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Enigme de la semaine : Un syndrome néphrotique qui ne passe pas (solution)

En reprenant l’interrogatoire de cette patiente qui consulte pour un tableau associant protéinurie, troubles du sommeil, paresthésies et myalgies, il apparait qu’elle avait utilisé quotidiennement une crème éclaircissante sur son visage au cours des 7 derniers mois. Dans ce contexte, il est licite de demander une recherche de métaux lourds dans le sang afin d’identifier une intoxication au mercure qui peut survenir lors de l’utilisation de produits contaminés destinés à éclaircir la peau.

Ce dosage a révélé un taux de mercure sanguin de 16,7 μg/L (83,3 nmol/L) (N < 2,5 μg/L [12,5 nmol/L]), et un taux de mercure urinaire de 22,2 μg/L (110,7 nmol/L) (N < 2,5 μg/L [12,5 nmol/L]). Bien que le mercure ne soit pas mentionné sur l'étiquette du produit, la crème pour le visage de la patiente contenait 36 ​​000 ppm de mercure inorganique. La patiente a arrêté d’utiliser cette crème et a bénéficié d’un traitement chélateur par acide dimercaptosuccinique (DMSA) intramusculaire (250 mg par jour) pendant 3 jours. Trois cycles supplémentaires de chélation avec du DMSA ont été administrés sur 3 jours avec un intervalle de 4 jours entre les cycles. 

Les symptômes neurologiques (insomnie, myalgies, paresthésies) ont disparu après le deuxième cycle de chélation et, après le quatrième cycle, la protéinurie était minimale (0,5 g/j) et le taux de mercure sanguin normal (2,4 μg/L [12 nmol/L]). La patiente a pu rentrer chez elle après une hospitalisation de 31 jours. Douze mois après la présentation initiale, elle était asymptomatique et les analyses de laboratoire ont révélé des taux normaux de créatinine, d'albumine et de protéines urinaires.

Le mercure, plus répandu qu’il ne devrait

Le mercure est un métal lourd présent dans la croûte terrestre. Il existe sous des formes élémentaires, organiques et inorganiques, qui peuvent toutes être toxiques pour les humains. Bien que la pathogénèse ne soit pas entièrement comprise, la conjugaison du mercure aux groupes sulfhydryles de protéines dans le corps peut inactiver certaines enzymes et augmenter le stress oxydatif, l'inflammation, la cytotoxicité, l'apoptose et l'auto-immunité. 

Les manifestations toxiques du mercure dépendent de sa forme, de sa dose, de la voie d’absorption (inhalation, ingestion, absorption cutanée ou injection) et de la durée d'exposition. L'exposition au mercure inorganique, qui comprend les sels mercureux et mercuriques, peut se produire dans certaines industries (par exemple, l'exploitation minière, la chimie, le traitement des métaux), par l'ingestion de médicaments contenant du mercure ou lors de l'utilisation de produits éclaircissants pour la peau.

Les composés du mercure sont facilement absorbés par la peau intacte et inhibent la production de mélanine, ce qui permet d’obtenir une peau plus claire. Bien que l’Organisation mondiale de la santé recommande que les niveaux de mercure dans les produits cosmétiques ne dépassent pas 1 ppm, des produits éclaircissants pour la peau contenant des niveaux de mercure supérieurs à 1 000 ppm sont disponibles aux États-Unis et dans d’autres régions du monde. 

Des symptômes néphrologiques et neurologiques au premier plan

Certaines personnes exposées de façon chronique aux sels de mercure inorganiques sont asymptomatiques malgré des taux sanguins élevés de mercure. D’autres développent des symptômes, principalement dus aux effets néphro- et neurotoxiques. Ces symptômes se manifestent des mois, voire des années après l’exposition initiale au mercure.

Le dépôt de mercure inorganique dans les reins provoque souvent un syndrome néphrotique dû à une glomérulonéphrite extra-membraneuse ou, moins fréquemment, à une néphropathie à lésions glomérulaires minimes. Les effets neuropsychiatriques fréquents comprennent : céphalées, sensations vertigineuses, insomnie, troubles de la vision, dépression, anxiété, tremblements, paresthésies et ataxie. 

Le diagnostic différentiel de l’intoxication au mercure comprend : le lupus érythémateux systémique, le syndrome néphrotique, la polyneuropathie, le phéochromocytome, la dépression et la démence. Le diagnostic d’intoxication au mercure est souvent retardé en raison de la nature non spécifique et hétérogène des symptômes et du manque de sensibilisation des cliniciens à cette affection.

Une intoxication au mercure inorganique doit être suspectée chez les patients présentant un syndrome néphrotique et des symptômes neuropsychiatriques qui ont des antécédents d’exposition au mercure ou qui utilisent des produits éclaircissants pour la peau. Le diagnostic est posé devant des niveaux élevés de mercure dans l’urine ou le sang total.

Le traitement de première intention de l’intoxication au mercure due à une crème cosmétique éclaircissante est l’arrêt du produit. Le traitement par chélation avec le DMSA ou la D-pénicillamine est indiqué chez les patients symptomatiques présentant des taux anormaux de mercure dans les urines ou le sang. L’acide dimercapto-1-propanesulfonique peut être utilisé en cas d’effets indésirables dus au DMSA.

Bien que les symptômes de l’intoxication au mercure s’améliorent ou disparaissent souvent après la chélation, le pronostic dépend de la gravité de la présentation clinique, de la concentration de mercure dans le produit et de la durée d’utilisation.


References

Wu S, Han B, Xiong X. A Patient With Proteinuria, Myalgias, and Decreased Pigmentation of Facial Skin. JAMA. 2024 Jul 23;332(4):329-330. doi: 10.1001/jama.2024.6111. 


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