Paris, le jeudi 1er février 2024 – Les deux tiers de nos lecteurs se disent favorables à la légalisation de l’aide active à mourir et la moitié à celle de l’euthanasie.
« Avant l’été nous examinerons un projet de loi sur l’aide active à mourir dans notre pays ». Ce mardi, lors de son discours de politique générale devant les députés, le Premier Ministre Gabriel Attal a réitéré une promesse faite par Emmanuel Macron lors de sa campagne de réélection : celle de légaliser l’aide active à mourir en France durant son second quinquennat.
Une promesse qui tarde à se réaliser : la convention citoyenne sur la fin de vie, qui s’est prononcée en faveur de la légalisation de l’aide active à mourir, a rendu ses conclusions en avril dernier et le projet de loi du gouvernement, qui n’a toujours pas été présenté, devait, au départ, l’être dès septembre dernier. Un retard qui s’explique par la valse des ministres (le ministre de la Santé a changé deux fois de nom depuis le quelques mois) mais aussi, si l’on en croit les commentateurs politiques, par les hésitations d’Emmanuel Macron le sujet.
Le débat qui s’annonce, qui embrassera des questions à la fois éthiques, philosophiques et médicales, risque de diviser la classe politique, les Français mais aussi le monde médical. Plusieurs organisations représentatives des soignants ont d’ores et déjà exprimé leur opposition à toute forme de légalisation de l’aide active à mourir, contraire à la vocation de soin des professionnels de santé selon eux. La société française de soins palliatifs (SFAP) notamment est à la pointe du combat contre toute légalisation du suicide assisté, considérant que la loi Claeys-Leonetti, qui offre aux patients en fin de vie le choix de l’euthanasie passive, permet de répondre en pratique à toutes les situations rencontrées.
Seuls 37 % de nos lecteurs ne veulent pas de nouvelle loi sur la fin de vie
Même parmi les partisans de l’aide active à mourir, la question de la méthode interroge et divise. Faut-il n’autoriser que le suicide assisté et ainsi fermer la porte aux personnes en souffrance ne pouvant pas se donner la mort ou autoriser également l’euthanasie et risquer ainsi de commettre une faute éthique en autorisant à donner la mort ? Pour l’Ordre des Médecins et l’Académie de Médecine, s’il est concevable qu’un médecin accompagne un de ses patients en fin de vie en l’aidant à se suicider, il n’est pas question de pouvoir l’autoriser à donner la mort, au risque de renier sa mission première de soin.
Dans ce débat complexe qui interroge notre rapport intime à la mort, le JIM a voulu connaitre l’avis de ses lecteurs. Et ces derniers semblent prêt à sauter le pas et imiter nos quelques voisins européens (Belgique, Pays-Bas, Suisse…) qui autorisent suicide assisté et euthanasie : ils sont ainsi 63 % à se dire favorable à la légalisation de l’aide active à mourir, alors que seulement 37 % optent pour le maintien du statu quo et de la loi Claeys-Leonetti.
Dans le détail, 44 % de nos lecteurs souhaitent la légalisation à la fois du suicide assisté et de l’euthanasie, option qui semble pour le moment retenue par l’exécutif. Ils ne sont en revanche que 13 % à vouloir la légalisation du suicide assisté seul (soit 57 % en faveur du suicide assisté) et 6 % de l’euthanasie uniquement (50 % pour l’euthanasie).
65 % des infirmières favorables à la légalisation de l’euthanasie
Le soutien à la légalisation de l’aide active à mourir est particulièrement marqué chez les infirmières, qui sont plus des trois-quarts (78 %) à souhaiter que la loi évolue : 61 % veulent la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie, 13 % du suicide assisté seul (soit 74 % de soutien au suicide assisté) et 4 % de l’euthanasie seul (65 % de soutien à l’euthanasie). Le soutien est presque aussi net chez les pharmaciens interrogés, qui sont seulement 32 % à être en faveur du statu-quo et du maintien de la loi Claeys-Leonetti. Les médecins en revanche se montrent plus partagés sur la question : ils souhaitent certes majoritairement voir légaliser l’aide active à mourir (58,5 %) mais ils sont en revanche moins de la moitié à souhaiter la légalisation de l’euthanasie, seul ou avec le suicide assisté (45 %).
En observant nos précédents sondages sur la question, on observe que le soutien à la légalisation du suicide assisté et/ou de l’euthanasie s’accroit chez nos lecteurs, signe sans doute d’une évolution plus globale de la société sur cette question. Ainsi, en avril 2018, seulement 39 % de nos lecteurs se disaient favorables à la légalisation de l’euthanasie. En décembre 2022, ils étaient en revanche 58 % à se dire favorable à la légalisation d’une aide active à mourir, chiffre qui monte donc à 63 % aujourd’hui.
Le gouvernement devrait présenter dans les semaines à venir son projet de loi sur la fin de vie, qui devrait, à priori, proposer la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie pour les personnes majeures en fin de vie souffrant de douleurs réfractaires, à l’exclusion des patients souffrant de troubles psychiatriques. Les débats à l’Assemblée et dans la société seront houleux, mais si la loi venait à être adopté, c’est un changement de paradigme majeur qu’opèrera la médecine française.