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Glioblastome : un antidépresseur porteur d’espoir

Le glioblastome est un type de tumeur cérébrale au pronostic particulièrement sombre. Lors d’un criblage de médicaments à grande échelle, un antidépresseur a montré une efficacité prometteuse contre les cellules cancéreuses. 

Les glioblastomes (GB) représentent les tumeurs primitives du système nerveux central les plus fréquentes et les plus agressives. Malgré un schéma thérapeutique comprenant une exérèse chirurgicale la plus large possible, suivie d’une radiochimiothérapie, ces tumeurs récidivent inexorablement et entraînent le décès des patients après une survie médiane de 15 à 18 mois. La chimiothérapie à base d’agents alkylants (témozolomide (TMZ)) n’a qu’un effet palliatif. Le repositionnement des médicaments (drug repurposing) pourrait contribuer à identifier des molécules neuroactives passant la barrière hémato-encéphalique, couramment prescrites dans des maladies neurologiques et ayant un effet anti-tumoral dans les GB. 

Lee et al. ont testé ex vivo, à l’échelle de la cellule unique (single cell), des molécules neuroactives sur du matériel tumoral issu de patients opérés d’un GB. Ils ont évalué plus de 2500 réponses thérapeutiques à 132 molécules dans des GB issus de 27 patients. Cette étude a permis d’identifier des molécules neuroactives de classes différentes ayant un effet antitumoral dans différents modèles de GB (ex vivo, in vitro et in vivo). 

Validation d’un modèle ex vivo

Dans un premier temps, les auteurs ont testé, en prospectif, la réponse ex vivo à des chimiothérapies de première (TMZ) et deuxième ligne (lomustine) de cellules tumorales de GB issus de 27 patients. Le matériel tumoral a été mis en culture le jour de l’exérèse chirurgicale et incubé avec différentes molécules pendant 48 heures. Une plus grande sensibilité ex vivo des cellules tumorales au TMZ (comparées aux cellules non-tumorales et aux cellules immunitaires issues du même prélèvement) était associée à une meilleure survie globale et sans progression des patients. Ces résultats ont été validés sur une cohorte rétrospective de 18 GB. Les patients avec des survies plus longues présentaient une meilleure sensibilité ex vivo au TMZ. Le statut méthylé (réprimé) du promoteur de la MGMT (enzyme qui répare les lésions de l’ADN induites par le TMZ) était associée à une meilleure sensibilité ex vivo au TMZ. Ces résultats sont en accord avec les données de la littérature concernant la réponse au TMZ des patients atteints d’un GB. Ceci montre la validité du modèle utilisé pour tester l’efficacité de nouvelles molécules dans cette maladie. 

Plus de 130 molécules neuroactives testées

Dans un deuxième temps, les auteurs ont testé des librairies de molécules neuroactives ou anti-cancéreuses potentiellement repositionnables. Les molécules neuroactives testées (n = 67) sont utilisées en routine dans le traitement de maladies neurologiques ou psychiatriques, telles que la maladie d’Alzheimer, la dépression ou la schizophrénie. Les molécules anti-cancéreuses (n = 65) incluaient des inhibiteurs de kinases cycline-dépendantes et de tyrosine kinases. Les auteurs ont observé 13,5 % de réponses thérapeutiques ex vivo. Les quatre molécules les plus efficaces étaient des molécules anti-cancéreuses : l’elesclomol, un inducteur du stress oxydatif, suivi du sorafenib et du ponatinib, deux inhibiteurs de tyrosine kinases, et en quatrième position le ribociclib, un inhibiteur de kinases cycline-dépendantes. 

En ce qui concerne les molécules neuroactives, le taux de réponse ex vivo était de 11,3 %. Quinze molécules présentaient des effets anti-tumoraux. La plus efficace était la vortioxetine, un anti-dépresseur, avec une réponse thérapeutique ex vivo chez 66 % (18/27) des patients. D’autres molécules d’intérêt étaient la paroxetine (efficacité ex vivo chez 44,4 % des patients) et la fluoxetine (40,7 % des patients), deux antidépresseurs de la classe des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, et enfin, le brexpiprazole, un antipsychotique (48,1 % des patients). L’efficacité des molécules neuroactives reposait sur l’activation d’une voie impliquant les facteurs de transcription de la famille AP-1 et BTG2, un gène suppresseur de tumeur qui contrôle, avec TP53, le cycle cellulaire et la différenciation. L’axe AP-1/BTG diminuait la prolifération et augmentait la différenciation et la mort cellulaire. La convergence sur cette voie était une signature prédisant l’efficacité anti-tumorale de la molécule testée. 

Des essais cliniques en cours de planification

L’efficacité anti-tumorale des molécules les plus prometteuses a été testée in vivo chez des souris porteuses d’un GB humain (xénogreffe orthotopique). Là aussi, la vortioxetine était la molécule la plus efficace, montrant un allongement de la survie comparable au TMZ. Le traitement diminuait la taille de la tumeur mesurée in vivo en IRM chez les souris transplantées. In vitro, cette molécule réduisait le pouvoir invasif et la survie de lignées cellulaires de GB. Enfin, les auteurs ont testé in vivo la combinaison de la vortioxetine avec le TMZ ou la lomustine. L’association de la vortioxetine avec l’une ou l’autre de ces drogues augmentait la survie médiane des souris de 20 à 30 %, avec 25 % d’animaux longs survivants. 

Au total, le repositionnement de certaines molécules neuroactives, en synergie avec les chimiothérapies conventionnelles, pourrait apporter un réel bénéfice thérapeutique aux patients atteints d’un GB. 


References

Lee S, Weiss T, Bühler M, et al. High-throughput identification of repurposable neuroactive drugs with potent anti-glioblastoma activity. Nat Med. 2024 Sep 20. doi: 10.1038/s41591-024-03224-y.


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