L'arthrite juvénile idiopathique (AJI) résulte d'une interaction complexe de facteurs génétiques et environnementaux. Cependant, la rareté de la maladie et l’étroitesse des échantillons de population rendent l’identification des facteurs de risque environnementaux difficile.
Malgré cela, une étude suédoise de cohorte prospective portant sur plus de 15 740 enfants dont 41 avaient développé une AJI, avait montré en 2019 que la consommation de poisson au moins une fois par semaine au cours de la grossesse et de la première année de vie était associée à un risque jusqu'à 5 fois plus élevé d'AJI, par rapport à ceux qui consommaient du poisson moins souvent.
Ce risque accru a été principalement attribué à une exposition élevée aux métaux lourds. Cette constatation a logiquement posé la question de l'association possible entre le risque d'AJI et l'exposition alimentaire au mercure pendant la grossesse.
Une vaste cohorte prospective norvégienne
Pour y répondre, une équipe norvégienne, a utilisé les données de l'étude de cohorte norvégienne mère, père et enfant (Norwegian Mother, Father, and Child Cohort Study ou MoBa) qui a recruté des femmes enceintes entre 1999 et 2008. Les cas d'AJI ont été définis par couplage avec le registre national des patients. La consommation de poisson par la mère a été évaluée à l'aide d'un questionnaire sur la fréquence alimentaire qui couvrait la première moitié de la grossesse.
Une consommation élevée de poisson a été définie comme dépassant le 90ème percentile (soit 252 grammes par semaine pour les poissons maigres et semi-gras, 157,5 grammes par semaine pour les poissons gras et 427 grammes par semaine pour la consommation totale de poisson). L'exposition alimentaire au mercure a été estimée à partir des données sur la consommation de poisson.
Un apport élevé en mercure (≥P90) a été défini comme étant supérieur à 20 μg par semaine. Les associations ont été ajustées en fonction des facteurs maternels, notamment l'âge, l'éducation, l'indice de masse corporelle avant la grossesse, la parité, l'apport calorique quotidien, les rhumatismes inflammatoires, ainsi que le tabagisme parental pendant la grossesse.
L'échantillon comprenait 73 819 paires mère-enfant et 218 cas d'AJI chez les enfants. La consommation totale médiane de poisson était de 218 grammes par semaine.
Une association positive entre l'AJI et une consommation élevée (≥P90) de poissons maigres et semi-gras par rapport à ceux qui en consommaient peu (<P90) avec un risque multiplié par 1,53. Aucune association claire n'a été observée entre l'AJI et une consommation élevée de poisson gras et de poisson total (aOR=0,93). Aucune association n'a été trouvée entre l'AJI et un apport estimé élevé en mercure par rapport à un faible apport (aOR=0,94).
D’après les auteurs, si ces données indiquent une association, la causalité ne peut être déduite de manière définitive, de telle sorte qu’il ne faut pas mettre en garde les femmes enceintes contre la consommation de poisson uniquement sur la base de cette étude en ce qui concerne le risque d’AJI, en particulier si l’on considère d’autres recherches soulignant les impacts positifs d’un régime alimentaire marin.
Des recherches plus approfondies sont nécessaires pour clarifier le rôle des métaux lourds et d'autres contaminants alimentaires dans l'étiologie de l'AJI.
References
Dåstøl VØ, Caspersen IH, Brantsæter AL, et al. Fish consumption and dietary mercury exposure during pregnancy and JIA risk: a population-based nationwide cohort study. Annals of the Rheumatic Diseases 2024;83:231. EULAR 2024. Abstract#OP0316.