Paris, le jeudi 10 octobre 2024 – Voilà deux ans que le rapport sur l'infertilité a été remis au gouvernement. Mais pour le Pr Samir Hamamah, co-auteur du document, il est l'heure d'agir.
« Quelques avancées », mais pas plus : le gouvernement n'a pas vraiment agi en faveur de la fertilité, contrairement à ce qu'il avait initialement annoncé, regrette le Pr Samir Hamamah, co-auteur d'un rapport de référence sur le sujet, remis en 2022, et chef du service de biologie de la reproduction au CHU de Montpellier.
Des taux de fécondité en chute libre
Le seuil de renouvellement de la population est fixé à 2,1 enfants par femme. Or l'Union européenne et la France affichent des taux de fécondité faibles. On recense ainsi 1,46 enfant par femme en moyenne dans l'UE en 2022. C'est un peu meilleur en France : 1,79 par femme en 2022. Mais le chiffre est en baisse, avec seulement 1,68 enfant par femme en 2023…
Un constat qui inquiète nécessairement aussi bien les experts que les autorités. « Que l'infertilité soit apparue comme une priorité nationale dans la bouche du chef de l'État, c'était une avancée majeure », s'est félicité le Pr Hamamah. Mais celui-ci regrette qu'on en soit resté au « stade déclaratif » et à « attendre la publication de notre première stratégie sous forme définitive », a-t-il affirmé lors d'une conférence de presse.
30 millions d'euros débloqués
Un attentisme d'autant plus troublant que le rapport a été remis… il y a deux ans. Pour le professeur Hamamah, spécialisé dans les thématiques reproductives, la France est très largement en retard, surtout par rapport à certains pays d'Asie, comme le Japon, la Corée du Sud, le Vietnam ou encore la Chine. Il reconnaît toutefois « quelques avancées » dans l'Hexagone.
Parmi celles-ci, on peut évoquer les 30 millions d'euros débloqués pour soutenir la recherche et l'innovation en la matière, qui ont d'ailleurs entraîné la création de deux consortiums portant sur l'infertilité et l'endométriose. En parallèle, deux autres mesures inspirées du rapport sont « aux mains de la Haute autorité de santé », affirme le professeur, également président de la Fédération française d'études de la reproduction.
La première est une consultation de 45 minutes, préconisée à partir de 29 ans. La seconde est une consultation préconceptionnelle qui aurait pour but d'identifier les facteurs de risque 100 jours avant et d'informer les couples. La HAS est actuellement en train d'évaluer les coûts de ces deux mesures, selon le professeur Hamamah.
Un institut de la fertilité
Le co-auteur du rapport préconise, de son côté, la création d'un institut national de la fertilité sur le modèle de l'Inca « pour mieux servir, et sans dépenser plus, une cause touchant à l'humain, à l'intime, la famille ». « Le plus tôt sera le mieux pour éviter de perdre davantage de temps », soutient-il, affirmant que le feu vert du chef de l'État sera primordial.
Et de rappeler que la crise de la fertilité en France et en Europe s'explique par une multitude de facteurs, qu'il s'agisse de causes culturelles, médicales, environnementales, socio-économiques…
En termes d'infertilité, 25 millions de personnes en Europe rentrent dans la définition de l'OMS, à savoir l'incapacité à concevoir après 12 mois de tentatives sans traitement. À cela s'ajoute, évidemment, les nombreuses personnes qui ne souhaitent pas avoir d'enfant, ou pas tout de suite.
Pour l'heure, il est dur de dire si le nouveau gouvernement agira enfin pour la fertilité. « Lorsque le président de la République a eu cette formule regrettable sur “le réarmement démographique”, il avait pris des engagements pour lutter contre l'infertilité, dont on attendait beaucoup », souligne Marie-Joëlle Gros, représentante du collectif Bamp, une association qui vient en aide aux patients de l'aide médicale à la procréation et aux personnes infertiles. Elle espère, pour conclure, que le sujet ne sera pas de nouveau « planqué sous le tapis ».