression tumorale, et si la suppression de Sphk1 pouvait constituer une stratégie thérapeutique potentielle pour inhiber la croissance du cancer.

Polarisation des macrophages, activation de l’IL-17A, surexpression de Sphk1

Les chercheurs ont observé une polarisation accrue des macrophages vers un phénotype M2 après la colonisation par M. globosa. Plus précisément, l'expression des marqueurs de macrophages CD86 et CD206 a été significativement augmentée. Ce changement dans la population des macrophages était accompagné par une réduction des cellules M2 après la neutralisation locale de l'IL-17A, confirmant l'implication de cette cytokine dans la réponse immunitaire associée à la tumeur.

De plus, des analyses biochimiques ont montré une perturbation des lipides dans les tissus tumoraux des souris colonisées par M. globosa. Une augmentation du nombre de gouttelettes lipidiques a été observée grâce à la coloration à l'huile rouge O. Le contenu des acides gras non estérifiés a également été significativement augmenté (p < 0,05) après l'infection.

En parallèle, des enzymes liées au métabolisme des lipides, telles que la COX-2 et la 5-LOX, ont vu leur expression augmenter après la colonisation par M. globosa (p < 0,01), indiquant une activation de voies pro-inflammatoires liées à la dérégulation lipidique. Enfin, Sphk1était surexprimée dans les tissus tumoraux colonisés par M. globosa.

La réduction de l'expression de Sphk1 par transfection de siRNA a entraîné une diminution significative des lipides intracellulaires ainsi qu'une réduction de la prolifération cellulaire des cellules cancéreuses MCF-7 (p < 0,005). La voie STAT3/NF-κB, ainsi que les cytokines pro-inflammatoires IL-6, IL-1β et TNF-α, étaient également réduites, suggérant que la suppression de Sphk1 pouvait atténuer l'inflammation chronique et limiter la migration cellulaire dans le microenvironnement tumoral (p < 0,01). 

Des limites à prendre en compte

Cette étude présente plusieurs limites qui méritent d'être prises en compte. Tout d'abord, les résultats se concentre uniquement sur Malassezia globosa. M. furfur, une autre espèce du même genre, semble ne pas avoir le même effet, ce qui laisse penser que chaque espèce pourrait exercer des influences variées en raison de différences génétiques et phénotypiques, notamment dans leur manière d'accumuler ou d'utiliser les lipides. Par conséquent, une étude plus large incluant d'autres espèces de Malassezia aurait permis d'obtenir une vision plus complète de leur rôle dans la progression du cancer.

De plus, l'étude ne prend pas en compte l'interaction avec d'autres sous-types de cellules immunitaires, notamment les cellules Th17, qui jouent un rôle clé dans l'activation de la réponse IL-17A. Par ailleurs, il est important de noter que cette recherche repose sur des modèles murins, ce qui soulève des questions quant à la transposabilité des résultats à l’homme. Enfin, l'étude ne s'est pas intéressée à d'autres facteurs potentiels de croissance tumorale qui auraient pu influencer les résultats, ni aux interactions complexes entre différents types de cellules immunitaires dans le microenvironnement tumoral. 

Ce travil montre que Malassezia globosa favorise la progression du cancer du sein dans un modèle murin en induisant une réponse immunitaire caractérisée par la polarisation des macrophages vers un phénotype M2, associé à un microenvironnement immunosuppresseur. Cela est dû à l'activation de la voie IL-17A. De plus, la colonisation par M. globosa conduit à la surexpression de Sphk1 dans les cellules tumorales, favorisant l'accumulation de lipides et la prolifération cellulaire. La suppression de Sphk1 inhibe ces processus, suggérant une cible thérapeutique potentielle. 


References

Liu M-M, Zhu H-H, Bai J, et al. Breast cancer colonization by Malassezia globosa accelerates tumor growth. mBio. 2024 Sep 5:e0199324. doi: 10.1128/mbio.01993-24. 


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