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En grandes difficultés financières, les Ehpad à la recherche d’une réforme

Paris – A l’occasion des assisses nationales des Ehpad, le secteur demande que des réformes structurelles soient prises d’urgence, alors que la majorité des établissements sont en déficit.

C’est un des nombreux dossiers qui attendent le nouveau Premier Ministre Michel Barnier sur son bureau, toujours à la recherche d’un gouvernement et d’une majorité à l’Assemblée Nationale : la question du vieillissement et plus particulièrement des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (Ehpad), qui accueillent plus de 700 000 résidents en France. En 2030, les personnes âgées de plus de 65 ans seront plus nombreuses que celles de moins de 15 ans et les spécialistes du secteur alertent : les Ehpad et plus globalement la société française n’est pour le moment pas en mesure de faire face à ce « mur démographique ». 

C’est donc dans un contexte assez morose que se sont tenues ce mardi et mercredi à Paris les Assises nationales des Ehpad. Deux ans après le scandale Orpea, qui avait révélé les nombreuses maltraitances et malversations financières malheureusement monnaie courante dans le secteur, les établissements pour personnes âgées se trouvent en effet au cœur d’une « triple crise » selon Laurent Guillot.

« Crise financière, crise des soignants et crise de l’investissement » détaille ce mardi au micro de France info le nouveau directeur du groupe Orpea (renommé Emeis cette année), chargé de redorer l’image terni du numéro 1 du secteur privé des Ehpad.

La « triple crise » des Ehpad

Crise financière d’abord. Selon un récent rapport de la Fédération hospitalière de France (FHF) publié mercredi dernier, ce sont 85 % des Ehpad publics qui sont en déficit, avec un déficit cumulé de 1,3 milliard d’euros pour les seuls Ehpad publics en 2022-2023.

La FHF demande donc la mise en place d’un « plan de sauvegarde » des établissements ou service-social ou médico-social (ESMS), qui comprennent les Ehpad, ainsi qu’une augmentation de 6 % en 2025 de l’objectif global de dépenses du secteur médico-social. Un moyen pour les Ehpad de faire face à l’inflation qui n’a pour l’instant « pas été compensée par une hausse des tarifs ou des dotations de l’Etat » remarque Laurent Guillot. 

Crise des soignants ensuite. Le directeur d’Emeis rappelle qu’il manque 120 000 infirmières dans les Ehpad et qu’il va être particulièrement difficile de les attirer vers un métier qui manque cruellement d’attractivité. Un décret du 9 juillet dernier a rendu obligatoire la présence d’un médecin coordonnateur dans les Ehpad comptant plus de 200 résidents, une bonne idée en apparence mais qui pose encore une fois la question du recrutement et de l’attractivité. 

Crise de l’investissement enfin. Pour Laurent Guillot, le modèle actuel du financement, aujourd’hui partagé entre les familles et la Sécurité Sociale a « touché ses limites ». Il appelle à « refonder le modèle » et n’hésite pas à briser un tabou : pourquoi ne pas demander une plus grosse contribution aux retraités eux-mêmes, qui disposent souvent d’un plus grand patrimoine que les générations suivantes ?

Comme souvent, les assises nationales des Ehpad, organisées par Luc Broussy, ancien conseiller du Président François Hollande sur les questions du vieillissement, ont pris une coloration nettement politique. L’ancien Premier Ministre et désormais candidat à l’élection présidentielle Edouard Philippe a ainsi été l’invité vedette de cette édition 2024.

Il a ainsi pu revenir sur ce qui constitue l’un des grands ratés de la présidence d’Emmanuel Macron : l’abandon d’une loi « grand âge », qui constituait pourtant une des promesses de campagne du candidat Macron en 2017. Certes une cinquième branche autonomie a bien été créée au sein de la Sécurité Sociale en 2021 comme promis, mais la grande loi sur le vieillissement, longtemps promise, a finalement accouché d’une souris avec la loi sur le « bien vieillir » adoptée en avril dernier qui, de l’avis général, est grandement insuffisante.

Les solutions viendront-ils de l’Assemblée Nationale ?

Pas de mea culpa de l’ancien locataire de Matignon sur ce sujet. Edouard Philippe reconnait qu’il n’a jamais été un chaud partisan de l’adoption d’une loi sur le grand âge. « Je sais combien il y a une appétence et un besoin d'un dispositif législatif mais se dire qu'avec le vote d'une loi grand âge tout ira mieux, c'est tomber dans un travers, c'est un peu plus compliqué que ça » explique le maire du Havre. Le candidat à la Présidence de la République prône pourtant une refonte du modèle de l’Ehpad. Selon lui, il serait nécessaire de développer un modèle intermédiaire à même d’accueillir les personnes âgées qui ne sont pas encore entièrement dépendantes, afin de soulager les Ehpad.

Un constat loin d’être partagé par le député PS Jérôme Guedj, l’un des spécialistes des questions de santé à l’Assemblée Nationale et plus particulièrement des questions liées au vieillissement. Selon lui, le modèle de financement des Ehpad « est à bout de souffle et doit être repensé de fond en comble » notamment pour améliorer l’attractivité des carrières de soignants dans ces établissements. Une loi sur le grand âge, dont il regrette que l’ancienne majorité macroniste n’ait finalement pas voulu, aurait pu selon lui permettre d’engager une telle réforme. 

Le député de l’Essonne rappelle d’ailleurs que, conformément à la loi sur le bien vieillir, le gouvernement a l’obligation, d’ici la fin de l’année, de déposer une loi de programmation sur le grand âge. Mais au vu de la situation politique très complexe, Jérôme Guedj n’est pas dupe. « N’attendons pas tout du gouvernement »explique-t-il.« Le dernier a beaucoup procrastiné sur ce sujet. Je demande à l’ensemble des parlementaires de prendre l’initiative d’élaborer de manière transpartisane cette loi de programmation sur le grand âge ».

Et si cette loi était portée par un Jérôme Guedj nommé ministre de la Santé, dans le cadre d’un gouvernement d’union nationale portée par Michel Barnier ? Interrogé par nos confrères du Quotidien du médecin, le député semble exclure cette option. « Je souhaite contribuer aux questions de santé mais quand nous serons en capacité de le faire à gauche » répond-il. Ce n’est donc pas pour demain.

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