Baltimore – Un jeune homme de 15 ans, qui a eu l’idée d’un savon contre le mélanome, est devenu la nouvelle coqueluche du monde scientifique américain.
Les équipes du laboratoire de santé publique de l’université de John Hopkins à Baltimore, l’un des plus grands centres de recherche des Etats-Unis, auront un collègue un peu particulier cette année. Alors que la plupart des membres de ce laboratoire sont des chercheurs chevronnés, Heman Bekele, 15 ans seulement, travaillera cette année avec eux. Le jeune homme n’a pas encore terminé le lycée et il est pourtant déjà à la tête de son propre projet scientifique : la création d’un savon contre le mélanome.
Né en Ethiopie, dont il a émigré avec ses parents à l’âge de quatre ans pour les Etats-Unis, Heman Bekele n’a qu’un seul souvenir de sa vie africaine : celle d’ouvriers travaillant sous un soleil de plomb sans aucune protection. Une vision qui a sans doute guidé sa volonté de trouver un moyen de combattre le cancer de la peau. A l’âge de 7 ans, ses parents lui offrent un kit de chimiste en herbe pour Noel. Sa passion pour la chimie est née.
Scientifique depuis sa plus tendre enfance
Il se souvient avoir tenté toutes sortes d’expériences dans sa chambre d’enfant. « Je mélangeais du savon, du détergent et divers produits ménagers » raconte-il au journal américain Time Magazine. « Je les cachais sous mon lit pour voir ce qu’il se passait si je laissais couver ça toute la nuit, je mélangeais tout totalement au hasard ».
Même si ce type de recettes a été essayé par beaucoup d’autres bambins, déjà enfant, Heman Bekele nourrit de solides ambitions. Il se persuade ainsi qu’en mélangeant de l’aluminium et de l’hydroxyde de sodium, il pourra produire une quantité infinie d’énergie et résoudre les problèmes de la planète. « Mais j’ai failli déclencher un incendie » se remémore-t-il.
Le scientifique en herbe n’est pas freiné par ses échecs d’enfants. Alors que les adolescents de son âge s’intéressent aux jeux vidéo et aux réseaux sociaux, lui se passionne pour les traitements contre le cancer de la peau. Il s’intéresse ainsi à l’imiquimod, un médicament prescrit contre certains mélanomes. Le médicament est administré sous forme de crème, mais le jeune Bekele s’est demandé s’il pouvait mettre au point un autre mode d’administration plus simple et surtout moins cher, alors qu’une dose d’imiquimod coûte 40 000 dollars aux Etats-Unis.
« Je me suis demandé : qu’est-ce que tout le monde utilise quel que soit son niveau socio-économique ? » raconte-t-il. « Presque tout le monde utilise du savon et de l’eau pour se laver, alors un savon est probablement la meilleure solution ».
Petit à petit, le jeune homme fait progresser son idée de savon contre le mélanome. Pour que l’imiquimod ne soit pas tout simplement éliminé par l’eau au moment de l’utilisation du savon, il a l’idée d’associer cette molécule avec des nanoparticules lipidiques, qui resteraient attachées à la peau quand le patient se rincerait après s’être savonné.
Un savon sur les rails
L’idée tape dans l’œil du monde scientifique. En octobre 2023, le jeune homme remporte le « 3M Young scientist challenge », une compétition organisée par la société 3M dans laquelle des lycéens doivent présenter une idée d’invention scientifique. Heman Bekele remporte 25 000 dollars, une très belle somme pour un adolescent de 15 ans, mais évidemment insuffisante pour poursuivre son projet de savon thérapeutique.
En février dernier, lors d’un congrès sur le mélanome à Washington, il fait la connaissance du Pr Vito Rebecca, chercheuse à l’université John Hopkins. La scientifique prend le jeune homme sous son aile et l’invite à poursuivre ses recherches au sein de la prestigieuse université américaine.
Elu « enfant de l’année » par le Time Magazine le 15 août dernier, Heman Bekele poursuit, avant même cette consécration médiatique, ses recherches et participe à la promotion de son projet. En juin, il a dû mener une présentation devant 8 000 personnes lors d’un congrès à Boston. « C’était stressant mais aussi amusant » raconte le jeune homme plein de ressources. Il a bien conscience qu’il faudra de nombreuses années pour que son savon thérapeutique voit le jour, s’il voit le jour. Mais à 15 ans, Heman Bekele n’est pas pressé et garde la tête sur les épaules.
« Tout le monde aurait pu faire ce que j’ai fait, j’ai juste eu une idée, je l’ai travaillée et j’ai pu la rendre concrète » analyse-t-il. Il invite tous les jeunes garçons et filles de son âge à nourrir le même esprit d’innovation. « Nous n’aurons jamais trop de nouvelles idées dans ce monde. Continuez d’inventer. Continuez de réfléchir à des manières de changer notre monde et de le rendre meilleur ».