Des études internationales ont révélé un manque de compétences cliniques des infirmières dans le domaine gériatrique (OMS, 2017). Ce manque se traduit par des lacunes dans les soins apportés aux patients âgés, notamment en matière d'hygiène, de nutrition et d'administration des médicaments. Dans un monde occidental vieillissant, l'augmentation du nombre de personnes âgées entraîne pourtant une demande croissante d'expertise. Il apparaît donc nécessaire d’évaluer les facteurs de bonnes compétences cliniques de ce personnel en EHPAD, afin de mieux cibler les domaines clés de formation continue. C’est dans ce cadre que nous relatons ici les données intéressantes d’un travail mené en Finlande.
Une recherche en Finlande
Les personnes âgées finlandaises peuvent bénéficier de deux types d'hébergement : les logements communautaires et les Ehpad où le ratio Ide/patient est de 0,7 (Loi 980/2012, 2012), mais il n’est pas systématiquement atteint. L'étude a porté sur 337 soignants exerçant dans 50 Ehpad de 18 villes différentes. Parmi les participants, 95 étaient des infirmières diplômées d'État (IDE) (représentant 28 % de l'effectif) et 242 étaient des aides-soignantes (AS) (représentant 72 % de l'effectif).
La compétence clinique selon l'OMS, (2021) englobe des connaissances spécifiques, des attitudes, des aptitudes cliniques et intellectuelles, ainsi qu'un esprit critique. Les standards de pratique infirmière finlandais sont publiés dans les Current Care Guidelines et sont disponibles principalement en finnois [1].
Dans cette étude, la compétence clinique a été évaluée à l'aide d'un outil standardisé et validé. La majorité des participants étaient des femmes (96,4 %), et l'âge moyen était de 43 ans. La majorité, soit 58,8 % du personnel infirmier travaillait dans des EHPAD de langue suédoise et 41,2 % dans des EHPAD de langue finnoise. Les résultats de l'étude ont montré que la compétence clinique des infirmiers en EHPAD variait considérablement.
Un test de connaissances cliniques objectif a montré que seulement 24 % des IDE et 30 % des AS ont réussi l'évaluation. La note moyenne pour le test de compétence clinique était de 9,20 pour les IDE et de 6,87 pour les AS, ce qui est inférieur au score requis. La note moyenne pour l'utilisation des normes de pratique infirmière finlandaises était de 2,8 pour les IDE et de 2,22 pour les AS. Les IDE et les AS ont auto-évalué leur propre compétence clinique comme étant bonne.
Quels facteurs sont associés à une compétence clinique plus élevée ?
Les facteurs associés à une compétence clinique plus élevée comprenaient une expérience de travail antérieure en soins infirmiers, une formation continue en soins gériatriques et une charge de travail moindre. L'analyse de régression linéaire multiple révèle par ailleurs qu’un âge plus élevé, l'utilisation du suédois comme langue de travail et l'utilisation des standards nationaux finlandais de pratique infirmière sont associés à une compétence clinique plus élevée. Cependant, l'analyse montre des différences entre les aides-soignants (AS) et les infirmiers diplômés d'État (IDE), ainsi qu'en fonction de la langue de travail.
Dans le détail, on notera qu’un niveau de formation plus élevé est associé à une meilleure compétence clinique. Toutefois, ce lien n'est pas significatif pour le passage du diplôme d'IDE au Master, ni pour le personnel finlandais. Cela pourrait s'expliquer par le caractère théorique des masters en Finlande et le fait que les infirmiers occupant ces postes soient souvent cadres et éloignés de la pratique quotidienne.
Concernant la formation continue, la pandémie de COVID-19 ayant annulé de nombreux programmes, ce facteur n'est pas associé à la compétence clinique dans notre étude. Cependant, la formation continue en gérontologie est essentielle pour garantir la compétence clinique. Sans surprise, encore, le fait de travailler en EHPAD est associé à une meilleure compétence clinique, probablement en raison de la prise en charge de patients plus lourds qu’à domicile.L'utilisation des standards nationaux est associée à une compétence clinique potentiellement plus élevée. Cependant, d'autres études finlandaises pointent un certain oubli de ces directives par le personnel.
L'utilisation du suédois est associée à une compétence clinique plus élevée. Cela pourrait s'expliquer par une meilleure représentativité des EHPAD suédois dans l'étude et un plus grand intérêt de leur personnel à participer. Toutefois, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre les aspects culturels liés à la langue. Enfin, l’étude montre l’importance de la collaboration : ainsi, demander conseil à un collègue est associé à une meilleure compétence clinique pour les AS. Cela peut signifier solliciter un IDE.
L'âge croissant, le niveau de formation, le lieu de travail, l'utilisation des standards de pratique et le soutien des collègues (pour les AS) sont associés à une meilleure compétence clinique du personnel infirmier en EHPAD. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre l'influence de la langue et de la culture.
L'étude a utilisé un test de connaissances objectif pour évaluer la compétence clinique du personnel infirmier en gériatrie, une approche rarement utilisée dans la pratique professionnelle infirmière. Cependant, l'échantillon étudié était relativement restreint, ce qui limite la généralisation des résultats. De plus, la collecte de données s'est principalement déroulée en ligne en raison de la pandémie de COVID-19. Les résultats ont montré que le fait de travailler dans des EHPAD où le suédois est la langue de travail était associé à une meilleure compétence clinique, mais l'étude n'a pas exploré la langue d'études des infirmiers, ce qui mériterait une investigation supplémentaire.