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Expériences de maltraitance infantile et déficits cognitifs ultérieurs

Dans plusieurs travaux, la maltraitance infantile a été associée aux déficits cognitifs, incluant un QI bas et une altération de fonctions spécifiques. Une meilleure compréhension de cette association est importante car les déficits cognitifs pourraient contribuer à un risque psychopathologique accru observé chez les individus ayant des antécédents de maltraitance infantile.

Ainsi, des déficits cognitifs peuvent s’observer chez les individus ayant un risque ou un diagnostic de dépression, d’état de stress post-traumatique et de trouble psychotique. Ils pourraient aussi contribuer à un faible niveau de fonctionnement et à des comportements antisociaux observés chez les individus au passé de maltraitance.

Les principales théories concernant le lien entre maltraitance infantile et déficits cognitifs se basent sur des faits documentées (expérience objective) de maltraitance, mais la recherche empirique repose largement sur des déclarations rétrospectives de ces expériences (expérience subjective), et ces deux types de mesures identifient des groupes qui, majoritairement, ne se chevauchent pas. 

Dans l’étude présentée ici, les auteurs se sont fixés pour objectif de tester les associations entre mesures objectives (MO) et subjectives (MS) de maltraitance et les capacités cognitives chez les mêmes individus.

Une évaluation des expériences objectives et subjectives de maltraitance infantile 

Cette étude de cohorte prospective d’individus du Midwest des Etats-Unis a été initiée en 1986 avec un large groupe de cas documentés de maltraitance physique et sexuelle et de négligence dans l’enfance (n = 908) et un groupe témoin sans cas connu de maltraitance ou de négligence dans l’enfance et qui était apparié sur l’âge, du sexe, l’origine ethnique et de la classe sociale familiale approximative au moment de la maltraitance dans l’enfance (n = 667). 

Les maltraitances survenues dans l’enfance avant l’âge de 12 ans étaient évaluées à la fois à l’aide de preuves objectives de maltraitance infantile documentées par les tribunaux (MO), et de déclarations subjectives (MS) dans l’histoire d’individus à l’âge de 29 ans (à l’aide de : une échelle de dépistage des violences intrafamiliales Conflict Tactics Scale, un questionnaire à la recherche d’abus physique dans l’enfance Self-Report of Childhood Abuse Physical, et des questions à la recherche de négligences comme une insuffisance d’alimentation, de vêtements, de logement ou de supervision). 

Entre les âges de 29 et 41 ans, les participants ont été évalués à plusieurs reprises à l’aide d’un ensemble de tests cognitifs, incluant des tests d’intelligence verbale générale (Quick Test et WRAT), d’intelligence non verbale (MRT), des fonctions exécutives (test de Stroop et TMT-B), et de vitesse de traitement (TMT-A). Les psychopathologies ont également été passées en revue (Échelle CES-D et l’Inventaire d’Anxiété de Beck). 

Les auteurs ont testé l’association entre MO et MS de maltraitance infantile d’une part, et fonctions cognitives d’autre part, en utilisant la régression des moindres carrés ordinaires. Afin de tester si les déficits cognitifs pouvaient expliquer l’association précédemment décrite entre les différentes mesures de maltraitance et la psychopathologie subséquente, les résultats ont été à nouveau analysées en prenant en compte les différences entre groupes par un test de Quick. 

Davantage de troubles cognitifs chez les participants ayant subi des négligences

Parmi les 1 179 participants pour lesquels des données étaient disponibles sur les mesures de maltraitance, 173 avaient des uniquement des MO de maltraitance pendant l'enfance, 492 avaient des MO et des MS, 252 avaient des MS uniquement et 262 n'avaient aucune mesure de maltraitance pendant l'enfance.

Les résultats ont révélé que les déficits cognitifs se concentraient parmi les participants ayant une MO de maltraitance infantile, et n’étaient pas observés chez ceux qui avaient des MS. L’association à des déficits cognitifs était spécifique aux antécédents de négligence. Les déficits cognitifs n’expliquaient pas l’association entre les différentes mesures de maltraitance et la psychopathologie ultérieure, les pathologies psychiatriques à l'âge adulte ayant été plutôt associées au groupe avec MS. Il est probable que la psychopathologie associée aux maltraitances n’émerge pas du fait des déficits cognitifs, mais cette voie mériterait d’être explorée par des évaluations individuelles, la mémoire autobiographique et les schémas associés afin de fournir de nouvelles pistes de traitements.

Notons toutefois que cette étude présentait quelques limites, notamment concernant de potentiels biais de classification. 

Au vu de ces résultats les auteurs suggèrent que davantage d’attention devrait être portée aux fonctions cognitives des enfants victimes de maltraitance documentée, et particulièrement de négligence, pour atténuer les conséquences négatives dans la vie scolaire et professionnelle, ainsi que pour réduire le risque de comportements antisociaux à l’âge adulte. 


References

Danese A, Widom CS. Objective and subjective experiences of childhood maltreatment and their relationships with cognitive deficits: a cohort study in the USA. Lancet Psychiatry. 2024 Sep;11(9):720-730. doi: 10.1016/S2215-0366(24)00224-4. PMID: 39147460.


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