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Cholangite et inhibiteurs de points de contrôle immunitaires : tout savoir

L'immunothérapie, notamment le traitement par inhibiteurs de points de contrôle (check-points) immunitaires, ou ICI, a constitué un changement de paradigme dans le traitement du cancer, produisant des réponses cancéreuses durables dans une large gamme de tumeurs malignes. Ces médicaments (anti-PD1, anti-PDL1 et anti-CTLA4) augmentent l’activité immunitaire contre les cellules tumorales, mais peuvent également réduire la tolérance immunitaire aux auto-antigènes, entraînant des lésions tissulaires à médiation immunitaire.

L'hépatotoxicité associée aux ICI se manifeste généralement par une élévation des enzymes hépatocellulaires cytolytiques et peut survenir chez 2 à 25 % des patients traités. Celle-ci peut survenir chez 2 à 25 % des patients traités par ICI. Néanmoins les présentations cholestatiques atypiques sont de plus en plus reconnues et la prise en charge optimale de ces patients reste incertaine. 

Une étude rétrospective de 48 cas de cholangite vient d’être publiée et apporte des données diagnostiques et thérapeutiques nouvelles. 

48 cas de cholangite rapportés dans le système français de pharmacovigilance

Parmi les 243 cas d'angiocholite rapportés avec au moins 1 médicament ICI dans la base de données internationale de pharmacovigilance, 80 cas ont été extraits de la base de données française. Vingt-sept cas ont été exclus en raison d'un manque de données et 5 cas ont été exclus pour diagnostic différentiel (angiocholite lithiasique, compression tumorale, cholangite sclérosante primitive ou cholangite biliaire primitive au stade de cirrhose). Au total, 48 cas ont été analysés. 

Le délai médian d'apparition de l'angiocholite était de 5,7 mois (3 mois à 28,8 mois). Chez 31 patients (64,5 %), la détection de l'angiocholite était fortuite. Chez les autres, les symptômes étaient de la fièvre, un ictère ou des douleurs. Tous les patients avaient un profil mixte ou cholestatique. Un quart des patients avaient un ictère (13/48), la moitié d'entre eux avec une bilirubinémie supérieure à 50 mmol/L. La durée du traitement et le nombre de cycles étaient plus courts chez les patients avec un taux de bilirubine supérieur à 50 mmol/L. 

Vingt-trois patients (47,9 %) ont bénéficié d’une biopsie hépatique. Parmi eux, 19 (39,6 %) présentaient une atteinte microscopique des voies biliaires. Pour certains, étaient également associés : infiltrat éosinophile, granulomatose, dilatation sinusoïdale et dystrophie biliaire. Le nombre de perfusions et la durée du traitement par ICI étaient significativement associés à une dilatation des voies biliaires. 

En ce qui concerne la prise en charge de la cholangite, 24 patients (50 %) ont reçu des stéroïdes, 13 (27,1 %) ont reçu de l'acide ursodésoxycholique (AUDC), et 15 patients se sont améliorés sans traitement. Un seul patient a reçu du mycophénolate mofétil. L'ICI a été réadministré chez 6 patients et la cholangite est réapparue chez 3 patients. Quatre patients (8,3 %) sont décédés, dont 2 en raison d'une lésion hépatique. Les analyses de disproportionnalité ont montré que les cas de cholangite étaient signalés 18 fois plus fréquemment avec les médicaments ICI qu'avec tous les autres médicaments, et 7 fois plus qu'avec tous les agents antinéoplasiques.

Inhibiteurs de check-point et effets indésirables à médiation immunitaire

Les ICI peuvent avoir des effets indésirables non spécifiques, comme la fatigue, les nausées et vomissements, céphalées, réactions à la perfusion, généralement bénins. Les autres effets indésirables sont immuno-médiés et qualifés d’irAE (immune related Adverse Events). La fréquence et la gravité des irAE dépend de la classe thérapeutique et plus précisément de la molécule employée, de son association éventuelle (bi-immunothérapie, ICI + chimiothérapie), du schéma et posologie d’ICI, du terrain du patient et de la tumeur prise en charge. 

Dans cette série, près de 40 % des patients présentaient une irAE concomitante associée à une cholangite. La colite est souvent impliquée, suggérant un spectre commun associant cholangite et colite, avec des mécanismes physiopathologiques partagés, comme dans le cas des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin et de la cholangite sclérosante primitive. 

Ces nouvelles données suggèrent que les voies biliaires microscopiques peuvent être atteintes dans un premier temps, puis les voies biliaires macroscopiques en cas de traitement prolongé. Ces résultats peuvent également conduire à réaliser une biopsie hépatique en cas de cholestase, afin de détecter précocement les lésions d'angiocholite induites par les ICI, et ainsi traiter plus rapidement.

Hépatotoxicité des inhibiteurs de check-point

La toxicité hépatique est fréquente sous tous les ICI et généralement asymptomatique sauf en cas d’ictère, signant alors un grade 3, ou avec des symptômes aspécifiques (asthénie, anorexie, fièvre). Elle survient chez 5-10 % sous mono-ICI (1-2 % de grades 3-4) et 25-30 % sous bi-ICI (15 % de grades 3-4). Sa fréquence est également augmentée en cas d’association ICI + autre traitement, ce qui rend difficile l’identification de l’agent causal.

Le diagnostic est en général fait lors de la surveillance en routine du bilan hépatique (recommandé avant chaque cure), montrant l’apparition d’une hépatite cytolytique aiguë, cholestatique, ou mixte. Les recommandations de prise en charge sont consensuelles bien que reposant sur des données limitées. 

En cas de toxicité de grade 1, l’ICI est poursuivi en rapprochant la surveillance du bilan hépatique. À partir d’un grade 2 (transaminases 3-5N sans ictère), l’ICI est suspendu et une corticothérapie est initiée après avoir écarté les causes infectieuses. À partir d’un grade 3 (transaminases 5-20N ou ictère, avec bilirubine < 10N), les patients sont hospitalisés et une corticothérapie forte dose initiée (1-2 mg/kg selon la gravité et notamment la présence d’une insuffisance hépatocellulaire témoignant d’un grade 4).

Chez les patients répondeurs à la corticothérapie, celle-ci est sevrée en 4-6 semaines. En cas de corticorésistance (non-réponse à J3), l’ajout d’un traitement immunosuppresseur est recommandé, sans recommandations très précises sur le choix de la molécule. Le Mycophénolate Mofétil, à la posologie de 1 g x 2/jour, bien toléré et rapidement efficace, est le plus souvent utilisé.

Dans ce travail, environ un quart des patients se sont améliorés spontanément sans traitement et un quart s'est amélioré avec l'AUDC. Les dernières recommandations de la Société européenne d'oncologie médicale proposent d'utiliser l'AUDC, compte tenu de son excellent rapport bénéfice-risque, pour la prise en charge de la cholangite, sans préciser sa place par rapport aux stéroïdes. 

En conclusion, cette étude, basée sur les données de pharmacovigilance françaises, a analysé une large série de patients présentant une cholangite induite par ICI avec des données originales, apportant de nouvelles informations sur ce type d’hépatotoxicité peu décrit. Tous les cas de cholangite avaient un profil biologique cholestatique ou mixte avec une prédominance des phosphatases alcalines.

Dans cette cohorte, près de la moitié des cas de cholangite sont survenus après 6 mois de traitement par ICI. Le délai d'apparition est plus long que celui décrit pour l'hépatite ou d'autres irAE, qui surviennent généralement dans les 3 premiers mois de traitement. L'inhibition de la signalisation du récepteur de mort cellulaire programmée-1 est impliquée dans la physiopathologie de la cholangite. Son traitement initial repose sur la corticothérapie qui mérite d’être associée à l’AUDC. 


References

Meunier L, Hountondji L, Jantzem H, et al ; MonRIO group. Cholangitis Induced by Immune Checkpoint Inhibitors: Analysis of Pharmacovigilance Data. Clin Gastroenterol Hepatol. 2024 Jul;22(7):1542-1545.e4. doi: 10.1016/j.cgh.2023.12.008. 


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