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Etats-Unis : la bataille de l’avortement continue

Dallas – Deux ans après la décision historique de la Cour Suprême des Etats-Unis, le droit à l’avortement continue d’être un enjeu central dans la vie politique américaine, à cinq mois des élections présidentielle et législatives.

Le 4 mars dernier, le Parlement français réuni en Congrès votait l’inscription dans notre Constitution du droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Un vote essentiellement symbolique qui visait à répondre à une décision prise deux ans auparavant de l’autre côté de l’Atlantique : le 24 juin 2022, dans son désormais célèbre arrêt Dobbs v. Jackson, la Cour Suprême des Etats-Unis, à majorité conservatrice (six juges républicains contre trois démocrates), a en effet mis fin à la protection constitutionnelle du droit à l’avortement, revenant ainsi sur une jurisprudence vieille de près de 50 ans.

Une décision historique qui a eu presque immédiatement des conséquences dramatiques pour des millions de femmes américaines. Depuis deux ans, ce sont en effet quatorze Etats américains qui ont interdit l’avortement (en dehors de strictes raisons) et trois autres qui en ont fortement limité l’accès. Le droit à l’avortement, qui était déjà depuis plusieurs années au cœur de la bataille culturelle entre démocrates et républicains, opposant les « pro-choix » et les « pro-vie », est désormais plus que jamais au cœur de la politique américaine.

Cette bataille se mène en premier lieu dans les tribunaux, particulièrement puissants aux Etats-Unis. Les partisans du droit à l’avortement mènent ainsi régulièrement des actions judiciaires pour tenter de contester la légalité des mesures prises contre le droit à l’IVG dans les Etats conservateurs. 

Au Texas, l’avortement puni de 99 ans de prison

C’est le cas notamment au Texas, l’un des Etats les plus restrictifs en matière d’IVG. L’avortement y est désormais interdit même en cas de viol, d’inceste, ou si le fœtus n’est pas viable. Il n’est autorisé qu’en cas de danger mortel pour la mère mais même dans ce cas, nombreux sont les médecins qui renoncent à réaliser un avortement, de peur des conséquences judiciaires : pratiquer un avortement considéré comme injustifié est en effet passible de 99 ans de prison (autrement dit de la perpétuité).

Certains élus conservateurs souhaitent aller plus loin en interdisant aux femmes texanes de se rendre au Mexique ou dans les Etats voisins du Nouveau-Mexique, du Colorado ou du Kansas, où l’avortement est toujours légal. Certaines villes frontalières ont ainsi fait passer des règlements locaux interdisant aux femmes enceintes de traverser la frontière du Texas. Des dispositions que même certains élus républicains jugent excessives ou inapplicables.

Pour le moment, toutes les tentatives de remettre en cause cette législation extrêmement sévère devant la justice ont abouti à un échec, compte tenu d’une Cour suprême texane entièrement contrôlée par les conservateurs. Le 11 décembre dernier, les juges ont ainsi interdit à une femme dont l’enfant était porteur d’une trisomie 18 (qui entraine généralement le décès de l’enfant en quelques mois) de pouvoir se faire avorter, provoquant un scandale dans tout le pays. Le 31 mai, la Cour a également rejeté la requête d’une vingtaine de femmes et de médecins demandant à ce que la loi texane autorisant l’avortement en cas de danger pour la mère soit clarifiée. 

L’avortement, une épine dans le pied de Donald Trump

La Cour Suprême des Etats-Unis va également se prononcer dans les prochaines semaines sur plusieurs affaires en la matière. Elle doit tout d’abord déterminer dans quelle mesure un médecin peut réaliser un avortement lorsqu’il estime que l’état de santé de la mère le justifie, y compris dans les Etats qui interdisent l’avortement. 

La Cour doit également prendre position sur l’accès à la mifépristone, l’une des deux pilules abortives utilisées dans plus de la moitié des avortements aux Etats-Unis. Des médecins hostiles à l’IVG remettent en effet en cause une décision de la Food and Drug Administration (FDA) de 2016 qui a élargi l’accès à la mifépristone, en permettant son utilisation jusqu’à dix semaines de grossesse (contre sept auparavant) et en autorisant infirmières et sage-femmes à la prescrire.

Cette décision pourrait avoir des conséquences au-delà de la seule question de l’avortement, puisque c’est la première fois que la Cour Suprême se permet d’examiner le bien fondé d’une décision de la FDA. Cependant, lors de l’audience du 26 mars dernier, les juges, y compris conservateurs, ont semblé vouloir valider la décision de la FDA et maintenir l’accès large à la mifépristone.

La bataille pour l’avortement se joue évidemment également dans les urnes, à cinq mois des élections présidentielle et législatives du 5 novembre prochain. Le président démocrate Joe Biden, candidat pour sa réélection, a fait du droit à l’IVG un de ses thèmes de campagne et a promis de consacrer son éventuel second mandat à l’adoption d’une loi fédérale légalisant l’avortement.

Depuis la décision controversée de la Cour Suprême, tous les référendums locaux sur l’avortement ont été remportés par des pro-choix, y compris dans des Etats jugés conservateurs et d’autres référendums devraient avoir lieu le 5 novembre prochain. Le sujet est donc plutôt un atout pour le camp démocrate, la majorité des Américains étant, selon les sondages, favorables au droit à l’IVG. A tel point que l’ancien (et peut être futur) président Donald Trump, qui se félicitait jusque là d’être celui qui était à l’origine du revirement de jurisprudence de 2022, préfère désormais soigneusement éviter le sujet.

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