Paris – Comme on pouvait s’y attendre, l’examen des articles 5 et 6, cœur du projet de loi visant à autoriser le suicide assisté et l’euthanasie, ont suscité de vifs débats à l’Assemblée Nationale.
Depuis sa présentation en Conseil des ministres le 10 avril dernier, c’est une disposition du projet de loi sur la fin de vie qui fait tiquer beaucoup de monde. Une disposition de l’article 5 du texte définissant l’aide à mourir, qui prévoit que, si le patient « n’est pas en mesure physiquement » de s’administrer lui-même la substance létale, celle-ci peut être administrée par un professionnel de santé…mais aussi par « une personne volontaire qu’elle désigne ». Le projet de loi autoriserait donc, par exception, l’euthanasie par un proche.
Une disposition qui a suscité de vifs critiques de la part des opposants à l’aide à mourir mais aussi chez certains de ses partisans. Comme beaucoup l’ont souligné, cette disposition est unique au monde, tous les autres pays autorisant l’euthanasie prévoyant que seuls des professionnels de santé volontaires peuvent administrer la substance létale.
Inévitablement, la question a suscité de vifs débats ce jeudi à l’Assemblée Nationale, alors que les députés examinaient l’article 5 du projet de loi. Plusieurs parlementaires Rassemblement National (RN), Les Républicains (LR) mais également Renaissance se sont inquiétés de cette mesure. « Ces tierces personnes, accompliraient sans doute leur tâche avec les meilleures intentions du monde, mais à quel point seront-elles affectées à long terme » s’est ainsi ému la députée Renaissance Astrid Panosyan-Bouvet.
En face, les partisans de cette disposition ont argumenté qu’il fallait sur ce point respecter la volonté du patient. « Dans ces moments-là, on ne peut pas exclure qu’un proche sera présent, qui sommes-nous pour décider à la place des malades » a ainsi plaidé la députée Renaissance Laurence Maillart-Méhaignerie.
A une voix près, les députés suppriment l’euthanasie par un proche
Contre l’avis du gouvernement, c’est finalement avec la plus petite des marges (43 voix pour et 42 contre) qu’un amendement de la députée LR Christelle Petex supprimant la possibilité de demander à être euthanasié par un proche a été adopté. Le député Modem Olivier Falorni, rapporteur général du texte et ardent partisan de l’euthanasie (il est membre de l’association pour le droit à mourir dans la dignité) a cependant promis qu’il tenterait de rétablir cette disposition plus tard lors de l’examen du texte.
L’article 5 en lui-même a ensuite été adopté par 88 voix pour et 50 contre après que d’autres tentatives d’amendement aient été rejetées. A droite et à l’extrême-droite, les opposants au projet de loi ont, pour la énième fois, tenté de remplacer la notion d’ « aide à mourir », qu’ils jugent floue et hypocrite, par celle plus explicite de « suicide assisté » et d’ « euthanasie », se heurtant une nouvelle fois à l’agacement de la ministre de la Santé Catherine Vautrin, très présente dans les débats.
Ils ont également essayé, en vain, d’éviter que l’aide à mourir ne figure dans le Code de la santé publique, arguant que « l’acte létal n’est pas un soin ». De l’autre côté de l’échiquier politique, la gauche a déposé plusieurs amendements, tous rejetés, visant à laisser le choix au patient entre le suicide assisté et l’euthanasie, alors que le projet de loi ne fait de l’euthanasie qu’une exception lorsque le patient n’est pas capable de se donner la mort lui-même.
Les députés sont ensuite passé ce jeudi à l’examen de l’article 6, qui fixe les critères permettant au patient de pouvoir demander à recevoir une substance létale. Là encore, comme cela était prévisible, les débats se sont cristallisés sur le caractère de « l’affection grave et incurable » dont doit souffrir le patient. Dans le projet de loi initial, il était précisé que cette affection devait, pour le patient, « engager son pronostic vital à court ou moyen terme ». Mais en commission, les députés ont remplacé cette notion par celle plus large de « stade avancé ou terminal ». Une formulation qui permettrait que l’aide à mourir puisse bénéficier à un plus grand nombre de patients, par exemple ceux souffrant de la maladie de Charcot auxquels il pourrait rester plusieurs années à vivre.
Une solution de compromis sur la question du pronostic vital
Ce jeudi, la ministre de la Santé Catherine Vautrin a longuement plaidé pour que les députés reviennent à la formulation première du texte. Elle a notamment rappelé que l’Académie de Médecine et le Conseil de l’Ordre des médecins ont tous deux plaidé pour le critère du « pronostic vital engagé à court ou moyen terme ».
« Le moyen terme est une hérésie absolue » lui a répondu le député PS Stéphane Delautrette, alors que plusieurs parlementaires de gauche ont rappelé que, durant l’examen du texte en commission, plusieurs médecins interrogés ont affirmé qu’il était impossible de déterminer le temps restant à vivre à un patient. Manque de chance pour Catherine Vautrin, la Haute Autorité de Santé (HAS), qu’elle a saisie pour qu’elle apporte des précisions sur la notion de « pronostic vital engagé à court ou moyen terme », a indiqué qu’elle ne pourrait se prononcer sur la question que dans un an.
C’est finalement une solution de compromis que les députés ont choisi pour mettre fin au débat. Contre l’avis du gouvernement, ils ont adopté ce jeudi un amendement de la députée LR Frédérique Meunier, l’une des rares partisans de l’aide à mourir dans son camp, qui prévoit que, pour bénéficier de l’aide à mourir, le patient devra souffrir d’une affection grave et incurable « à un stade avancé ou terminal et engageant son pronostic vital ». Les notions floues de « court ou moyen terme » sont ainsi écartées, mais la nouvelle formulation semble limiter quelque peu le spectre du projet de loi.
Les discussions sur l’article 6 continueront ce vendredi. Le vote solennel du texte a été repoussé d’une semaine et les débats parlementaires continueront jusqu’au 18 juin.